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21/09/2010

Ces médecins mandatés par les patrons pour surveiller les salariés

Louise Cuneo

Les fonctionnaires malades n'ont qu'à bien se tenir. Leurs arrêts maladie pourront désormais être contrôlés par l'Assurance maladie, et non plus seulement par l'État comme c'était le cas jusqu'à présent. Des médecins non agréés par l'État pourront donc contrôler des fonctionnaires comme n'importe quel autre salarié du privé : le nombre de contrôles aléatoires de fonctionnaires effectués par la CPAM devrait du coup augmenter.

Certaines entreprises publiques n'ont pourtant pas attendu cette "libéralisation" des contrôles pour organiser de leur côté la chasse aux congés maladie abusifs. Pour enrayer les comportements illégitimes de leurs employés, des entreprises privées ou publiques peuvent faire appel (respectivement depuis 1978 et 1986) à des "experts en contrôle médical et arrêts maladie". Des sortes de "détectives privés" de la fraude aux arrêts injustifiés.

Une activité en pleine croissance

Pour les employeurs, la démarche est on ne peut plus simple. Une connexion sur le site d'Axmedica, l'un de ces "experts" sur le marché depuis 1998, et la demande est envoyée. "En Ile-de-France, nous intervenons dans 70 % des cas dans les 24 heures qui suivent la réception de la commande ; et notre délai moyen est de 45 à 48 heures en France métropolitaine", relève fièrement Raphaël Wecker, directeur du cabinet "Axmedica". Une gageure lorsque la Sécurité sociale ne tient compte des demandes de contrôle que lorsque l'arrêt est supérieur à 30 jours. Lorsque Axmedica reçoit une "commande", il contacte l'un de ses 3.000 médecins correspondants dans toute la France. Le docteur, présent sur zone, transmet ensuite à Axmedica une note d'honoraires selon un protocole validé par l'Ordre des médecins.

La société de Raphaël Wecker se porte bien. Très bien, même. Le directeur reconnaît une "activité croissante", qu'il explique de plusieurs manières : "De plus en plus d'entreprises souhaitent dissuader leurs salariés de frauder en mettant en place des contrôles systématiques sur un ou deux mois. Les salariés sont alors prévenus par une note de service de ces dispositions... Et force est de constater qu'après une telle campagne, les arrêts diminuent sensiblement", souligne, satisfait, Wecker. Autre raison du succès d'Axmedica : des petites structures qui font face à un absentéisme énorme, ou les employeurs qui émettent des doutes sur des arrêts à répétition. Plus de 3.000 entreprises ont déjà fait appel à ce cabinet, et 25 % d'entre elles sont des organismes publics (mairies, collectivités...). Quant aux effectifs de la société d'experts, ils varient tout au long de l'année : huit personnes en moyenne, et jusqu'à douze salariés entre mai et septembre. La suspicion d'abus augmente aux beaux jours.

Une démarche rentable pour l'entreprise

Résultat : Axmedica estime qu'environ 10 % d'arrêts "injustifiés" sont détectés par ses services. Une proportion qui corrobore les chiffres de l'Assurance maladie, qui estime entre 10 et 13 % les avis médicaux défavorables émis lors d'un contrôle organisé par la Sécurité sociale. La démarche de l'entreprise est-elle ainsi rentable ? Sans aucun doute. "Le contrôle peut être amorti dès le premier jour", reconnaît très prosaïquement Raphaël Wecker, "sans compter l'effet dissuasif". Le coût de "l'enquête" avoisine en effet les 90 euros hors taxes : une dépense vite rentabilisée pour l'employeur, lorsqu'on rapporte cette somme aux 80 % du salaire que doit verser l'entreprise en guise d'indemnités à son salarié. Car, en cas de refus de contrôle, le "malade" encourt - comme lors d'un contrôle "classique" - une suspension de complément de salaire et des indemnisations journalières de la part de l'employeur. Sans compter que si le dossier est transmis à l'Assurance maladie, celle-ci peut à son tour arrêter le versement d'indemnités sur simple rapport médical transmis par la société.

Délation ? Pour Raphaël Wecker, il est plutôt question de chasse aux abus : "C'est comme lorsqu'un salarié demande un contrôle à l'Urssaf pour son entreprise." Et de nier tout "espionnage" des salariés : "On n'est pas caché derrière un faux journal, en embuscade. On diligente des médecins, c'est tout." "Si tout le monde était honnête, ce type d'activité n'existerait pas", prend-il la peine de préciser. Et selon lui, force est de constater que "beaucoup de gens ont une sonnette cassée... et n'en avertissent Axmedica que quinze jours après le dépôt par le médecin de son avis de passage". L'entreprise a de beaux jours devant elle : selon Wecker, ce sont parfois les syndicats qui font eux-mêmes la demande de contrôle.

http://www.lepoint.fr/societe/arrets-maladie-ces-medecins-mandates-par-les-patrons-pour-surveiller-les-salaries-20-09-2010-1238843_23.php

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