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28/01/2010

Tous unis avec les musulmans pour briser le siège de Gaza

Rencontre avec George Galloway - Silvia Cattori - Mondialisation.ca, Le 28 janvier 2010

George Galloway, député britannique à la Chambre des communes (*), est un homme posé, vif, chaleureux. Son regard bleu est attentif et amical. Il n’a pas de temps à perdre. Il est préoccupé par la gravité de la situation à Gaza. Il a mille fers au feu mais il a néanmoins accepté de venir donner, le 26 janvier, une conférence à Lyon (**). C’est dans ce cadre que nous l’avons rencontré.

D’une voix forte, claire et limpide, il délivre son message : face à la guerre que mène l’Occident contre le monde musulman, c’est une faiblesse mortelle de la gauche de ne pas s’unir avec les musulmans [1]. Il est impératif que toutes les forces progressistes et anti-guerre s’unissent avec eux. Car les positions des musulmans aujourd’hui sont objectivement les mêmes que celles de tous les progressistes dans le monde : en finir avec les guerres et les injustices.

Silvia Cattori : Après le dernier convoi de « Viva Palestina » à Gaza [2], que comptez-vous faire ?

George Galloway : Je pense que le temps des discussions est passé. Les actions parlent plus fort que les mots. Nous devons briser le siège de Gaza par tous les moyens. Nous l’avons brisé trois fois au cours des derniers onze mois ; nous devons continuer de le briser de plus en plus pour obtenir la fin définitive de ce siège.

Nous n’allons pas laisser seule la population de Gaza. Le prochain convoi se fera par la mer. Nous n’avons pas d’autre choix. On prendra la mer en mai 2010. Il y aura des navires d’Afrique du Sud, du Venezuela, de Malaisie, de Turquie, etc. Nous avons besoin d’autant de navires que possible, du soutien d’autant de gouvernements que possible, de la protection d’autant de drapeaux que possibles pour apporter à Gaza autant d’aide que possible ; du ciment, du bois, des clous, pour reconstruire Gaza.

Certes, c’est beaucoup plus difficile maintenant que l’Egypte a interdit l’entrée de son territoire aux convois. J’aurais préféré aller par terre plutôt que par mer, je ne suis pas un marin, mais c’est la seule voie pour aller à Gaza. Nous voulons que ce convoi international puisse naviguer sous pavillon turc, qu’il y ait à son bord des personnalités éminentes, et qu’il puisse transporter une grande quantité de matériel. Nous avons de bonnes chances d’arriver à bon port. Si nous y parvenons, nous pourrons revenir avec nos bateaux remplis de produits de Gaza, et amorcer ainsi une ligne commerciale maritime entre Gaza et le monde.

Nous sommes en train de construire une coalition internationale ; le mouvement « Viva Palestina » existe maintenant dans de nombreux pays : Afrique du Sud, Australie, États-Unis, Malaisie, Grande Bretagne, Irlande ; je souhaite voir le mouvement de solidarité en France se joindre à nous.

Silvia Cattori : Si je comprends bien, vous comptez rassembler et unifier internationalement les groupes et les gens, actuellement dispersés et affaiblis, pour atteindre la plus grande efficacité possible et devenir éventuellement le leader de ce mouvement ?

George Galloway : Non, je ne pense pas en être le leader. Je crois que la Turquie est le leader. Le Premier ministre, M. Erdogan, devrait être notre leader. C’est, je crois, le seul homme d’État qui peut réellement avoir un large écho - en particulier dans le monde musulman, le monde arabe - et qui peut réveiller le géant endormi de l’opinion publique arabe.

La Turquie a été un élément très important dans notre réussite. Elle est un nouveau facteur dans cette équation palestinienne. Après des décades d’alliance stratégique avec Israël, la Turquie est dirigée aujourd’hui par un gouvernement que les citoyens du monde ne peuvent qu’admirer. L’ONG humanitaire turque, IHHA a été décisive dans le succès de notre dernier convoi. Elle nous a apporté des véhicules et plus du 40% des personnes qui ont participé au convoi. M. Erdogan est intervenu personnellement pour obtenir que Moubarak nous laisse passer. Il nous a apporté tout le soutien politique et diplomatique qu’il nous fallait pour que nous puissions atteindre notre objectif d’entrer à Gaza pour offrir à la population notre matériel et notre soutien.

