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03/03/2011

Venezuela : La grève de la faim à la mode de Washington

Eva Golinger - Mondialisation.ca, Le 2 mars 2011

Le 31 janvier dernier, neuf étudiants vénézueliens entraient pour quelques semaines en grève de la faim, aujourd’hui terminée, pour "réclamer la libération de ce qu’ils considéraient comme « prisonniers politiques » et demander au gouvernement d’accepter une enquête de l’Organisation des Etats Américains (OEA) sur la situation des droits de l’Homme dans le pays". L’avocate et journaliste américaine Eva Golinger s’est intéressée à ces mouvements d’étudiants et après enquête, elle en arrive à la conclusion que les Etats Unis utilisent ces mouvements comme actions de déstabilisation du pouvoir pour provoquer un mécontentement dans le pays et isoler le gouvernement vénézuélien à l’échelle internationale, en le désignant comme « répressif ».
 
C’est au milieu de la nuit du jeudi 17 février que le Ministère des Affaires Etrangères des Etats-Unis a déclaré son soutien inconditionnel au groupe de jeunes en grève de la faim au Venezuela. Ceux-ci réclamaient la libération de supposés « prisonniers politiques ».
 
Dans une dépêche envoyée à des journalistes de Venezuela et d’ailleurs, le Département d’Etat étasunien a exprimé sa « préoccupation pour la santé et le bien-être des étudiants qui risquent leur vie pour la démocratie et les libertés individuelles ». Dans le même temps, le gouvernement étasunien a « prié instamment » le gouvernement vénézuelien « d’accepter une visite de l’Organisation des Etats Américains », afin de « promouvoir le dialogue et la compréhension ».
 
Il n’est pas d’usage pour Washington d’émettre une note spéciale en plein milieu de la nuit à propos de 20 personnes en grève de la faim dans un pays étranger, mais cela n’est pas surprenant lorsque cela touche au Venezuela.
 
Depuis de nombreuses années, c’est le gouvernement étasunien qui a choisi, formé et financé ce même groupe de jeunes vénézueliens pour l’aider à créer un mouvement « étudiant » contre le gouvernement d’Hugo Chavez. L’objectif est d’organiser des actions permanentes de déstabilisation pour déclencher des protestations dans tout le pays et ainsi isoler le gouvernement vénézuelien, jugé « répressif », sur le plan international.

La stratégie des « Révolutions de couleur »
 
Ces étudiants grévistes de la faim sont membres de Jeunesse Active Venezuela Uni (JAVU) qui affirme avec fierté être affilié à OTPOR au Venezuela.
 
OTPOR est une organisation serbe qui a été financement à hauteur de plusieurs millions de dollars par le Département d’Etat étasunien et ses agences, comme l’USAID, la NED, l’Institut pour la Paix (IFP) et l’Institut Albert Einstein (AEI), ainsi que de l’appui stratégique et politique de Washington. Ce mouvement a ainsi pu renverser Slobodan Milosevic en Yougoslavie en l’an 2000.
 
OTPOR est depuis utilisé par la diplomatie étasunienne comme modèle pour un « changement de régime » sans coup d’Etat et sans intervention militaire. Elle est est allée jusqu’à financer la production d’un documentaire expliquant comment OTPOR a fait tomber Milosevic, intitulé « comment renverser un dictateur ». Cette document a été diffusé ces dernières années dans les institutions américaines de nombreux pays, comme à Cuba ou au Venezuela.
 
La stratégie de ces « révolutions de couleur » consiste à affaiblir et a désorganiser les piliers du pouvoir (l’Etat, les forces vives) et a neutraliser les forces de sécurité, le tout, dans un contexte électoral. Robert Helvey, colonel de l’armée étasunienne et membre de l’Institut Albert Einstein (AEI, cellule principale de formation à ces techniques) explique que l’objectif n’est pas de détruire les forces armées ou de police, mais de les convaincre d’abandonner le gouvernement actuel et de leur faire comprendre qu’il ont une place dans le pouvoir à venir. Par le biais d’opérations psychologiques à leur destination, la stratégie vise à nouer des liens avec les militaires pour négocier. [1]
 
Les médias servent quand à eux à donner une aura internationale à ces mobilisations contre un Etat supposément « répressif ». Les manifestations de rue, les grèves de la faim, donnent l’impression que le pays se trouve dans une situation chaotique, instable, et que le pouvoir est prêt à tomber devant l’insurrection populaire. Lorsque pour rétablir l’ordre et faire appliquer la loi, l’Etat réagit, les médias sont utilisés pour accuser le gouvernement de répression et de violation des droits humains. Tout ceci permet de justifier n’importe quelle agression externe ou interne contre l’Etat.

