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14/04/2009

Nationalisme, xénophobie et révisionnisme : l’autre visage de l’opposition moldave

Les partis « démocratiques » de Moldavie, qui s’opposent au régime communiste de Vladimir Voronine, ne sont pas exempts de dangereux dérapages : hostilité aux minorités nationales, qui représentent un quart de la population du pays, exaltation du nationalisme roumain. Certains flirtent même avec des positions révisionnistes, exaltant le régime fascisant du Maréchal Antonescu et niant l’holocauste des Juifs de Roumanie et de Moldavie. Une analyse de Natalia Sineaeva-Pankowska.

La Moldavie est connu comme étant l’un des pays les plus pauvres des anciennes républiques soviétiques, comme l’Arménie ou la Géorgie. C’est également un des États les plus multiculturels et les plus multilingues, avec une longue tradition de mariages mixtes et d’identités hybrides.

Lors du dernier recensement, mené en 2004, près du quart de la population moldave était constitué de minorités ethniques, c’est-à-dire de Gagaouzes, d’Ukrainiens, de Russes, de Bulgares, de Juifs et de Rroms. Mais, paradoxalement, la palette politique est nettement dominée par des partis nationalistes extrémistes.

Aux élections parlementaires qui ont eu lieu le 5 avril 2009, le Parti communiste a récolté la moitié des voix. Les trois autres partis qui ont recueilli plus de 6% des voix totalisaient ensemble 35% des suffrages exprimés. Or, ces partis sont fortement nationalistes.

Le terme « nationaliste » prend en Moldavie un sens bien particulier : il implique le rejet des traditions minoritaires et suppose la réunification avec la Roumanie, justifiée par des liens linguistiques, la prédominance de la culture roumaine au détriment de l’identité multiethnique historique de la Moldavie, ainsi que par l’affirmation d’une histoire « exclusivement roumaine ». C’est justement cette interprétation de l’histoire qui a été enseignée dans les écoles depuis que la Moldavie a proclamé son indépendance.

Réécritures de l’histoire

Tout en essayant de donner - en guise de façade - à la communauté européenne l’image d’une d’opposition démocratique qui résiste à un gouvernement trop à gauche, ces partis de droite, dans le même temps, critiquent l’initiative du gouvernement communiste actuel qui veut remplacer « l’histoire des Roumains » dans les programmes scolaires par une histoire moldave, ouverte à l’histoire des minorités ethniques du pays, par exemple le récit de l’Holocauste.

Il s’agit seulement d’un exemple qui met en lumière la volonté de revisiter l’histoire de la période où la Moldavie était contrôlée par le gouvernement de la Roumanie durant la Seconde guerre mondiale. La définition de l’Holocauste, dans cette version révisée de l’histoire, se limite à « l’extermination des Juifs et des Rroms par les Allemands ». Elle ne fait aucune mention de la responsabilité de l’État roumain dans le génocide.

Ces tentatives révisionnistes de nier ou de défigurer les faits relatifs au génocide des Juifs et d’autres minorités ethniques durant l’occupation roumaine fasciste de la Moldavie (1941-1944) sert bien entendu le thème politique de la réunification avec la Roumanie. En effet, malgré la mainmise de l’idéologie pan-roumaine sur l’éducation académique depuis les années 1990, la population moldave s’obstine à voter pour des partis politiques modérés, à l’exception des 7 à 10% des voix qui vont d’ordinaire au Parti populaire chrétien-démocrate, dirigé par Iurie Roşca. Celui-ci s’est fait connaître en Moldavie et dans le reste du monde comme le porte-étendard par excellence de l’idéologie pan-roumaine.

Les deux journaux liés à ce parti, Ţara (Mère patrie) et Flux, qui ont été pendant des années financés par le gouvernement de la Roumanie, sont connus pour développer une rhétorique explicitement hostile aux minorités et xénophobe. Néanmoins, il semble que la formation politique de Lurie Rosca a perdu une part de sa popularité dans la population et n’entrera pas cette fois au Parlement.

Par conséquent, la porte est désormais ouverte aux autres partis politiques tablant sur une idéologie similaire, qui espèrent maintenant occuper la niche de l’extrême-droite au Parlement, laissée vacante. C’est d’ailleurs la première fois que des groupes d’extrême-droite joue un rôle aussi décisif au cours d’élections parlementaires. Bien que certains de ces partis n’aient été fondés que tout récemment, ils jouissent d’un appui réel au sein de la population, en partie grâce à leur stratégie qui consiste à exploiter une rhétorique populiste, anti-pauvreté et anti-corruption. L’une de leurs promesses est d’ailleurs de donner à chacun de leurs électeurs la citoyenneté roumaine et de conserver « l’histoire des Roumains » dans les programmes scolaires.

