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15/04/2009

L’immortalité du capitalisme?

Marcos Roitman Rosenmann

Comment est-il possible qu’un système fondé sur l’exploitation et la violence maintienne une vitalité comparable à celle des super héros de romans de fiction ? L’immortalité supposée, ne serait-ce pas ce qui provoque la vénération humaine pour ses postulats ? Ses défenseurs semblent négliger les inégalités sociales et ne pas tenir compte des contradictions de classe.

Des entrepreneurs, des propriétaires fonciers, des secteurs des classes moyennes, des ouvriers, des paysans, des chômeurs et des groupes marginaux se déclarent pro capitalistes. Une gamme hétérogène d’acolytes qui aujourd’hui se font du souci pour sa santé. La crise lui diminue sa vitalité. Le capitalisme est malade et ils prient pour sa rapide récupération. Les demandes sont diversifiées. Certaines souhaitent une plus grande intervention de l’Etat pour sauver leurs affaires ruineuses et maintenir leurs niveaux de vie opulents, ce sont les banquiers et les spéculateurs. D’autres exigent une rotation dans son utilisation, en reconnaissant leur part de responsabilité dans la crise. On a vécu au-dessus des possibilités. On a voulu avoir la maison, la bonne bouffe, l’éducation, la santé, l’oisiveté et la culture, ce qui a collapsé le système. Entonner un mea culpa, voilà la solution. Il y a aussi celles qui s’évertuent à faire entendre qu’il faut maintenir l’itinéraire néo-libéral. C’est-à-dire, poursuivre toujours plus dans la privatisation, la flexibilité du marché du travail, et obtenir une plus grande et une meilleure ouverture commerciale et financière. Ce sont celles-là même qui prient pour que les paradis fiscaux se maintiennent, ainsi on pourra continuer de laver de l’argent au Costa Rica, au Panama ou aux Iles Caïman. Certaines avec plus de conviction rendent un culte à la révolution néolibérale des années 80 du siècle passé. D’autres, par conformisme peut-être, s’y associent. Entre temps, sa mise en pratique n’a pas manqué de réduire les espaces démocratiques au milieu de douloureuses luttes sociales.

Dans le fond, c’est une décision éthique et morale que se pose. Nous ne pouvons pas feindre l’ignorance ou l’indifférence sur le type de système qu’est le capitalisme et sur la maladie endémique qui le ronge intérieurement. La faim, la misère, la contamination, l’appropriation des moyens de vie des paysans, des pêcheurs, et des peuples indigènes par des entreprises transnationales. Ne sont pas en reste non plus les guerres pour le contrôle des matières premières destinées à l’industrie des hautes technologies, le travail esclave dans les mines d’or, d’argent, de nickel ou de diamants, et les formes voilées de semi esclavagisme introduites dans les usines de sous-traitance. A tout cela ajoutons le manque de scrupule des entreprises alimentaires qui font du monde entier un cobaye en introduisant des transgéniques, en cachant ou en détruisant des rapports qui parlent des dangers qu’ils représentent pour la santé humaine une fois consommés. Mais peu importe. Ce qui est dit l’est en faveur d’une vision utopique du capitalisme. On se trompe en émettant un diagnostic superficiel de la crise fondée sur des symptômes externes. On ne veut pas se laisser tordre le bras. On refuse d’être en présence d’un malade agonisant. Maintenu artificiellement en vie, on utilise une machinerie sophistiquée pour retarder sa mort. On vocifère être en présence d’une crise produite par une avarice embarrassante. Une question de gaz et de manque d’oxygène. Des broutilles et des analgésiques pour un cancer généralisé.

Des Présidents d’Etat, des chefs de gouvernement, des think tanks (groupes de réflexion), des organismes internationaux et des groupes de pression se relayent jour et nuit pour insuffler de l’oxygène à un corps dont les poumons ne peuvent plus continuer de respirer. Mais ils conservent la vision théologique du capitalisme. Ils en appellent à sa nature divine, à ses pouvoirs occultes, au marché. La solution c’est d’injecter plus d’argent dans ses veines, faire baisser la pression en réduisant les taux d’intérêts et réactiver la consommation au moyen de la demande. De l’oxigène pour un patient décrépit et sans futur. Ils sont vraiment convaincus de ce remède. Comme l’Ave Phénix, il renaîtra plein de vitalité, prêt à poursuivre son chemin. Ceci est le récit mythique né de l’action de la main invisible et de ses lois de l’offre et de la demande dont la maxime n’est autre que de transformer des vices privés en vertus publiques.

Il ne s’agit pas de projeter une image puérile du capitalisme. Mais si l’on en vient à L’Amérique latine du temps de la guerre froide, nous trouvons des données peu flatteuses sur la réalité du capitalisme. Pour imposer sa volonté les conséquences ont supposé en Argentine 46 mille morts, en Colombie 350 mille, au Chili 4 mille, au Salvador 75 mille, au Guatemala 200 mille,en Haiti 45 mille, au Nicaragua 70 mil, au Pérou 69 mille, au Panama 3 mille, en République Dominicaine 6 mille, et à Cuba la dictature de Batista (1952-1958) laisse 20 mille morts. Des chiffres officiels ou déclarés lors de commissions de la vérité. Dans cette liste sont absentes les victimes de la dictature de Stroessner au Paraguay et celle en Bolivie des années 80 sous Meza ou Banzer. Au total 888 mille personnes. Sans compter les décès dus à la faim, les maladies ou le manque de moyens sanitaires.

Le capitalisme a vomis deux guerres mondiales et grâce à lui nous possédons des techniques sophistiquées de torture et d’assassinats massifs. Des chambres à gaz, du gaz orange, du napalm, des projectiles d’uranium appauvri et d’innombrables armes bactériologiques et chimiques, sans oublier les bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Jamais dans l’histoire un système social n’a été responsable d’autant d’ignominie. Des populations entières en souffrent les conséquences. L’extermination de groupes ethniques et l’assassinat de dirigeants syndicaux et ouvriers font partie de son œuvre majeure. Les violations, le terrorisme psychologique et le mépris de la vie humaine son le langage ordinaire du capitalisme. De quoi se vantent ses défenseurs ? Ils préfèrent regarder ailleurs. Les bénéfices de la main invisible du marché, diront-ils, sont toujours plus élevés que les inconvénients dérivés de son application. C’est au moyen de cette prémisse qu’on défend son immortalité.

Cependant, au jour d’aujourd’hui, on n’a pas encore démontré les vertus d’un ordre où la misère et la faim, la mort et l’exploitation se hissent comme étant ses remparts suprêmes. Ceux qui le défendent s’excluent de la condition humaine. Ils ne se sentent pas porteurs des valeurs de la démocratie, de la dignité et la fraternité républicaine. Nombreux sont ceux qui lamentablement préfèrent retourner leur veste au nom de la liberté de marché et les droits individuels. Un changement qui ne reconnaît ni classes ni disparités sociales. Leur devise : « Sauve qui peut, mais moi le premier ». Vive le capitalisme !

Le Grand Soir - 15.04.09

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