À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

24/07/2009

Racket sur les cotisations sociales des travailleurs sans papiers

Patrick Daquin

Non content de s’en prendre violemment aux migrants, l’Etat français organise aux dépens de ceux d’entre eux qui travaillent sur son sol un véritable racket social et fiscal, que le collectif « Halte au racket sur les cotisations sociales des travailleurs sans papiers » dénonce depuis la fin de l'année 2008. Les travailleurs sans papiers et leurs soutiens associatifs, syndicaux et politiques ont récemment occupé les bureaux parisiens de l’URSSAF pour exiger une nouvelle fois que « les travailleurs qui participent et ont participé à la richesse de la France puissent bénéficier ici des droits acquis par le versement de leurs cotisations », l’arrêt des expulsions et la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers.

Selon différentes estimations, entre 200 000 et 400 000 étrangers sans papiers vivent en France. La plupart d'entre eux travaille. Leurs employeurs les déclarent souvent, en dépit de leur présence irrégulière au regard du code de l’entrée et du séjour des étrangers, situation sur laquelle ils ferment les yeux ou dont ils s'accomodent.

Frappés par les politiques de limitation de l’accès aux soins, régulièrement exploités et victimes de conditions de travail largement dégradées (le dernier cas dont la presse s’est faite l’écho est celui de la SNCF et de ses sous-traitants, dénoncés par le syndicat SUD Rail), deux fois plus exposés au chômage que les non-immigrés – et que les immigrés européens –, les travailleurs sans papiers subissent également un véritable racket sur les impôts et cotisations sociales dont ils s’acquittent pourtant du paiement.

Car s’ils les paient, ils ne peuvent bénéficier des droits et services dont ils assurent pourtant ainsi le financement (sécurité sociale, assurance-chômage, retraite, accès au logement social, protection contre les atteintes aux personnes et aux biens, etc.). Comme le dit le collectif qui lutte contre cette injustice et qui regroupe des coordinations de sans papiers, des associations d’aide et de soutien aux travailleurs immigrés (AME, ATMF, AMF, ATF, etc.), des associations de quartiers ou « citoyennes » (Droits devant !!, Survie, ATTAC, DAL, etc.), des syndicats (Solidaires – SUD et quelques syndicats CGT ou FSU, la Confédération paysanne, etc.) et des partis politiques (NPA, les Alternatifs, Les Verts, le PCF, etc.) : « l’Etat français, par l’intermédiaire de ses services administratifs (URSSAF, ASSEDIC, Caisses de retraite…) encaisse en fermant les yeux et les rouvre quand il s’agit de décaisser. Lorsque le gouvernement français expulse un travailleur sans-papiers, il inflige à celui-ci la double peine de l’expulsion et d’un licenciement sans préavis ni indemnité » (voir le texte du premier appel en fin de billet).

Le collectif évalue à près de 2 milliards d’euros par an le manque à gagner pour les travailleurs sans papiers et le « bénéfice » qu’en retirent conséquemment l’Etat et ses caisses !

Depuis le mois de décembre 2008, il a donc centré son action sur les consulats de seize pays d’émigration, qui délivrent les laissez-passer nécessaires à la reconduite à la frontière des sans papiers et, partant, à leur spoliation.

Manifestation du collectif devant le consulat du Sénégal à Paris le 3 mars 2009

Les représentants de huit consulats ont d’ores et déjà été interpellés et rencontrés (Algérie, Burkina-Faso, Guinée, Maroc, Madagascar, Mali, Mauritanie et Sénégal – voir les tracts en fin de billet). Le collectif précise que « chacun de ces consulats a reconnu que l’expulsion de ces travailleurs constitue une injustice. Seule la Tunisie a refusé de nous recevoir ». Certains pays auraient d’ailleurs déjà réduit la délivrance de laissez-passer. Sept autres consulats devraient être rencontrés dans les semaines et mois à venir.

Le deuxième temps de son action vise l’Etat français, ses administrations et ses organismes collecteurs. C’est ainsi que les bureaux de l’URSSAF de Paris ont été envahis le 24 juin dernier (voir le tract en fin de billet). Le collectif a alors obtenu une rencontre avec le directeur de l’URSSAF de Paris – Ile de France, qui s’est tenue le 26 juin. Ce dernier aurait, selon le collectif, « implicitement admis qu’une régularisation globale des travailleur-e-s sans-papiers était à même de mettre un terme à leur surexploitation et à compenser en partie le déficit de l’URSSAF quant à la collecte des cotisations du patronat. Il s’est engagé à se saisir des situations délictueuses que nous lui transmettrions, à demander une étude au Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), placé auprès de la Cour des Comptes, sur l’évaluation des cotisations sociales non versées par les entreprises, à saisir le ministère du travail pour lui rendre compte de notre réunion, à nous transmettre la copie des 2 courriers précités » (voir le compte-rendu de la rencontre en fin de billet).

Sans attendre la mise en œuvre concrète des engagements du directeur de l’URSSAF, le collectif poursuit ses actions et appelle à une manifestation devant la caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), à Paris, le mercredi 29 juillet 2009.

Pour prolonger :

- le site de l’association Survie, celui de Droits devant!! et l’émission radiophonique
consacrée au racket sur les cotisations sociales des travailleurs sans papiers par Survie Paris – Paris Françafrique (1 heure 17),

- les quelques article et brèves parus sur le sujet dans L'Humanité, Le Monde, L’Express.fr, Le Figaro.fr et sur le site d’Europe 1,

- l’article de Violaine Carrère, Derrière le sans papiers on découvre le travailleur, Gisti, mars 2009 et son interview parue dans L’Humanité du 28 juin 2007, « C’est l’employeur qui est dans l’illégalité, l’employé est la victime »,

- la condamnation de l’« association de l’inspection du travail [française] aux opérations de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre » par la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations du Bureau international du travail (BIT - articles 3, paragraphes 1 et 2, 5 a), 6, 12, 15 c) et 17. Fonctions additionnelles confiées aux inspecteurs du travail. Mobilisation des ressources et incompatibilité au regard des méthodes de contrôle et des objectifs poursuivis, 2009),

- les articles de Carine Fouteau (Mediapart), Avec ou sans papiers : dans le viseur du photographe (14 septembre 2008) et Des régularisations à pile ou face pour les travailleurs sans papiers (18 septembre 2008),

- l’article du collectif Cette France-là, Les objectifs du ministre – l’équilibre selon Brice Hortefeux (et l’article que Sylvain Bourmeau (Mediapart) a consacré à ce travail, Immigration : contrôle d’identité d’une politique, 28 février 2009),

- les reportages et l’émission de la TéléLibre.fr consacrés aux travailleurs sans papiers (ici, ou encore ici),

- le manifeste « Des ponts, pas des murs »,

- le clip du Ministère des affaires populaires (MAP), « La chasse est ouverte »,

- les billets de blog de Martine et Jean-Claude Vernier,

- le billet de blog de Bourgade, Le pôle emploi épaule-t-il la police ?, Mediapart, 9 mars 2009,

- les billets de blog de Arthur Porto (Un « indic » nommé CPAM dans l’Yonne ?, 19 février 2009) et de Sophie Rostaing (Arrêté dans les bureaux de la CAF de l’Yonne, 24 février 2009),

- le billet de blog de Fred Décosse, Les saisonniers agricoles étrangers entre discrimination et régularisation, 28 janvier 2009,

- mon billet de blog, Le « travail dissimulé des étrangers », obsession du gouvernement, 9 mai 2008.

Mediapart - 14.07.09

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