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20/05/2009

Le nouveau cauchemar des patrons : la grève de la grève

Sylvain Lapoix

La consommation qui chute mais la production qui se maintient. Après Amora, Continental et Molex, les salariés d'Unilever craignent que leurs patrons soient en train de constituer des stocks... en vue des futures grèves que provoquerait l'annonce de la fermeture du site !

A l'usine Amora, on entassait de la moutarde. Chez Molex, on mettait de côté des câbles. Chez Continental, on thésaurisait du pneu. Tout ça pour quoi ? Pour anticiper la baisse de production pendant les grèves qui ont suivi les annonces de fermeture de ces sites industriels. Prévoyants, les patrons maintenaient la cadence, malgré la chute de la demande, et mettaient au hangar les surplus, histoire de compenser une fois (l'inévitable) grève venue. Résultat : désormais, quand les ventes se tassent mais que la production ne fléchit pas, les ouvriers craignent que la direction leur prépare un sale coup. Comme à l'usine Unilever de Compiègne, où on redoute un «syndrôme Amora».

20% de chute des ventes, moins de 10% de baisse de production... où va le surplus ?


Sur ce site de 350 et quelques ouvriers, on embouteille les marques Sunsilk, Dove et Timothey. De mars 2008 à mars 2009, les ouvriers ont constaté une baisse de 5 à 10% des volumes produits. Or, dans le même temps, les ventes européennes de shampooings du groupe Unilever ont chuté de près de 20%. «Le directeur nous a dit qu'il n'y avait pas de surplus, raconte Bruno Daughet, délégué CGT-Force ouvrière du site. Mais, même si on compte le volant que représentent les hangars, ça paraît difficile d'arriver à 12 à 16% d'effet tampon.» La direction a promis une réunion extraordinaire pour dissiper les craintes. Mais le soupçon de stockage persiste.

Pour les deux usines de moutarde Amora, marque de la branche alimentation du groupe, l'histoire avait commencé de la même manière. Jusqu'au jour où la CFDT avait signé le plan de sauvegarde de l'emploi concluant à la suppression de 244 emplois. Depuis 2007, Unilever déroule un plan de réduction des effectifs de 20000 postes, dont 12000 en Europe. «On ne sait pas quelles seront les prochaines usines à disparaître», confie un syndicaliste.

«L'effet de stock» : un levier psychologique puissant

A l'Usine Unilever de Compiègne, à quelques kilomètres de Continental, chaque doute se transforme en preuve : un cadre trouve que les campagnes de pub se sont significativement réduites sur l'Europe de l'Ouest alors qu'elles croissent sur les marchés émergents. Serait-ce un signe ? Dans les «immenses entrepôts» du groupe, comment différencier le stock du flux dans les boîtes de démêlants ?

Les augmentations individuelles ont été gelées : cadres, maîtrise et maintenant employés. «Il y a beaucoup de congés maladie, les gens craquent ! Constate Pascal Carcel, secrétaire de la CGT-FO au CE d'Unilever. On nous sert même du «vous avez de la chance d'avoir encore un boulot, dans la région ça devient rare» et autres pressions !»

Pourtant, Unilever a annoncé pour son premier trimestre des chiffres plutôt bons : 4,8% de croissance du chiffre d'affaire du groupe, avec de belles performances pour son shampooings Sunsilk et sa mayonnaise Hellmann's. Las, au premier trimestre, les analyses pessimistes sur les secteurs de la beauté et de l'alimentation ont entraîné un net tassement de l'action du groupe. Après avoir obtenu le gel des salaires, Unilever pourrait-il jouer la carte de la réduction de salaire pour tirer un peu plus de ses sites européens ? Le crainte d'une fermeture prochaine deviendrait le levier idéal. D'autant qu'en pleine Oise sinistrée par la crise, ça devient difficile de retrouver du travail.

Bref, «Pâques au surplus, Noël au chomdu» semble être devenu le nouveau proverbe patronal à la mode. Pour contrer cela, les salariés n'ont plus qu'une solution : faire la grève de la grève. histoire que les stocks deviennent vraiment des stocks.
Marianne2 - 19.05.09

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