Entre 2004 et 2007, 500 000 personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté, selon les nouveaux chiffres de l'Insee.
L'Insee vient de publier les chiffres sur l'évolution du taux de pauvreté en 2007. On les attendait avec une certaine impatience pour pouvoir confirmer le soupçon : le taux de pauvreté est en train d'augmenter en France. Alors que, entre 1990 et 2004 on avait assisté à une lente diminution - de 13,8 % à 11,7 % - de la part de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté, celle-ci est remontée à 13,1 % en 2006. Toutefois, cette progression était principalement due à la prise en compte, depuis 2005, de la totalité des revenus du patrimoine : en faisant augmenter le niveau de vie médian [1] , ce changement de méthode faisait augmenter mécaniquement le seuil de pauvreté (fixé à 60 % du niveau de vie médian). Au-delà, la progression enregistrée en 2006 (+0,4%) était trop petite pour confirmer le retournement de tendance dans la lutte contre la pauvreté.
En 2007, le taux de pauvreté est passé à 13,4 %, soit + 0,7 point depuis 2004 : cette fois-ci, la progression dépasse la marge d'erreur possible. Parmi les populations les plus pauvres, une fraction croissante de la population vit donc au-dessous du seuil de pauvreté - soit moins de 908 euros pour une personne seule, moins de 1362 euros pour un couple sans enfant, moins de 1907 euros pour un couple avec deux enfants. Au total, huit millions de personnes (vivant dans 3,5 millions de ménages) vivent désormais en dessous du seuil de pauvreté, alors qu'il y en avait 7,5 millions en 2004. En trois ans, 500 000 personnes supplémentaires ont donc basculé dans la pauvreté monétaire.
Cette rupture avec la tendance antérieure est d'autant plus inquiétante elle s'est produite pendant une période où, dans l'ensemble de l'économie, les indicateurs étaient plutôt au vert. Entre 2004 et 2007, le nombre de chômeurs [2] est passé de 2,4 à 2,2 millions en moyenne annuelle, tandis que le nombre d'allocataires de minima sociaux [3] a diminué : -70 000 pour le RMI, -20 000 pour l'allocation de solidarité spécifique (ASS), -35 000 pour le minimum vieillesse. Ce qui veut dire que de plus en plus de pauvres ne relèvent pas des minima sociaux et tirent donc leurs revenus principalement de l'emploi [4]
La remontée actuelle du chômage risque d'accentuer encore cette tendance - même si la crise, en faisant diminuer le niveau de vie médian, fera également baisser le seuil de pauvreté exprimé en euros constants. Le pari de Martin Hirsch - faire baisser d'un tiers le nombre de personnes en situation de pauvreté entre 2007 et 2012 - semble donc mal parti, en dépit du choix du Haut Commissaire de retenir, comme indicateur, un seuil de pauvreté dit « ancré dans le temps ». Que signifie ce terme un peu abscons ? Tout simplement que le seuil de pauvreté retenu pour mesurer l'évolution pendant la période - celui de 2007 - sera majoré de la seule inflation, et qu'il ne prendra pas en compte, comme le fait l'indicateur actuel, l'évolution du niveau de vie médian. Cette question peut paraître technique, mais elle permet d'améliorer les chiffres sans aucun effort réel : entre 2000 et 2005, le taux de pauvreté calculé « normalement » a diminué de 0,6 point, alors qu'en choisissant le seuil « ancré dans le temps », on affiche une baisse de trois points ! Il suffisait donc d'accentuer un peu la tendance spontanée pour que le Haut Commissaire puisse affirmer que son objectif, apparemment ambitieux, d'une baisse de quatre points était en train d'être atteint...
Cette habileté dans le maniement des chiffres ne suffira plus dans le contexte actuel, puisque le taux de pauvreté « normal » repart à la hausse et que la crise risque d'aggraver encore la situation. L'ampleur de la tâche est telle que, même avec l'indicateur « ancré dans le temps », il paraît exclu que l'objectif officiel soit atteint. Ou alors il faudrait un renversement complet de politique économique, avec un investissement massif dans les emplois aidés, des programmes de formation et de reconversion très ambitieux en faveur de tous les demandeurs d'emploi, un RSA nettement plus élevé... et donc une hausse des impôts sur les revenus élevés. On peut toujours rêver ....
alternatives-economiques.fr - 24.07.09
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