Greg Oxley
La nationalisation et la planification de l’économie sont au cœur du programme que défend La Riposte. Les apologues de l’économie capitaliste vantent le marché « libre » et fustigent la planification. Mais en réalité, les capitalistes ne sont nullement contre la planification. Tous les salariés le savent. Dans les entreprises – de l’usine industrielle jusqu’aux boutiques de prêt-à-porter –, le travail est planifié jusqu’aux moindres détails. « Le temps, c’est de l’argent », disent les patrons. Pour extraire un maximum de profit de chaque heure de travail, les règles et procédures en vigueur sont constamment revues et corrigées. Pour parvenir à une coordination aussi parfaite que possible des différentes opérations de production, les capitalistes utilisent tous les moyens techniques disponibles et les méthodes éprouvées de « gestion des ressources humaines » – fondées essentiellement sur l’intimidation. Quand vous passez en caisse, dans un magasin, un système informatique enregistre le type de produit que vous achetez et ordonne son remplacement automatique à partir des stocks – qui peuvent se trouver de l’autre côté de la France ou du monde – en tenant compte de la courbe probable de la demande future pour le produit en question. Par exemple, une quantité donnée de robes d’été ne sera que partiellement remplacée dans les rayons, à l’approche de l’automne. Les capitalistes planifient à outrance pour augmenter le taux d’exploitation des salariés, réduire les coûts salariaux et maximiser les profits.
Mais la planification capitaliste s’arrête aux limites de l’entreprise en question. Au-delà, le capitalisme nous plonge dans le chaos de la guerre économique – aussi dénommée « libre marché ». Sous le capitalisme, des entités économiques hautement planifiées, mais rivales, sont dirigées les unes contre les autres, dans le but de se détruire. Un fabriquant de chaussures ne peut survivre, en fin de compte, que s’il parvient à en détruire d’autres. Dans cette guerre économique, les travailleurs sont sommés d’être toujours plus productifs et d’accepter les salaires les plus bas, sous peine de perdre leur emploi. Alors que des millions de personnes ne trouvent aucun emploi et ne produisent rien, ceux qui ont la « chance » de travailler doivent produire toujours plus et plus vite – jusqu’à ce qu’il y ait finalement surabondance de leur produit, par rapport à la demande. L’économie sombre alors – comme actuellement – dans une crise de surproduction. Dans ces conditions, pour maintenir leurs profits, les capitalistes procèdent à des suppressions d’emplois et des fermetures. Ils détruisent une partie de la capacité productive développée dans la période précédente.
Le socialisme signifie la suppression de l’exploitation du salariat sur la base de l’expropriation des capitalistes et de la mise en place d’une économie consciemment et démocratiquement planifiée, dans l’intérêt de la société dans son ensemble. L’essentiel de l’infrastructure économique du pays sera propriété publique. La plus-value générée par le travail ne sera plus entre les mains des capitalistes, mais de la collectivité. Le socialisme n’est pas simplement une « étatisation » des entreprises. Sous le socialisme, l’Etat – l’ensemble des administrations publiques – sera démocratisé et transformé de fond en comble. Les administrations publiques, au même titre que les différents secteurs de l’économie, seront directement soumises à la vigilance et au contrôle de la collectivité. La rémunération des « responsables » – qui seront élus et révocables – n’excédera pas celle des travailleurs qu’ils sont censés représenter et défendre.
La science et la technologie
Sous le socialisme, l’activité des différents secteurs de l’économie répondra aux besoins de la société et aux priorités qu’elle se donne. Au lieu d’être dressées les unes contre les autres, les entreprises d’un même secteur d’activité – l’intégralité de l’industrie automobile, par exemple – seront rassemblées en une seule entité, dont la production sera organisée de façon à répondre aux besoins de la société. De quels types de véhicules avons-nous besoin, et dans quelle quantité ? L’économie de marché, dans laquelle la concurrence subsistera, n’aura plus qu’une existence périphérique et transitoire : il ne sera pas nécessaire de nationaliser chaque salon de coiffure, café ou boulangerie. Toutefois, avec les ressources gigantesques générées par l’économie nationale, enfin soustraites au contrôle des capitalistes, il sera possible de garantir le financement et l’amélioration substantielle du système éducatif, comme des services de santé et de tous les autres services publics. Nous pourrons abolir la misère, en finir avec la pénurie de logements et garantir à chaque individu, quel que soit son âge, sa couleur ou son sexe, des conditions d’existence dignes.
Sous le capitalisme, l’introduction de la technologie signifie le plus souvent des suppressions d’emplois. Les hommes sont remplacés par des machines. Là où il fallait deux salariés, un seul suffit. La machine sert à l’enrichissement de l’employeur et conduit à l’appauvrissement des travailleurs. En conséquence, plus les moyens de créer des richesses augmentent, plus les différentes manifestations de la pauvreté – chômage, SDF, « maladies de la misère », etc., – augmentent, elles aussi. A l’inverse, le socialisme s’appuiera sur la technologie pour réduire la semaine de travail pour tous. La technologie permet d’assurer la création des richesses avec moins de travail humain. Sous le capitalisme, cela se traduit par des travailleurs toujours plus productifs d’un côté, et davantage de chômeurs de l’autre. Sous le socialisme, la technologie permettra au contraire une réduction progressive du temps de travail pour tous. Comme le disait Marx, les travailleurs doivent prendre le pouvoir pour « se libérer du travail ». Cette libération ouvrira à la masse de la population un accès à la culture, aux arts, à la science et à la connaissance du monde en général.
Souvent, les gens qui s’intéressent aux idées du socialisme se demandent si les travailleurs ont les compétences requises pour gérer la société, sans les capitalistes. Or, en réalité, il ne faut pas perdre de vue le fait que dès à présent, sous le capitalisme, les salariés assurent pratiquement toutes les fonctions essentielles de l’économie et de l’administration, sans en avoir le contrôle. Où sont les capitalistes, au juste ? Que font-ils ? L’essentiel de leur « travail » consiste à encaisser le fruit de l’exploitation du travail salarié – le capital – et d’en jouir au maximum. Certes, ils autorisent parfois des investissements. Mais ces investissements sont consentis uniquement dans le but et à condition d’accroître leurs profits. Le socialisme, c’est la fin de la production pour le profit privé. C’est la production pour le bien commun.
Internationalisme
Enfin, l’un des arguments les plus répandus contre le socialisme concerne le caractère international de l’économie. Une France socialiste pourrait-elle fonctionner et survivre dans un monde capitaliste ? Effectivement, il serait impossible de maintenir une économie de type socialiste si, au terme d’une période plus ou moins longue – deux, cinq ou peut-être dix ans –, la révolution commencée en France ou dans un autre pays ne connaissait pas une extension bien au-delà de ses frontières. Dans la foulée de la révolution russe de 1917, c’est l’échec des tentatives révolutionnaires en Allemagne, en Hongrie et ailleurs qui a condamné la révolution russe à l’isolement. D’où sa dégénérescence bureaucratique. Rien n’est garanti d’avance. Cela fait partie de notre lutte. Et c’est la raison pour laquelle socialisme et internationalisme sont absolument indissociables. Une chose est certaine : l’impact international d’une révolution socialiste, en France, serait absolument colossal. Elle transformerait radicalement la psychologie des travailleurs, en Europe et dans le monde entier. Elle serait une inspiration, un exemple extrêmement puissant. Elle transformerait, de ce fait, le rapport de forces entre les classes, au profit de la nôtre, à l’échelle internationale.
La Riposte - 09.02.09
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