Libéraux-démocrates et partis libéraux

Deux autres partis professant l’idéologie nationaliste pan-roumaine sont parvenus à entrer au Parlement, tous deux remportant 12% des voix. Il s’agit du Parti libéral de Mihai Ghimpu et Dorin Chirtoaca, ainsi que du Parti libéral-démocrate, menée par Vlad Filat. Au premier coup d’œil, leurs programmes pré-électoraux ne mettent pas de l’avant une idéologie pan-roumaine, contrairement à d’autres formations, comme Action européenne. Quoi qu’il en soit, ce thème resurgit dans leurs discours et dans leur passé politique.

Par exemple, Mihai Ghimpu s’est rendu célèbre avec cette phrase : « les Gagaouzes sont un ulcère sur le corps du peuple moldave ». Dans les faits, les Gagaouzes représentent un petit groupe orthodoxe minoritaire d’origine turque, qui s’est vu accorder une relative autonomie territoriale en 1994. De plus, Mihai Ghimpu évoque souvent Ion Antonescu, Premier ministre de la Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier est connu pour son antisémitisme et pour ses sympathies à l’égard de l’extrême-droite et des idéologies fascistes.

Les partis de Mihai Ghimpu et de Vlad Filat bénéficient du soutien des journaux nationalistes à grand tirage, tels que Timpul et le Jurnal de Chişinău, qui ont déjà été accusés de déformer la vérité au sujet de l’Holocauste. Timpul, par exemple, a publié un article dépeignant les pilotes roumains qui ont bombardé des villes et des villages moldaves, le 22 juin 1941, comme des libérateurs. Ces publications sont en outre devenues des vitrines pour les révisionnistes roumains, tels que Ion Coja et Gheorghe Buzatu, un collaborateur de Romănia Mare (Parti de la Grande Roumanie). Gheorghe Buzatu nie aussi la réalité de l’Holocauste.

Ion Coja, professeur à l’Université de Bucarest, s’est vu offrir une chronique dans l’hebdomadaire Jurnal de Chişinău, dans laquelle il a soutenu que l’inclusion d’un chapitre portant sur l’Holocauste dans les nouveaux manuels scolaires représentait une grave erreur. Ce chapitre avait été inclus dans le cadre de l’initiative du gouvernement moldave.

Ion Coja déclare, qu’en fait, les Juifs ont été épargnés sur le territoire roumain, et qu’il devraient donc en être reconnaissants. Ion Coja exerce une certaine autorité dans les milieux de l’éducation moldaves, ainsi que parmi les politiciens du pays.

« Où êtes-vous, Antonescu ? », lance l’un des visiteurs du blog Unimedia, une plate-forme médiatique unifiée, non-officielle et préélectorale utilisée par plusieurs partis de droite, dont les deux partis libéraux qui ont fait des gains lors du scrutin. Ainsi, Ion Antonescu et Zelea Codreanu, le fondateur de la Garde de Fer, un parti fasciste de l’entre-deux-guerres en Roumanie (qui existait bien sûr aussi en Moldavie), représentent des héros chez les bloggeurs d’Unimedia.

Le Courrier des Balkans - 14.04.09

1 comentário:

Anónimo disse...

Le Courrier des Balkans
À propos des « fascistes, revanchards et autres irrédentistes roumains » en Moldavie : une mise au point
5 réactions
Sur la Toile :

Mise en ligne : jeudi 30 avril 2009
Les manifestations de l’opposition moldave ont suscité de vives polémiques. Le 14 avril, Le Courrier des Balkans publiait une analyse de Natalia Sineaeva-Pankowska, qui dénonçait les tendances nationalistes et extrémistes présentes dans une partie au moins de cette opposition, qui a provoqué de nombreuses réactions. Notre collaborateur Nicolas Trifon revient sur la polémique et le fond de l’affaire.
Par Nicolas Trifon
Lundi 6 avril, suite à l’annonce de la victoire des communistes en République de Moldavie, des jeunes affluent au centre-ville de Chişinău pour manifester leur hostilité à la direction du pays reconduite. Le lendemain, mardi 7 avril, ils sont nettement plus nombreux et dans la confusion qui s’ensuit le Parlement est incendié, le drapeau roumain est hissé à la place de celui moldave (les couleurs sont les mêmes, seul l’emblème change). Prises au dépourvu, peu habituées à de telles mobilisations collectives, les forces de l’ordre tarderont à reprendre le contrôle de la situation. Ce sera chose faite à partir de mercredi 8 avril : quelques deux cents arrestations sont opérées, sans rapport forcément avec les violences commises la veille, le décès d’un manifestant est confirmé, plusieurs cas de torture sont constatés, en même temps que les dirigeants du pays accusent les partis d’opposition et la Roumanie voisine d’avoir tenté un coup d’État. Ce même mercredi 8 avril, un hebdomadaire ukrainien anglophone met en ligne l’analyse de Natalia Sineaeva-Pankowska.
C’est également ce jour que démarre une campagne d’une rare violence contre « les fascistes, les revanchards et autres irrédentistes moldaves qui, de concert avec les cercles xénophobes et révisionnistes roumains, agissent contre le jeune État démocratique ». Si les arguments sont le plus souvent grotesques, les accusations sont graves. ...
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