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28/01/2010

L’actualité de la crise: les vrais raisons du désendettement des Etats

François Leclerc

LES VRAIES RAISONS DU DESENDETTEMENT DES ETATS

Il est fait aujourd’hui grand cas dans les cercles gouvernementaux, faute de pouvoir se prévaloir d’autres succès notable, d’une stabilisation de la situation financière faisant suite à la phase aiguë de la crise, qui a été dominée. Sans encore reconnaître franchement que cette nouvelle phase est chronique (qu’elle est installée), mais sans continuer à se hasarder à en prédire le calendrier de sortie. On entend bien dire, ici ou là, que l’on est entré dans l’après crise, mais ce sont des propos légers et téméraires qui ne sont pas repris par les politiques, devenus prudents à force de voir leurs pronostics démentis.

Est-on bien certain, en réalité, que la situation financière soit si stabilisé que cela ? Les éléments constitutifs de nouveaux dérapages, qui pourraient se révéler très sévères, ont en effet été clairement identifiés. Rien de moins que de nouvelles profondes secousses des marchés hypothécaires américain résidentiel et commercial, chacun selon ses échéances et sa logique. Aboutissant à ce que le château de cartes des actifs financiers bâti sur son socle s’écroule à nouveau, retouchant durement des établissement bancaires qui sont loin d’avoir digéré (déprécié en termes comptables) les conséquences du précédent effondrement et reconstitué d’autant leurs fonds propres. L’incertitude, à propos de cette nouvelle séquence de la crise, portant d’avantage sur son ampleur que sur sa venue.

Parallèlement, il se confirme que d’autres dangers, plus masqués mais non moins réels, sont en train de monter en puissance. Effets paradoxaux du dispositif majeur du sauvetage des banques instauré afin qu’elles puissent tenir à flot : la mise à disposition de liquidités sans restrictions de volume et à très bas coût. Plaçant les artisans de cette politique devant un choix impossible de plus, car son arrêt comme sa poursuite auraient des conséquences potentiellement redoutables.

Il a été suffisamment souligné, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir longuement, que les mégabanques ont profité des largesses des banques centrales pour jouer dans les meilleures des conditions de coût au grand casino. Les prêts à long terme de la BCE représentent ainsi à ce jour 670 milliards d’euros, ceux de la Banque d’Angleterre 185 milliards de livres, non compte tenu des 134 milliards de livres de garanties d’Etat fournies par le gouvernement aux banques pour qu’elles empruntent sur les marchés. Afin de leur faciliter la tâche, presque toutes les salles du casino sont restées ouvertes depuis le début de la crise, sans que des mesures de régulation ne soient intervenues, sauf celle où l’on joue à la roulette de la titrisation, qui n’a toujours pas repris son activité, les martingales s’étant révélées inopérantes.

Il a aussi été constaté que ces mêmes mégabanques sont désormais accros aux liquidités-cadeaux, devenues selon le mot et le diagnostic d’un financier connaissant la musique, une morphine dont elles ne peuvent plus se passer. Les amenant à jouer gros et à prendre de plus en plus de risques, et à nouveau à sous-évaluer celui-ci. A gonfler une nouvelle bulle financière avec beaucoup de constance et d’inconscience, alors qu’elles ont gagné en taille, leur nombre s’étant réduit, accroissant les risques systémiques et le coût de futures éventuelles opérations de sauvetage. Celles-ci n’étant plus dans les moyens des Etats déjà surendettés et sommés de réduire leurs déficits.

Il est moins connu que, selon la Banque des règlements internationaux, les mégabanques auraient globalement déjà reconstruit leurs bilans pour un montant supérieur aux dépréciations qu’elles ont déjà effectuées (en application de valorisations comptables flatteuses). La BRI a calculé que mille milliards de dollars auraient été affectés à cette tâche, réunis grâce aux emprunts à bas taux et à court terme obtenus des banques centrales, qui leur permettent de prêter, mais à taux élevé et à long terme, sur les marchés.

C’est précisément ce mécanisme, qui dans un premier temps leur a procuré une assise, qui est en train de devenir un inquiétant facteur d’instabilité dans un second. Car il est enregistré, toujours par la BRI, que les emprunts des banques sont de plus en plus à court terme, accroissant leurs fréquents besoins de refinancement. Compte non tenu du besoin devant lequel elles sont de reconstituer à nouveau leurs fonds propres, au fur et à mesure des dépréciations qu’elles poursuivent au titre de leurs engagements passés, de celles qu’elles vont devoir entreprendre si une nouvelle crise survient, ou bien qui résulteront des taux de défaut à la hausse de leurs prêts traditionnels. Résultant enfin des exigences d’augmentation de leurs fonds propres formulées par le Comité de Bâle, auxquelles elles vont devoir souscrire et qu’elles cherchent à diminuer et à étaler dans le temps. Tout cela fait beaucoup à financer, surtout si les taux du marché devaient grimper et si les banques centrales commençaient à fermer leurs robinets.

La crainte que le cumul de tous ces besoins aboutisse à une demande et par voie de conséquence une augmentation des taux exigés par les marchés, vu leur importance, permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles il est quasiment intimé l’ordre aux Etats, avec tant d’insistance, de diminuer au plus vite leur endettement. Les générations futures, qu’il faut préserver, ayant donc bon dos. Car l’accroissement de la dette publique, ainsi que le risque grandissant de défaut des Etats les plus faibles, exerce une pression sur les taux obligataires, dont les banques craignent de faire également les frais en se présentant sur les marchés.

Il a en effet été calculé, par des analystes de Barclays, que les résultats des banques seraient, dès 2012, atteints dans des proportions importantes mais variables selon les banques, afin d’absorber les hausses des taux obligataires à venir, dans le cadre d’éventuelles émissions obligataires qui ne seraient pas garanties par les Etats. Il est donc indispensable, pour que les gouvernements et les banques centrales puissent commencer à réduire leurs programmes de soutien aux banques, afin d’évacuer le danger que représente la bulle financière en cours de constitution, que les Etats s’engagent sans tarder dans la réduction de leurs déficits, afin de les banques en subissent le moins possible le contre-coup sur les marchés.

D’autant qu’un autre effet est redouté. Une hausse générale des taux sur les marchés obligataires publics et privés, qui réagissent l’un vis à vis de l’autre, auraient pour conséquence mécanique une baisse de la valeur actualisée des obligations émises par les banques, pesant sur l’évaluation de leurs fonds propres. Celles-ci, ayant par ailleurs augmenté considérablement leurs achats d’obligations d’Etat, dans le but de renforcer ces mêmes fonds propres et d’anticiper le durcissement de la réglementation bancaire, sont donc à un double titre vulnérables à l’évolution du marché obligataire. Dans un premier temps, elles ont ainsi contribué, aux côtés des banques centrales, à limiter la hausse des taux des obligations d’Etat, mais leur action a ses limites, qui sont semble-t-il atteintes.

C’est donc pour répondre aux besoins de financement des établissements financiers que les Etats doivent lever le pied quant à leur endettement. Suivant une logique irréductible : il est nécessaire de soulager le marché obligataire afin que les banques puissent s’y financer à meilleur coût, condition à la levée progressive des mesures de soutien dont elles bénéficient, qui alimentent une bulle financière potentiellement dangereuse pour le système financier.

Demain sera un autre jour.

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