Ce texte très court résulte en réalité d'une véritable poussée de colère des Académiciens. Sa forme très courtoise s'explique par la volonté d'éviter une réaction "passionnelle" de Nicolas Sarkozy à ce qui apparait comme une remontrance. Et du souhait de jouer les intermédiaires entre le gouvernement et une communauté scientifique et universitaire mobilisée comme jamais contre la politique de Valérie Pécresse. On murmure dans les couloirs de l'Académie des Sciences que la ministre pourrait rencontrer en début de semaine prochaine une trentaine d'Académiciens, à sa demande. Rencontre où, espère l'un d'eux, "la ministre nous écoutera".
Ajout à 17h30 : je reçois à l'instant l'agenda ministériel qui confirme que Valérie Pécresse se rend pour une "audition" à l'Académie des Sciences mardi à 9h.
Cette perspective d'un éventuel dialogue explique, selon un de ses rédacteurs, la forme et le ton très conciliant de ce communiqué qui fait "état de la vive émotion soulevée parmi ses membres par l’appréciation portée récemment sur l’état de la recherche scientifique dans notre pays, en référence à la concurrence internationale". En réalité, il provient d'une avalanche de réaction indignées d'Académiciens des sciences au discours du Président de la République, s'exprimant en termes beaucoup plus vifs, et qui ont conduit Jean Salençon, le nouveau Président de l'Académie des Sciences depuis la mi-décembre 2008, à cette expression publique.
Ce discours de Nicolas Sarkozy, brutal, méprisant, bourré de contre-vérités est aujourd'hui dénoncé par de nombreux scientifiques. Tenu en petit comité, devant un cénacle de Présidents d'Universités, d'Organismes de Recherche et de chefs d'entreprises, Il connait une gloire soudaine sur le net, sous la forme d'une version corrigée par un groupe de scientifiques marseillais.
A l'Académie des sciences, et notamment Jean Salençon (photo ci contre), on craint que cette présentation d'une recherche "médiocre" par le Président de la République ait un effet repoussoir sur les jeunes et les détourne de carrières scientifiques dures, exigeantes, mal récompensées par la société. Une crainte qui s'amplifie devant le refus du gouvernement d'augmenter le nombre d'allocations doctorales, devant la baisse du nombre de docteurs en sciences formés chaque année, l'absence d'action véritable du gouvernement pour que les élèves ingénieurs passent une thèse. Un souçi particulièrement porté par le nouveau président, un X-Pont, spécialiste en mécanique du solide, très estimé par la communauté scientifique. D'où le communiqué, que voici :
L’Académie des sciences souhaite faire état de la vive émotion soulevée parmi ses membres par l’appréciation portée récemment sur l’état de la recherche scientifique dans notre pays, en référence à la concurrence internationale. S’il n’est pas contestable que certains secteurs de la recherche connaissent d’importantes difficultés, justifiant des réformes dont l’Académie elle-même a depuis longtemps souligné la nécessité, ceci ne saurait être retenu comme représentatif de la situation générale. Les études bibliométriques les plus récentes témoignent en effet que, dans de nombreuses disciplines, la recherche française se place dans les premiers rangs de la recherche mondiale. L’ignorer serait non seulement injuste, mais aussi gravement démobilisateur pour les jeunes récemment engagés dans la recherche, ou qui s’apprêtent à le faire. L’Académie souligne que la disparité d’appréciation de la recherche traduit les grandes difficultés d’une évaluation objective de domaines scientifiques très différents : ce sujet fait l’objet de sa part d’une réflexion approfondie, dont elle fournira les conclusions dans les mois qui viennent.
Un membre éminent de l'Académie me dit au téléphone, que ce mot de "médiocre" lancé par le Président de la République pour qualifier la recherche française dans son ensemble a été "très mal pris" par ses collègues. Non seulement en raison du ton, mais aussi parce que, cette appréciation pose la question de sa véracité. Après tout, souligne t-il, si les médailles Fields (récompense mondiale en mathématiques) tombent si souvent chez nous, c'est bien en raison d'une véritable école et non de quelques individus talenteux.
Lors du conflit de 2004, les deux leaders de l'Académies des Sciences de l'époque, Etienne-Emile Beaulieu et Edouard Brézin avaient joué un rôle non négligeable dans sa résolution, temporaire, et la création de 1000 emplois scientifiques pour les Universités. Jean Salençon pourrait-il rejouer ce rôle ? C'est l'espoir de certains, mais d'autres préfèrent se tourner vers une mobilisation accrue, la poursuite de la grève des cours et les manifestations de mardi prochain.
Libération 06.02.09
Sem comentários:
Enviar um comentário