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09/02/2009

La crise économique éclipse les crises alimentaires et climatiques

LA MOUETTE - 08.02.09
Rien ne va plus pour les terriens. Alors que la planète s’interroge sur la pertinence de son modèle économique d’autres indicateurs, tout aussi inquiétants, passent au rouge. Le 21 ème siècle sera le siècle des décisions rapides et efficaces, ou ne sera pas. Remettant en cause les prévisions des autres experts en la matière, un certain nombre d’études publiées en ce début d’année préconisent de réduire à zéro les émissions de dioxyde de carbone (CO2) du monde d’ici 2050 afin d’éviter les pires effets du changement climatique. Il faudra dans le même temps trouver des solutions à la crise alimentaire mondiale amenée à se raviver à court terme. Là aussi, d’autres études soulignent que l’accalmie connue depuis l’automne sera de courte durée.

En ce début d’année, le Worldwatch Institute (WI), une ONG américaine, a jeté un véritable pavé dans la mare en indiquant que même les discours jusqu’à présent les plus volontaristes en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont en-deça de l’effort salvateur à accomplir. Barack Obama, favorable à une réduction de 80% des émissions des Etats-Unis d’ici 2050 est invité à revoir sa copie. Selon le WI, pour éviter les pires effets du changement climatique, les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) devront chuter jusqu’à un taux avoisinant zéro d’ici 2050, et « passer dans le négatif » après cette date.

D’après William Hare co-auteur de l’étude, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient atteindre un pic d’ici 2020 avant de chuter de 85% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2050, puis continuer de chuter après cela. Dans la seconde moitié du siècle, les émissions de CO2 devront « passer dans le négatif », avec plus de dioxyde de carbone absorbé qu’émis.

Depuis le milieu du 18e siècle, les températures moyennes ont déjà globalement augmenté de 0,8°C. Un degré supplémentaire est d’ores et déjà attendu du fait de l’inertie thermique de la planète et des quantités de GES accumulés entre temps dans l’atmosphère.

L’alerte lancée par le WI n’est pas le fruit d’hurluberlus. A lire les scénarios du quatrième rapport de synthèse du GIEC, le groupe international d’experts de l’évolution du climat, la hausse des températures d’ici 2100 serait comprise entre + 1,1 et + 6,4 C°. Pour le GIEC, c’est bien en 2015 que les émissions globales doivent culminer si l’on veut que les concentrations CO² ne dépassent pas les 400 ppm (parties par million) et que les températures n’augmentent pas de plus de deux degrés. Au-delà, la planète entrerait dans une spirale mécanique de réchauffement notamment par la libération par les sols de grandes quantités de méthane. Un cercle vicieux qu’il deviendrait impossible à arrêter.

La stabilisation des émissions de GES est loin d’être acquise. Malgré les accords de Kyoto, les émissions de CO2 ont augmenté de 3 % en 2007. La marge est d’autant plus étroite que chaque année de délai supplémentaire rend le défi encore plus difficile. Non seulement à cause de l’augmentation des émissions pendant cette année, mais aussi parce que cela conforte les infrastructures très consommatrices de CO2.

Selon un rapport du cabinet McKinsey de janvier 2009, il serait possible de maintenir le réchauffement en dessous de la barre des 2 degrés Celsius sous réserve d’un effort financier très conséquent estimé à 530 milliards d’euros par an d’ici 2020, et à 810 milliards en 2030. Oui mais qui paierait la facture ? En majorité évidemment les pays riches dont la responsabilité dans la dégradation de la planète est acquise. Cela voudrait dire toutefois que dans le même temps le modèle de développement des pays émergents soit un modèle décarboné.

Au niveau hexagonal, cette urgence à agir est partagée par l’économiste et polytechnicien Alain Grandjean, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot, co-auteur avec Jean-Marc Jancovici de « C’est maintenant, 3 ans pour sauver le monde » (Seuil). Selon Alain Grandjean notre destin s’écrit aujourd’hui : “c’est maintenant qu’il faut prendre des mesures d’une ampleur très supérieure aux plans d’action décidés jusqu’ici. ”

Mais, comme un problème n’arrive jamais seul, il faudra dans le même temps assurer la stabilité politique de la planète en donnant à manger à ses habitants. Comme le rappelle un excellent article du site Médiapart, “depuis l’été 2008, et l’accélération du séisme économique mondial, la crise alimentaire avait disparu des agendas internationaux. Elle fait son retour, dans une relative discrétion, à l’occasion d’une conférence de 48 heures organisée à partir de lundi 26 janvier à Madrid par les Nations unies, pour faire le point sur les (maigres) engagements pris en juin dernier au sommet de Rome.”

Selon l’article de Mediapart qui se base sur une étude du think tank londonien Chatham House, la décrue très importante des cours des produits alimentaires ces derniers mois serait peut être provisoire. Les cours ont touché, en décembre, leur plus bas niveau depuis juin 2007. Comme le pointe Mediapart les ONG, Oxfam en tête, rappellent que les cours sont encore loin d’être redescendus à leurs niveaux d’origine, et continuent de priver des millions de personnes d’une alimentation suffisante. Or, selon l’étude de Chatham House “les cours des produits alimentaires vont bientôt repartir à la hausse”. La crainte évidente est que la crise économique n’impacte fortement la production agricole des pays émergents. Mauvais signal,l’Institut de recherche international sur le riz (IRRI) a révisé en baisse de 3,8% ses prévisions de production mondiale de riz, aliment de base de la majorité des habitants de la planète.

Le risque de conjonction des crises à l’horizon 2050 est préoccupant. A cette date, l’humanité comptera neuf milliards de bouches à nourrir sur une planète à bout de souffle. Là encore, des solutions existent mais, saurons-nous les mettre en oeuvre ?


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