À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

20/05/2009

Enfin l'autocritique des journalistes économiques sur la crise

Hervé Nathan

L’amphi Turgot de la vieille Sorbonne : c’était l’endroit chic choisi pour deviser d’un grave sujet : «Comment les rédactions ont-elles traversé la crise ? ». Pour les « entretiens de l’information », il y avait peu d’étudiants (sans doute trop absorbés par la préparation des partiels ou des piquets de grève ) et quelques partisans d’Acrimed venus entendre de vieux journalistes plus titrés les uns que les autres se presque congratuler.

« La crise ? Un bonheur pour le journaliste économique », s’est écrié Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos. « On a fait en septembre 2008 cinq manchettes du Monde sur six », comptait Frédéric Lemaître, du même Monde. Bravo !
Il faut comprendre l’enthousiasme de Vittori : « on attendait la crise, le Big One, depuis 1987. On avait cru la vivre avec la crise asiatique ou en 2001 avec celle des nouvelles technologies. Et c’est maintenant qu’elle arrive ». D’où l’on pourrait conclure que peu de choses, en fait, séparent le journaliste économique confronté à un énorme krach du journaliste médical surpris par la grippe du cochon.

Agnès Molinié, rédactrice en chef éco et social de France 2 se réjouit. Avec la crise, son service a pris du galon. A tel point qu’elle fait savoir que désormais, « on n’a pas de mal à trouver un stagiaire volontaire pour l’économie » Effectivement, un des effets de la crise des subprimes, c’est d’avoir réhabilité l’économie, matière méprisée par les autres services plus nobles (la politique, les affaires étrangères) ou plus vendeurs (les faits divers, le sport, coco !) dans tous les journaux, télévisions, radios. Selon Geneviève Piejü, les JT ont explosé les records d’information éco en 2008. On recense 3785 sujets diffusés pendant les « 20 heures » dans les bases de données de l’INA. Plus du double des années passées. Pour une fois l’éco est passée devant la politique, le sport et la culture.

Rendez-vous compte ! Il a fallu pour cela que la planète finance explose, le 15 septembre 2008, avec la faillite de la banque Lehman Brothers. Le rédacteur en chef éco de France Inter, Philippe Lefébure en fait un récit édifiant : « Cela a commencé par un ratage : ce jour-là,le présentateur de France Inter ne voulait pas du sujet dans le journal de 8 heures du matin ! Lehman Brothers, il ne savait pas ce que c’était ; Quoi ? Une banque ? C’est comme ça: les directions veulent plus d’économie dans les journaux, et les présentateurs fuient l’éco… » Ensuite Frédéric Lefébure dit avoir vécu un moment de bonheur : « pendant un certain temps, les conférence de rédaction commençaient par l’économie ». Ce qui ne compense pas la faiblesse des effectifs affectés au sujet : 5 personnes ! Quelle galère !

On n’a pas fait que se raconter des histoires d’anciens combattants. Quelques enseignements commencent à émerger du chaos engendré par la crise. Selon Philippe Frémeaux, directeur d’Alternatives économiques, « On s’est néanmoins remis à réfléchir sur la manière dont fonctionne l’économie. Le mot capitalisme est apparu à la Une du Figaro le 20 septembre. Avant, on disait pudiquement « économie de marché » ». Mais Frémeaux critique vertement certains journalistes « embeded dans le capitalisme » . On pouvait s’attendre à ce que le représentant des Echos proteste. Mais non. Jean-Marc Vittori reconnaît que la presse, y compris économique, « a été, et est toujours, très en dessous de la main par rapport à la gravité et la profondeur de l’événement. On est trop optimiste, on raconte que les hirondelles arrivent alors que la situation est toujours très grave. » Christian Ménanteau, éditorialiste à RTL et vice-président de l’Ajef (association des journalistes économiques et financiers) rappelle comment à l’été 2007, « la ministre Christine Lagarde a endormi les rédactions en racontant que tout était maîtrisé… Mieux encore : les ministres nous disent maintenant : arrêtez de parler de la crise vous faites peur à tout le monde .» Bref, la profession n’a pas trop de quoi se vanter…

L’avenir pourrait être pire, car, prévient Vittori: « la crise est en train de rattraper la presse. La chute de la publicité réduit les moyens de traitement de l’actualité au moment même où il faudrait au contraire hausser le niveau. Les journaux ont réduit leurs investissements de 50%. C’est du jamais vu ».
Sans compter le retour du train-train quotidien. A France Inter, au Monde, à Libération, il n’y a aucune embauche de journalistes pour faire face à l’afflux d’information économiques, même pas de transferts d’autres services. A France Inter, par exemple, c’est à nouveau par la politique qu’on commence les conférences de rédaction. Comme si la crise du siècle était déjà enterrée.

Marianne2 - 20.05.09

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails