À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

28/01/2010

L'immigration, un probleme administratif?

La mort, c’est triste. La guerre, c’est dommage. La liberté, c’est bien. Et la vie privée, c’est vachement bien. C’est même très important. C’est comme les femmes ou les handicapés. Il fallait donc y consacrer une journée.

Trêve de mauvais esprit : ce 28 janvier, c’est la quatrième Journée de la Protection des Données (DPD, en anglais), initiée par le Conseil de l’Europe, dont la “Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel”, datant de 1981, reste à ce jour “le seul instrument juridique contraignant sur le plan international.

Depuis 1981, le monde a bien changé, et pas seulement parce que le web a explosé, mais parce que l’informatique régit des pans entiers de nos vie, et qu’il est de plus en plus difficile voire impossible, d’être déconnecté. Dès lors, les questions informatique et libertés devraient avoir elle aussi explosé. Que nenni : aujourd’hui, le seul problème, on vous l’a dit, répété, et on vous le redira, se situe entre la chaise et le clavier, et c’est vous qui en êtes les principaux coupables, responsables, et victimes : ne montrez pas vos fesses sur l’internet ! C’est compris ?

Sachant que les adolescents ne lisent guère les recommandations et conseils de la CNIL, non plus que les projets de loi du Sénat, pas plus qu’ils ne visionnent les vidéos-compte-rendus des ateliers de NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet, pour les non-geeks, secrétaire d’État à la prospective et au développement de l’économie numérique, & secrétaire général adjoint de l’UMP), il est important de rappeler aux parents et enseignants qu’il faut impérativement apprendre aux enfants & adolescents qu’il ne faut pas montrer ses fesses sur l’internet.

Recruteurs, ou Big Brother ?

Pourquoi ? Parce que, et c’est Microsoft qui le dit, dans une étude publiée à l’occasion de cette Journée, 70% des recruteurs américains, 41% des britanniques, 16% des allemands et 14% des français ont déjà eu l’occasion de rejeter une ou plusieurs candidatures du fait de ce qu’ils avaient trouvé, à leurs sujets, sur l’internet.

Le panel interrogé était composé de 275 recruteurs, mais aussi 330 consommateurs, qui semblent mésestimer l’ampleur du problème : si 10% des Français et 13% des Allemands interrogés sont conscients que ce que l’on trouve à leur sujet, sur le Net, pourrait nuire à leur recherche d’emploi, seuls 9% des Britanniques, et 7% des Américains, s’en disent préoccupés :

Microsoft Privacy Day Survey

Seuls 2% des recruteurs américains n’effectuent aucune recherche en ligne au sujet des candidats à l’emploi. 78% utilisent des moteurs de recherche, 63% les réseaux sociaux, 59% les sites de partage de photos et de vidéos et 57% (seulement) les réseaux sociaux professionnels.

Plus on descend sous la barrière des 50%, plus l’espionnite aigüe des recruteurs américains fait peur : 48% matent les sites personnels, 46% les blogs, 41% Twitter et autres sites de partage d’informations, 34% les forums de discussion, 32% les mondes virtuels, 27% les sites de jeux en ligne, 27% les sites spécialisés dans la détection de faux CV, et 25% les sites d’enchères…

On serait en droit de se demander quel intérêt peut avoir un recruteur à surveiller les photos, vidéos, enchères et avatars dans les mondes virtuels de ceux dont ils doivent évaluer les qualités professionnelles.

A ce titre, on notera que, le 14 janvier dernier, le Le Medef, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, l’APEC et quelques autres ont signé la “Charte réseaux sociaux, Internet, vie privée et recrutement lancée par A compétence égale, qui réunit 40 cabinets de recrutement, et qui vise, dans le cadre des procédures de recrutement, à :

. limiter le recours aux réseaux personnels, du type Facebook ou Copains d’avant
. privilégier l’utilisation des réseaux professionnels, du type Viadeo ou Linkedin
. ne pas utiliser les moteurs de recherche ni les réseaux sociaux comme outils d’enquête pour collecter, ou prendre connaissance, d’informations d’ordre personnel, voire intime, même si elles sont rendues accessibles par les utilisateurs eux-mêmes

L’étude de Microsoft ne dit pas combien de postulants ont, par contre, été recrutés précisément au vu de ce qu’il avait mis en ligne. Et c’est bien dommage : le nombre de personnes recrutées du fait de ce qu’elles avaient mis en ligne est infiniment plus important, et notable, que le nombre de personnes discriminées parce qu’elles avaient mis leurs fesses (ou autre choses) sur Facebook, ebay, un site de poker ou un monde virtuel.

Les internautes, ce “douloureux problème”

Les internautes ne passent pas leur temps à mettre leurs fesses en ligne. Et les sociologues qui ont étudié le comportement des adolescents sur les réseaux ont découvert qu’ils maîtrisaient, bien plus qu’on ne le croit, leur vie privée en ligne (voir Vie privée : le point de vue des petits cons).