Le cas vénézuelien
 
En 2003, l’AEI a tenu un atelier de formation à destination de l’opposition vénézuelienne pour développer une stratégie basée sur les techniques de ces coups d’Etat en douceur pour « restaurer la démocratie ». Le rapport d’activité de 2004 de cet Institut précise que des syndicalistes, des politiques et des dirigeants d’ONG ont entre autres participé à cette formation.
 
L’opposant Robert Alonso, présent à ces sessions, a admis que ce sont ces enseignements, supervisés par le colonel Helvey et Gene Sharp (le gourou des révolutions colorées) qui ont donné naissance aux Guarimbas, bandes violentes de rue ayant pour but de créer le chaos au Venezuela en 2004.
 
En mars 2005, de nouveau, l’opposition vénézuelienne rencontre l’AEI cette fois au siège de l’Institut, à Boston, pour une formation destinée aux lycéens et aux étudiants. Pour l’occasion, deux leaders d’OTPOR se déplacèrent de Serbie, Slobodan Dinovic et Ivan Marovic, pour apprendre aux étudiants vénézueliens à s’organiser. Dans le même temps, les financements de l’USAID, de l’IRI (Institut Républicain International), la NDI (Institut Nation Démocratique) et de la Ned (Fondation Nationale pour la Démocratie) à l’opposition vénézuelienne se sont accrus de manière significative.
 
En 2006, G. Sharp, le colonel Helvey et les jeunes experts d’OTPOR organisent avec ces étudiants vénézuéliens le « Plan V » pour les élections présidentielles de décembre 2006. Leur stratégie échoue du fait d’une mobilisation trop peu importante et des techniques encore peu perfectionnée.
 
Ce ne fut qu’en avril 2007, avec le prétexte de la fermeture de la chaine de télévision RCTV que ces jeunes purent mettre en œuvre la première phase de leur plan. Ainsi naquit le mouvement étudiant des Mains Blanches (« Manos Blancas ») dirigé par Yon Goicochea, l’une de ceux ayant assisté aux formations de G. Sharp.
 
Quatre autres étudiants sont sélectionnés pour recevoir à Belgrade un entraînement intensif avec les experts d’OTPOR : Ronel Gaglio de l’Université Monte Avila, Geraldine Álvarez, Rodrigo Diamanti et Eliza Totaro de l’Université Catholique Andrés Bello. De retour au Venezuela, ils eurent pour tâche de mobiliser leurs mouvements contre la réforme constitutionnelle de décembre 2007.
 
Dans le même temps, le Secrétariat d’Etat Américain, grâce à son relais officieux à Caracas, l’Agence Internationale pour le Développement des Etats-Unis (USAID), entame le financement de nombreux projets universitaires au Venezuela [2] ainsi que de diverses ONG liées à l’opposition comme « Leadership y Vision », toujours dans le but de réaliser des ateliers de formation avec étudiants, lycéens et journalistes.
 
Quelques millions de dollars furent ainsi distribué à ces agences par le Département d’Etat pour financer des formations, des cours sur la démocratie, les droits humains, et même des cours d’écriture de CV, sur les campus vénézuéliens, pour attirer et influencer la jeunesse du pays.
 
En 2008, Yon Goicochea, l’un des agents principaux choisi par Washington reçoit un prix de 500 000 dollars par l’Institut Catholique. Avec cet argent, il crée « Futuro Presente », fondation qui vise à former la jeunesse au leadership et à l’idéologie démocratie, « à l’américaine ». En 2009, cette organisation crée l’Université d’été El Cato pour promouvoir l’idéologie de la droite dure américaine, le néolibéralisme et le capitalisme, toujours dans l’intention de recruter des jeunes pour lutter contre le gouvernement révolutionnaire.
 
En aout 2009, 8 étudiants choisis par le Département d’Etat pour un programme « La démocratie pour les jeunes leaders politiques » partent durant un mois se former aux Etats-Unis. Au cours de leur tournée étasunienne, ils font la promotion d’une marche mondiale : « Assez de Chavez ! ». Ils nouent dans le même temps des liens supplémentaires avec diverses agences américaines.
 
