À la demande des lobbyistes corporatistes, le Congrès a inscrit dans la législation des lois permettant aux compagnies de délocaliser les emplois à l’étranger, de réduire les salaires réels, et autorisant des pratiques financières risquées. C’est en cela que s’enracine l’origine de cette crise.
Philip Tetlock, professeur de l'Université de Californie à Berkeley, a passé vingt ans à suivre 82.000 prévisions faites par 284 experts. Ses conclusions, présentées dans son livre, Expert Political Judgment (Avis d’expert en politique), sont des prédictions d'experts à peine mieux, en moyenne, que ne l’auraient été des pronostics faits au hasard. Il écrit : « Que les participants aient un doctorat, soient économistes, politologues, journalistes, historiens, aient une expérience politique ou accès à des informations privilégiées, de nombreuses ou quelques années d'expérience, ne fait quasiment aucune différence. »
Le seul facteur constant était la renommée, l’à-propos étant à l’inverse. Les spécialistes les plus célèbres font des pronostics plus mauvais que les inconnus.
Dean Baker, a souvent fait remarquer que les médias, quand ils rapportent une prévision d’économiste éminent, devraient (mais ne font jamais) montrer sa qualité prédictive avec la liste de ses prédictions fausses faites auparavant. Mais, même quand leurs prévisions sont justes, les économistes ont le don de les établir sur de pures âneries.Par exemple,
Roger Altman prévoit qu’il n’y aura aucune reprise cyclique habituelle. Même s’il est vraisemblable que ce soit juste, son article est un méli-mélo d'absurdités.Altman écrit que,
nous avons vu un effondrement du marché du logement et du crédit, ce qui a engendré d'énormes pertes dans les ménages et les banques. La conséquence fut une forte baisse des dépenses de consommation et la cessation du prêt. Pour voir à quel point la récupération sera longue, nous pouvons examiner les dommages du bilan. Pour les ménages, le revenu net est passé à son apogée en mi-2007, à 64.400 milliards de dollars (47.750 milliards d’euros, 43.449 milliards de livres [et 2.227.780 milliards de roubles, ndt]), mais est tombé à 51.500 milliards de dollars fin 2008, une chute rapide de 20 pour cent. Avec une moyenne de 50.000 dollars de revenu par famille, et diminuant en termes réels depuis 2000, une chute de 20 pour cent de la valeur nette est grave ; en particulier quand la dette des ménages atteint 130 pour cent du revenu en 2008.
Venant du fait que les Étasuniens dépensaient plus que leurs revenus, cette dette renvoyait une impression positive de richesse. Les ménages se sentaient plus riches, en dépit de la compression des revenus, parce que la valeur de la maison et des actifs financiers étaient en hausse. Maintenant que l’impression de richesse s'est inversée pour de bon, la crise et le chômage effrayent les ménages, qui ont augmenté leur taux d'épargne pour la première fois depuis des années. Il stagnait entre 1 et 2 pour cent du revenu, mais a bondi à près de 5 pour cent. Avec des revenus réduits, diminuer seulement les dépenses discrétionnaires peut produire une plus grande épargne. Cela explique pourquoi les dépenses de consommation personnelles sont tombées à un taux record fin 2008.
Où et quand Altman et les autres économistes ont attrapé la faculté de lire dans l'esprit des gens est énigmatique.
Un jour, dans le passé, quelque charlatan a apparemment vendu à la spécialité économique un wagon de conneries de boules de cristal. Ainsi, au lieu de demander aux gens pourquoi ils ont dépensé plus que ce qu'ils gagnaient, ces économistes scrutent le cristal et ne voient qu’un reflet d’eux-mêmes.
