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16/04/2009

Italie : Plus de 14 milliards d’euros pour la chasseur-bombardier F-35, alors que l’argent manque pour les victimes du tremblement de terre

Manlio Dinucci

Le gouvernement a mis 100 millions d’euros à disposition pour les victimes du tremblement de terre de l’Abruzze, mais il en faudra beaucoup plus : rien que pour le ministère de l’intérieur il faudra trouver 130 millions d’euros dans les six mois qui viennent. Et, si l’on veut vraiment reconstruire, il faudra des affectations bien plus grosses. Où trouver ces fonds, dans une phase de crise comme celle traversée actuellement, sans devoir faire des coupes ultérieurement dans les dépenses sociales (école, santé, etc.) ? La réponse est plus simple que ce qu’on croit : il suffirait de bloquer l’énorme attribution qu’on est sur le point de destiner à l’acquisition du chasseur étasunien F-35 Lightning II (Joint Strike Fighter) de Lookheed Martin.

La commission de la défense de la chambre a déjà donné un avis favorable à l’acquisition du chasseur et celle du sénat va le faire d’ici le 16 avril. Il est déjà prévu dans le budget 2009 du ministère de la défense une attribution de 47 millions d’euros pour le F-35. Ce n’est qu’une petite avance : pour participer au programme, l’Italie s’est engagée à verser plus d’un milliard d’euros. Des miettes face à la dépense que le parlement s’apprête à approuver : 12,9 milliards d’euros pour l’achat de 131 chasseurs, plus 605 millions pour les structures d’assemblage et de manutention. Au total, 14,5 milliards d’euros. Ils seront payés par des annuités d’environ un milliard entre 2009 et 2026. Mais, comme il arrive pour tous les systèmes d’armement, le chasseur finira par coûter plus que prévu et, une fois produit, il devra être ultérieurement mis à jour. Il est ainsi certain que le débours total (d’argent public) sera beaucoup plus important que le prix de base. Il faut en outre considérer le fait que l’aéronautique est en train d’acheter 121 chasseurs Eurofighter Typhoon, dont le coût dépasse les 8 milliards d’euros.

La participation de l’Italie au programme Joint Strike Fighter, rebaptisé F-35 Lightning (éclair), représente un exemple parfait de politique bipartisane. Le premier mémorandum d’entente a été signé au Pentagone, en 1998, par le gouvernement D’Alema (ancien communiste, puis Démocrate de gauche, et maintenant allez savoir… NdT) ; le second, en 2002, par le gouvernement Berlusconi ; le troisième, en 2007, par le gouvernement Prodi. Et en 2009, c’est à nouveau un gouvernement présidé par Berlusconi qui délibère de l’achat des 131 chasseurs dont l’on doit à la vérité de rappeler que son acquisition avait déjà été décidée par le gouvernement Prodi en 2006 (Cf. il manifesto, 25-10-2006). On comprendra donc que, quand le gouvernement (Berlusconi) a annoncé l’achat de 131 F-35, l’ « opposition » (Pd -Partito dei Democrati-, et IdV) (Italia dei Valori- de l’ancien magistrat aux mains propres Di Pietro, NdT)) ne se soit pas opposée.

L’Italie participe au programme du F-35 en tant que partenaire de deuxième niveau : cela signifie qu’elle contribue au développement et à la construction du chasseur. S’y emploient 20 industries, c’est-à-dire la majorité de celles qui forment le complexe militaire parmi lesquelles : Alenia Aeronautica, Galileo Avionica, Selex Communications, Datamat et Otomelara de Finmeccanica et d’autres non Finmeccanica, comme Aerea et Piaggio (qui ne fait donc pas que des - médiocres - mobylettes, NdT). Dans les usines Alenia en Campanie et dans les Pouilles, et plus tard dans les piémontaises, seront produites plus de 1.200 ailes de F-35. A côté de l’aéroport militaire de Cameri (Novare) sera réalisée une ligne d’assemblage et d’essai des chasseurs destinés aux pays européens, qui sera ensuite transformée en centre de manutention, révision, réparation et modification. De la chaîne de montage italienne sortiront probablement aussi les 25 chasseurs achetés par Israël, auxquels s’ajuteront ensuite 50 autres. Le gouvernement le présente comme une grande affaire pour l’Italie : il ne dit pas cependant que, tandis que les milliards des contrats pour le F-35 vont tout droit dans les caisses des entreprises privées, les milliards pour l’achat des chasseurs sortent des caisses publiques. Cette activité, selon le gouvernement, créera immédiatement 600 postes de travail et un « coup de pouce à l’emploi » qui pourrait se traduire en 10.000 postes supplémentaires. Belle perspective que celle de miser, pour augmenter l’emploi, sur l’un des plus mortels systèmes d’armement qui soit.

Le F-35 est un chasseur de cinquième génération, produit en trois variantes : à décollage/atterrissage conventionnel, pour les porte-avions et à décollage/atterrissage vertical. L’Italie va en acheter 69 de la première variante et 62 de la troisième, qui seront aussi utilisés sur le porte-avions Cavour. Les chasseurs à décollage/atterrissage vertical, explique Lookheed, sont les plus adaptés pour « être déployés plus près de la côte ou au front, car ils raccourcissent la distance et le temps pour frapper l’objectif ». Grâce à la capacité stealth, le F-35 Lightning « frappera l’ennemi avec une force destructrice et inattendue, comme un éclair ».

Un avion, donc, destiné aux guerres d’agression, pour provoquer des destructions pires que celles du tremblement de terre de l’Abruzze. Mais pour leurs victimes, il n’y aura ni funérailles d’Etat, ni caméras pour les montrer à la télévision.

Le Grand Soir - 16.04.09

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