Qui sont les jeunes ? Cet article fait partie d’un dossier, réalisé par l’Observatoire des inégalités en partenariat avec Jeunesses en régions, qui dresse le portrait des 15-30 ans, aux premières loges de la crise de l’emploi et du mal logement. |
1,2 million d’étudiants en 1980, 2,1 millions dix ans plus tard. Notre pays a vu le nombre d’étudiants augmenter de 50 000 par an au cours des années 1980 et 1990, l’équivalent d’une grosse université... Cette massification s’est faite dans un contexte de ralentissement de la croissance du pouvoir d’achat et de montée du chômage : les familles n’ont pas eu de nouveaux moyens pour financer les études de plus en plus longues. Résultat : plus nombreux, les étudiants d’aujourd’hui sont aussi plus pauvres qu’hier en moyenne ; certains vivent même dans des conditions particulièrement difficiles. L’allongement des scolarités n’a pas été complété par un effort équivalent pour améliorer les conditions de vie des étudiants, même si les allocations logement ont été renforcées.
Certes, les jeunes étudiants ne sont pas les plus à plaindre. Comparés aux personnes du même âge entrées dans la vie active cinq ou dix ans avant eux, ils ont l’avantage de recevoir une formation qui devrait leur permettre d’avoir par la suite des conditions de vie favorables. La vie à l’université est plus agréable que celle d’un maçon ou d’un travailleur à la chaîne. Mais les étudiants ne se comparent pas avec les jeunes au travail, mais entre eux. Sans soutien familial, des conditions matérielles trop difficiles finissent par avoir raison des efforts de certains, poussés à l’abandon de leurs études.
Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 13 % des étudiants ont une activité parallèle au moins à mi-temps et au moins six mois par an ; 24 % ont un emploi régulier (gardes d’enfants, cours particuliers...) et 9 % une activité intégrée aux études (comme les internes de médecine). Mener une vie professionnelle et une vie d’études en parallèle n’est pas toujours simple, notamment dans les filières les plus cotées ou les horaires sont chargés et où les étudiants salariés n’ont pas droit à des conditions particulières. Les étudiants en lettres et sciences humaines déclarent consacrer 28 heures hebdomadaires à leurs études, deux fois moins que les étudiants des classes prépas. Logiquement, on retrouve les étudiants contraints de travailler dans les filières généralistes, les moins élitistes.
L’univers étudiant n’est pas homogène, des situations très différentes existent selon les filières, l’âge ou le sexe. Un thésard de 26 ans a peu de points communs avec un jeune de 18 ans qui entre en Institut universitaire de technologie (IUT) à la sortie du bac. La massification est réelle pour les sections de techniciens supérieurs (STS) qui comptent plus de la moitié d’élèves d’origine populaire (enfants d’employés, d’ouvriers ou d’agriculteurs), mais ces derniers représentent moins d’un élève sur cinq dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Ils sont quasiment absents des écoles les plus prestigieuses.
Les modes de vie n’ont rien d’uniforme non plus. Un gros tiers des étudiants vit chez ses parents, un cinquième en location seul, 13 % en cité universitaire, 11 % en couple en location... Là aussi l’âge joue un rôle majeur : à 18 ans, plus de 60 % des étudiants vivent chez leurs parents, mais ils sont moitié moins nombreux à 24 ans. Pour les moins aisés, l’accès à l’autonomie est rendu particulièrement problématique par la flambée des prix des loyers jusqu’en 2008, malgré l’allocation logement. L’autonomie est d’ailleurs un vieux cheval de bataille des syndicats étudiants, mais qui ne semble pas la priorité des pouvoirs publics.
Du point de vue des études, une grande part des difficultés de l’université vient des premiers cycles, les trois premières années qui constituent aujourd’hui la licence. La plupart des filières souffrent d’un sous encadrement chronique, disproportionné par rapport aux grandes écoles et aux universités étrangères. L’encadrement dépend directement des moyens qui lui sont affectés : les étudiants français des filières généralistes ont le sentiment d’être laissés pour compte par rapport à leurs homologues des grandes écoles ou aux étudiants d’autres pays. Mais l’argent n’explique pas tout. Dans le système français, les enseignants n’ont aucun intérêt à prendre en charge les étudiants, en particulier dans ces premiers cycles. Moins ils leur consacrent de temps, plus ils en dégagent pour la recherche, les publications, les colloques, etc., et plus leur carrière progresse. Cette situation est très souvent oubliée du débat qui fait rage actuellement sur le statut des enseignants.
quel niveau d’échec ? La moitié des bacheliers de 2002 se sont inscrits à l’université (hors IUT). Une étude du ministère de l’Education cerne leurs parcours durant les quatre années qui ont suivi [1]. 40 % d’entre eux ont obtenu une licence en trois ans, soit une hausse de 9 points par rapport à la cohorte de 1996. Au bout de quatre ans, le pourcentage s’élève à 51 %. Ce chiffre est largement utilisé pour critiquer le fonctionnement de l’université. Pourtant, cela ne signifie pas que 49 % ont échoué. Une partie des jeunes a quitté l’université pour un IUT ou pour une section de techniciens supérieurs. Cinq ans après le bac, 13 % des jeunes ont arrêté leurs études sans aucun diplôme de l’enseignement supérieur. Un niveau très inférieur aux chiffres habituellement utilisés, ce qui ne doit pas conduire pour autant à minimiser les difficultés pour ces jeunes. Les taux de chômage de ceux qui sortent ainsi de l’université sont du niveau de ceux qui sortent avec un CAP ou un BEP. Côté filières, la section sport obtient les meilleurs résultats, avec 63 % de licenciés en quatre ans, suivie des sciences de la vie (59 %). C’est aussi en sport que l’on s’inscrit le moins par défaut, faute d’avoir obtenu son premier choix : 4 %, contre 37 % pour l’ensemble AES-sciences économiques, filière qui remporte la palme de la plus faible proportion de licenciés, avec 40 %, suivie par les sciences fondamentales (42 %). |
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Le parcours des bacheliers de 2002
Source : ministère de l’éducation nationale, "L’accès à la licence des bacheliers 2002", note d’information n°08.24, juillet 2008.
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L’Etat dépense deux fois plus pour les classés prépas
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[1] "L’accès à la licence des bacheliers 2002", note d’information n°08.24, ministère de l’éducation nationale, juillet 200
Observatoires des Inégalités - 14.04.09
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