Même mon expérience anecdotique contredit Altman. Tout au long de la décennie écoulée, lors de conversations avec des collègues, voisins, amis et parents, pas une seule fois je n’ai entendu quelqu'un se vanter d’une impression d’élévation de sa richesse. Ils se sont plaint toutefois de la montée du prix des articles et services essentiels et de la baisse de la valeur réelle de leurs revenus. Ils n'ont pas emprunté parce qu'ils se sentaient plus riches ; ils ont emprunté pour suppléer à la baisse de leurs revenus dans une économie en inflation. Et les banquiers le leur ont permis, les ont encouragés à le faire, en avançant des prêts faciles avec de faibles remboursements, sans jamais révéler leur coût véritable. Les consommateurs n’ont pas emprunté parce qu'ils se sentaient plus riches, ils ont emprunté parce qu’ils avaient besoin d'argent. Et, quand le système de Ponzi des banquiers a fait crouler l'économie, le remboursement des prêts est devenu impossible, les pertes d'emplois ont blackboulé les revenus, et les achats des consommateurs ont périclité. À moins que soient créés des emplois assortis d’un revenu suffisant pour faire renaître l’économie de consommation, il n’y aura pas de reprise cyclique spontanée.
La réapparition de ce genre d’emplois n'est toutefois pas assurée. Au cours du dernier quart de siècle, les firmes étasuniennes ont déménagé une foultitude d’emplois hautement rémunérés dans des pays étrangers, qui dépendaient de l’achat par le consommateur étasunien de leurs produits, fabriqués pour des compagnies étasuniennes qui ont déplacé leur fabrication chez eux. Même Obama dit que ces emplois ne reviendront pas. L'infrastructure pour les recréer n'existe plus aux États-Unis. Les entreprises qui continuent à offrir ce genre d’emplois demandent, dans certains cas exigent, que les employés travaillent pour un salaire inférieur. La perte des emplois et la diminution des salaires impliquent la baisse de la consommation dans un avenir imprévisible. Quand les trois grandes compagnies automobiles ont réduit leurs effectifs et versé des salaires plus bas, elles ont en réalité réduit le marché, non seulement de l’automobile, mais aussi des articles et services de toutes sortes. Comment, dans ces conditions, les banquiers peuvent-ils espérer augmenter les prêts ? Qui sera un emprunteur digne du crédit ? Certainement pas les gens sans emploi ou dont le revenu est étriqué ou, du fait des récentes défaillances de remboursement, grâce à l’allégement des conditions de crédit. Certainement pas les entreprises avec moins de ventes et des profits plus maigres. Le prêt ne reprendra pas, peu importe comment sont recapitalisées les banques en faillite. Par ailleurs, le nombre d'emplois qui doivent être créés pour la reprise est un multiple du nombre perdu si le salaire des nouveaux postes est inférieur à celui des jobs perdus. Il n’y aura donc pas de reprise cyclique naturelle.
Certains économistes commencent à parler d'un nouveau « redressement du chômage. » Je ne peux même pas imaginer ce que cela peut signifier ? Environ les trois quarts de l'économie étasunienne étaient tirés par la consommation. Sans régénération du niveau de consommation nécessaire à la marche de cette partie de l'économie, rien de ce qui peut véritablement être qualifié de redressement ne peut arriver. L’issue de sortie de cette crise n'est pas dans la recapitalisation des banques, mais plutôt dans celle des consommateurs. Compte tenu de l'idéologie politique soufflant sur les États-Unis d'Amérique, je doute que cela n’arrive jamais. Après tout, les affaires aux États-Unis sont du business, ça ne concerne pas le bien-être de la population.
Les économistes et les politiciens mettent cette crise sur le compte des vilaines pratiques financières. Et personne n’a indiqué comment les plans d'investissement de retraite, du style 401(K), ont régulièrement injecté de l'argent dans le marché boursier et ont contribué à la bulle. Ces pratiques pourraient avoir précipité la crise, mais, étant donné l’offensive contre le salaire du travailleur étasunien et le déménagement à l'étranger des jobs les mieux payés, la débâcle économique était tôt ou tard inévitable. Quiconque capable d’effectuer de simples calculs arithmétiques aurait dû le savoir.
Quand une nation confine sa population dans le travail insuffisamment rémunéré, sa prospérité est condamnée. Le Congrès, à la demande des lobbyistes corporatistes, a inscrit dans la législation des lois permettant aux compagnies de délocaliser les emplois à l’étranger, de réduire les salaires réels, et autorisant des pratiques financières risquées. C’est en cela que s’enracine l’origine de cette crise. Les gens ne font que ce que permet la loi. Sans peuple prospère, les États-Unis ne peuvent être une nation florissante. Alors, bienvenue aux États-Unis dans le tiers monde.
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