Pourtant, en consultant le site du Conseil de l’Europe, on ne peut qu’être frappé par le nombre de manifestations et d’actions de sensibilisations, organisées à l’occasion de cette journée, ciblant expressément les jeunes, que ce soit au Royaume-Uni, à Malte, en Italie, Lettonie, Suède, république tchèque et en Pologne (qui organise également un concours de dessins faits par des orphelins de Varsovie, ainsi qu’une réunion avec leurs eurodéputés)…

En France, la CNIL lance ainsi deux opérations : une édition spéciale de Mon Quotidien intitulée “Protège ta vie privée sur Internet“, associée à un jeu de questions-réponses des Incollables intitulé “Ta vie privée, c’est secret !“, à destination des 10-12 ans, et “10 conseils clés” pour les 12-16 ans, intitulés jepubliejereflechis.net, qui prônent le droit à l’oubli afin d’éviter qu’on ne retrouve, en 2025, des photos d’eux en bikini ou la liste de leurs ex-petit(e)s ami(e)s…

Vie privée : le point de vue de PlayBac

La notion de “vie privée” serait-elle ainsi soluble dans le www ? Les enfants et les adolescents sont-ils devenus l’horizon indépassable de la “vie privée” ? Pourquoi, dès lors qu’il est question de l’€™internet, les plus de 40 ans sont-ils ainsi littéralement obsédés par le sexe, et le fait que le Net serait infesté de pédophiles ? C’est quoi, leur problème ?

Dans une déclaration publiée en aparté, Alex Türk, président de la CNIL, mais également du G29 (le groupe des CNIL européennes), laisse entendre à demi-mot ce qu’il avait par ailleurs déclaré de vive voix, à quelques journalistes : le G29 n’a pas d’argent, tout simplement.

Or, comment contribuer à harmoniser, et améliorer, la protection des libertés et de la vie privée des Européens dès lors que l’une des principales instances européennes en charge de ces questions n’a pas de moyens, “tant humains que financiers” ?

En marge de la conférence de presse où il annonçait sa nomination à la tête du G29, Alex Türk avait fait état des débats et réflexions qui agitaient ses homologues européens qui, tous ou presque, se demandaient si cela valait encore la peine de s’opposer à un fichier policier, ou à une proposition de loi sécuritaire, puisqu’à chaque fois, ils ne sont pas entendus, et que le projet passe en l’état (voir A qui profite la CNIL ? (Edvige, Cristina, la DST, les RG, et caetera).

Les terroristes ont gagné

Le scandale Edvige a permis une véritable prise de conscience des questions d’informatique et de libertés. Depuis, le sujet est devenu politique, grand public, et c’est même ce précisément pourquoi LeMonde.fr m’a proposé d’y consacrer ce blog.

Or, depuis, l’essentiel du débat sur la vie privée porte sur le “droit à l’oubli“, sur la soi-disant “fin de la vie privée” et les problèmes posés par Google et Facebook : c’est plus porteur (pour le grand public, et les médias), et plus facile à traiter (pour la CNIL et le G29) que les nombreux autres problèmes de “vie privée“.

Faut-il rappeler que la loi informatique et libertés a été créée alors que le web n’existait pas, suite au scandale SAFARI, du nom du projet du ministère de l’Intérieur d’alors d’interconnexion de tous les fichiers administratifs et policiers français ?

J’aurais aimé que cette Journée soit aussi l’occasion de revenir sur ce pourquoi, et comment, le ministère de l’Intérieur a réussi à faire passer, en force, ses deux nouveaux fichiers Edvige, tout en enterrant en grande pompe la proposition parlementaire d’encadrement des fichiers policiers, alors que le quart des 58 fichiers policiers est hors la loi, sur le projet de triplement du nombre de caméras de vidéosurveillance (alors que l’on sait qu’elles sont inefficaces), ou encore sur la démagogie sécuritaire qui préside à l’accroissement de la surveillance des passagers aériens (scanners, fichiers, contrôles au faciès), au motif qu’un terroriste a tenté (sans succès faut-il le rappeler) de faire péter son slip ?

Le slip explosif de l'apprenti terroristeLes terroristes ont gagné : ils n’ont plus besoin de tuer des gens pour les terroriser. Et nos dirigeants foncent dans le panneau, et banalisent encore et toujours plus les technologies de surveillance.

Pendant ce temps-là, la CNIL et ses pairs, créés pour protéger les citoyens du fichage administratif et de la surveillance d’Etat, nous alertent sur les dangers pris par ces ados qui montrent leurs fesses sur Facebook.

Il y a un mot pour qualifier cela : c’est de la novlangue. On ne retient généralement de 1984, le roman de George Orwell, que la seule société de surveillance. On oublie que, pour y parvenir, la Police de la pensée de Big Brother organise aussi un appauvrissement planifié de la langue. On ne “surveille” pas pour “surveiller“, mais pour contrôler, et se maintenir au pouvoir.

La question de la “vie privée” est politique : il n’y a pas de libertés sans vie privée. Et je me plais à penser que le sujet est autrement plus intéressant, important et vital pour nos démocraties que ces histoires de fesses sur Facebook…

NB : on notera cela dit une conférence sur la vidéosurveillance en Hongrie, sur le marketing direct et les droits des consommateurs en Slovénie, et une campagne à destination des salariés au Royaume-Uni.

Illustration issue du n° spécial “Vie privée” de PlayBac distribué à l’occasion de cette Journée.

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2010/01/28/le-monde-entier-enterre-la-vie-privee/

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