Silvia Cattori : Je comprends que vous soyez pressé de repartir, et de vous lancer dans un nouveau défi pour attirer l’attention du monde sur Gaza et sa population délibérément affamée, et toujours prise au piège d’un enfermement plus que jamais cruel et dangereux. Mais n’est-ce pas un rêve irréalisable ? En naviguant sous pavillon turc, ne craignez-vous pas d’être accusé de vouloir dresser un État contre un État ? Cela ne sera-t-il pas considéré par Israël comme un acte de guerre ?

George Galloway : Non, cela ne sera pas un acte de guerre parce que les eaux internationales sont les eaux internationales ; et après c’est la mer de Gaza. Il faut seulement avoir le courage de passer des eaux internationales aux eaux de Gaza. Il n’y a aucune menace contre Israël. Le convoi peut être inspecté par des fonctionnaires des Nations Unies, pour vérifier qu’il n’y a pas d’armes. Déjà plusieurs bateaux sont passés.

Silvia Cattori : Les deux dernières tentatives d’atteindre Gaza par la mer, en 2008, ont échoué ! Et les trois premières tentatives, si elles ont réussi, n’est-ce pas qu’Israël avait peut-être à ce moment là, un intérêt à les laisser passer ?

George Galloway : Il s’agissait d’un ou deux bateaux, et ils n’avaient pas la protection d’États importants. Il faut s’assurer la protection d’États qui pèsent d’un certain poids. C’est à quoi nous travaillons maintenant.

Je crois que nous sommes en mesure de créer les conditions qui nous permettront d’arriver à bon port. Nous devons essayer coûte que coûte ; dans ce contexte de blocus, il n’y a pas d’autre voie pour atteindre Gaza que d’y aller par la mer. Au début des années 1960, quand Berlin Ouest était isolé, tous les pays européens ont organisé un pont aérien pour lui apporter de l’aide. C’est d’un tel pont dont nous avons besoin. Nous ne pouvons pas le faire par air mais nous pouvons le faire par mer. Plus important il sera, mieux ce sera. Nous devons y aller en grand nombre ; nous devons avoir à bord des personnalités de renom, et le soutien d’États importants, ou au moins d’un État important. Et la Turquie sera, je crois, la clé.

Silvia Cattori : Le groupe de « Free Gaza » n’a-t-il pas annoncé son intention d’aller à Gaza à la même époque ? Ne travaillez-vous pas ensemble ?

George Galloway : Je ne sais pas ce que va faire « Free Gaza » ; nous respectons ce qu’ils font. Nous savons qu’ils ont déjà différé trois fois leur voyage ; je souhaite qu’ils se joignent à notre convoi, mais s’ils décident d’y aller seuls, ils ont mon entier soutien.

Silvia Cattori : Les gens qui vous ont fait confiance, qui vous ont accompagné durant les trois convois, surtout lors du dernier, comment vont-ils ? Cela a dû être une expérience fascinante et sans doute enrichissante, mais aussi très traumatisante. Comment sont-ils revenus du troisième et dernier convoi de décembre-janvier ? Et vous-même ? Brisés ou plus forts ?

George Galloway : Plus forts. Mais le prochain convoi par mer ne nécessitera pas d’engager la présence d’autant de personnes. Dans ce cas, les seules personnes qui peuvent être un soutien, qui peuvent être vraiment efficaces, sont des personnalités connues, des gros donateurs, et des gens qui ont une expérience de marin. Nous n’avons pas besoin de beaucoup de passagers dans ces bateaux. C’est une tactique différente, celle-ci. Dans un convoi par terre, tout le monde était le bienvenu. Dans le dernier, nous avions avec nous 520 personnes de 17 pays. Ici, nous n’aurons besoin que de 15 à 20 personnes par bateau.

[1] Par deux fois le public s’est levé et l’a ovationné pour lui exprimer son admiration pour avoir réussi par trois fois de véritables exploits en assurant l’arrivée des convois de « Viva Palestina » à Gaza.

[2] Voir : « “Viva Palestina”, et maintenant ? », par Stuart Littlewood, info-palestine.net, 14 janvier 2010.

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