«Septimana horribilis» pour José Manuel Durão Barroso. Non seulement il n’a pas été investi, comme il l’espérait, comme président de la Commission lors de la session constitutive du Parlement européen qui s’est achevée jeudi, mais il n’a toujours aucune certitude sur la date à laquelle ce vote crucial interviendra : il n’existe pour l’instant pas de majorité certaine en sa faveur. La position de l’ancien Premier ministre portugais, candidat à sa propre succession, apparaît donc de plus en plus fragile.
Pourquoi n’a-t-il toujours pas été investi ?
C’est sans enthousiasme que le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement a proposé que le président sortant de la Commission effectue un second mandat de cinq ans à Bruxelles. Beaucoup de pays, dont la France, ont peu apprécié son manque total de réactivité au moment où la crise financière et économique. Barroso n’a donc obtenu qu’un soutien «politique» lors du sommet de Bruxelles des 18 et 19 juin, à son grand dépit.
La présidence suédoise de l’Union a néanmoins tout fait pour que le Parlement européen l’investisse dès le 15 juillet. Mais le 5, Fredrik Reinfeld, le Premier ministre suédois, a dû reconnaître que la majorité des groupes du Parlement ne voulait pas voter aussi précipitamment. En particulier, sous la pression des Verts qui ont pris la tête d’une croisade anti-Barroso, les socialistes et l’ALDE (démocrates et libéraux) exigent que le président sortant présente début septembre un programme détaillé. Or le PPE (conservateurs), dont Barroso est le candidat, a besoin du soutien de ces groupes. S’il a gagné les élections européennes, il n’a obtenu qu’une majorité relative (265 députés sur 736), ce qui est loin d’être suffisant. Le PPE espérait au moins obtenir l’inscription du vote d’investiture à l’ordre du jour de la session plénière de septembre. Or, jeudi, lors de la réunion de la conférence des présidents de groupe, il n’a obtenu que le soutien des eurosceptiques de l’ECR (conservateurs et réformistes européens, 54 députés) et des europhobes de l’ELD (Europe de la liberté et de la démocratie, 32 députés). Résultat : ce n’est que le 10 septembre que l’inscription à l’ordre du jour sera ou non décidée.
Pourquoi cette bataille sur la date du vote est-elle importante ?
Le pari des opposants de Barroso est que le temps joue en leur faveur. En le contraignant à présenter un programme, ils espèrent montrer que le président sortant reste un «néolibéral» dépassé par les événements. Beaucoup de députés du PPE confient qu’ils profiteront du vote à bulletin secret pour le lâcher. Surtout, si les Irlandais approuvent le traité de Lisbonne le 2 octobre, les règles d’investiture changeront : on passe de la majorité simple des votants à la majorité absolue des membres du Parlement (369 voix). Enfin, le fait que Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, soit, depuis mercredi, le candidat quasi officiel de Londres pour la présidence du Conseil européen, poste créé par Lisbonne, complique la tâche de Barroso : «On ne peut pas avoir à la fois l’Otan, la Commission, le Conseil européen présidés par des partisans de la guerre en Irak», s’offusque Daniel Cohn-Bendit, le président du groupe Vert.
Existe-t-il une alternative ?
Le poste doit revenir à un membre de la famille PPE, puisque c’est elle qui a gagné les élections européennes. Cohn-Bendit propose donc Wolfgang Schaüble, le ministre de l’Intérieur allemand, ou encore… François Fillon. Si, au final, Barroso arrache son investiture, ce sera au prix d’un soutien des eurosceptiques et des europhobes, ce qui l’affaiblira politiquement vis-à-vis d’un Parlement structurellement fédéraliste.
Libération - 19.07.09
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