Les 15 et 16 octobre 2009, de nombreux jeunes vénézuéliens participent au Second Sommet de l’Alliance de Mouvements de Jeunesse (AYM) à Mexico. Parrainée par le Département d’Etat, c’est Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat en personne qui s’exprimera durant cette rencontre. La délégation vénézuelienne rassemblaitnYon Goicochea, Rafael Delgado et l’ex dirigeante étudiante Geraldine Álvarez, membre de la fondation Futuro Presente. CE sommet a également rassemblée un attelage d’experts en nouvelles technologies et réseaux sociaux, comme Facebook, Twitter et Youtube, ainsi que des fonctionnaires des agences de Washington, spécialistes dans subversion et la déstabilisation de gouvernements non inféodés à l’agenda de Washington. Le but était de former ces jeunes à l’usage des réseaux sociaux pour promouvoir des actions politiques contre leur gouvernement.
 
En mai 2010, l’offensive se poursuit avec un voyage aux Etats Unis de Roderick Navarro, autre figure des mouvements étudiants vénézuélien, actuellement gréviste de la faim. Navarro, président de la Fédération des Centres Universitaires de l’Université Centrale du Venezuela est allé jusqu’à Miami pour « se réunir avec le mouvement étudiant vénézuélien de l’extérieur » et travailler à la création d’un « réseaux international incluant les étudiants cubains et iraniens ». Selon Navarro, ce réseau permettra « que le monde sache les violations des droits de l’Homme qui existent dans nos pays »
 
En avril 2010, l’Institut George W. Bush, avec l’organisation étasunienne Freedom House, organise une rencontre entre les « activistes pour la liberté et les droits humains » et les « experts d’Internet » pour analyser « le mouvement global de cyberdissidence ».
 
Ce colloque, réalisé à Dallas au Texas réunit Rodrigo Diamanti de Futuro Presente (Venezuela), Arash Kamangir (Iran), Oleg Kozlovsky (Russie), Ernesto Hernández Busto dit Pajaro Tieso, blogueur cubain qui vit à Barcelone, Isaac Mao (Chine) et Ahed Alhendi (Syrie). On compta également dans l’assemblée des membres du haut gouvernement étasunien, ainsi que d’autres organisations comme les services de renseignement de Washington. L’objectif était cette fois de « coordonner une campagne internationale via Interner pour dénoncer les gouvernements des pays suivants : Cuba, Venezuela, Iran, Syrie, Russie et Chine, contre les « violations des droits humains » et pour la liberté d’expression.
 
Durant la même semaine, d’autres étudiants vénézueliens étaient, eux, invités à la conférence annuelle du Mouvement Mondial pour la Démocratie, structure crée et financée par la NED. La réunion, organisée à Jakarta, en Indonésie, a offert une tribune aux vénézuéliens pour dénoncer le gouvernement d’Hugo Chavez comme « dictatorial » et « violeur de leurs droits ».

MADE IN USA
 
La liste de ces soutiens et contacts permanents entre le Département d’Etat, ses agences, et l’opposition étudiante au Venezuela, constitue la preuve irréfutable que ce groupe est sous les ordres et en faveur des intérêts de Washington.
 
Ces derniers jours, de nombreux porte-paroles étasuniens ont tenté de faire un parallèle entre l’Egypte de Moubarak et le Venezuela de Chavez. Alors que les deux situations n’ont rien de commun, Washington, et ses agents aux Venezuela, cherchent à déformer la réalité pour déclencher des actions contre le gouvernement vénézuélien, en utilisant ces jeunes grévistes de la faim comme chair à canon. Ou alors, comment peut-on expliquer que des jeunes risquent leur vie pour demander la libération de criminels, assassins et corrompus, qu’ils appellent prisonniers politiques ? Il s’agit bien d’une manipulation très dangereuse.
 
Cette mise en scène sous forme de « reality show » a été mise à nu et ils ne pourront une fois de plus pas atteindre leurs objectifs. Mais les liens entre Washington et certains étudiants vénézuéliens continuent de représenter une atteinte grave à la souveraineté nationale et au futur de la Révolution Bolivarienne.
 
Notes :
 
[1] : à noter que dans le cas des grévistes de la faim au Venezuela, le général Antonio Rivero s’est déclaré solidaire de l’action.
 
[2] : liste exacte des établissements universitaires concernées par cette campagne : l’Université Métropolitaine, l’Université des Andes, à Merida, l’Université Centrale du Venezuela, l’Université Humboldt, l’Université Santa Maria et l’Université Catholique Andrés Bello.

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