Philippe Sage
Or donc, il suffit que le PIB fasse un petit prout au delà de zéro (+0.3% pour le second trimestre 2009) pour que Mâhâme Lagarde se la pète (léger, mais se la pète tout de même) sur tous les médias (bien complaisants) de ce pays. A l’entendre, ce + 0.3% serait la preuve que le gouvernement a pris les bonnes décisions, que son plan de relance serait le bon. Si tel était le cas, alors comment se fait-il que ce “rebond” de croissance constitue, pour elle comme pour tous les spécialistes, une “énorme surprise” [1] ?
Ce terme, celui de “surprise”, avait déjà été employé (et c’est le cas de le dire) pour qualifier la (présumée) baisse du chômage en juin dernier. A croire que c’est le nouvel axe de communication de ce gouvernement : ah ben ça alors, non mais si on s’attendait, vous vous rendez compte, une croissance positive, le chômage qui baisse, et tout ça en pleine crise, la pire-que-le-monde-ait-connue-en-un-siècle !! Non mais quelle surprise ! (sous-entendu : nous sommes vraiment très très forts et très très efficaces, ne trouvez-vous pas ?).
La “surprise” doit être totale, en effet, pour les gars de Molex, Continental et consorts. Pour les 400 000 (record historique) qu’ont perdu leur emploi entre le second trimestre 2008 et le second trimestre 2009. Ils doivent, d’où ils sont, soit dans les méandres infernaux du Pôle Emploi [2] l’apprécier, cette double “surprise”. Et je vous passe ces petites entreprises qui elles, en connaissent une autre, de “surprise”, une bien gratinée, celle que leur réserve le banquier, celui que le gouvernement a sauvé des eaux en septembre dernier, même que ça ne nous aurait pas, de notre poche, coûté un seul euro, le banquier qui les envoie copieusement péter, ces petites entreprises, quand, parce que la crise, elles viennent le trouver pour mendier des fonds, pas grand chose, le strict nécessaire à leur survie.
Ah comme tout ceci est parfaitement huilé !
Cela fait des mois et des mois qu’on nous dit la crise-ceci, la crise-cela [3] des mois et des mois qu’on nous bombarde de prévisions négatives, de sombres perspectives, quand bien même nous promet-on que de cette crise, nous sortirons plus forts. Oui, cela fait des mois qu’on nous prépare au pire, on ne cesse de nous le mâcher, rabâcher, ce pire, tant et si bien qu’à force nous nous sommes faits à cette idée que bon, d’accord, les carottes sont cuites, tant et si bien que voilà, nous y étions, résignés ou presque, à attendre la suite, un tsunami social. Ah oui, comme tout ceci est parfaitement huilé, pensé, maîtrisé ! Car en lieu et place de la grande catastrophe que l’on nous avait prédite, voilà-t-y pas que, ô “surprise”, en cette période où le rosé est roi, du rouge nous sortons ! T’attendais pas, hein ? Eh ben quoi, souris, nom de Dieu !
Et alors le timing, impeccable ! C’est au plus fort de l’été, des chassés-croisés, des images de vacanciers, que l’on vient t’informer que le pays retrouve des couleurs, qu’il se redresse, qu’il a de nouveau la gaule, qu’il bande, “énorme”, à + 0.3%.
Et tu voudrais, avec toutes ces belles “surprises”, foutre le feu à la rentrée ? Tu voudrais, alors qu’elle agonise, la récession, manifester, défiler, séquestrer, ton usine faire sauter ?
Car c’est bien de cela, dont il est question : préparer la rentrée. Étouffer toutes velléités de révolte. C’est à cela qu’elles servent, les “surprises”. A déminer le terrain. Et poursuivre, doucement, mais sûrement, les réformes : la taxe carbone (un impôt déguisé ..), le recul de l’âge de départ à la retraite, la suppression du juge d’instruction et de la taxe professionnelle. Le grand emprunt. Et, tu verras, l’assurance-maladie. La douloureuse ..
Voilà à quoi servent les “surprises”. A taire la colère. Ose la manifester, demain, à la rentrée, alors que l’on te dit que le pays sort de l’ornière, et l’on te montrera du doigt ; l’on t’accusera même, va savoir, d’anti-patriotisme. Tu passeras, aux yeux de l’opinion, pour un renégat, un rabat-joie, un trouble-bonheur.
Voilà l’histoire qu’on nous prépare. C’est du grand art.
En vérité, il n’y a pas plus de “surprises” que de reprise (sinon celle du championnat de France de football. Et, aussi, de rugby ..).
Il fut démontré que de baisse du chômage en juin dernier, il n’y eut pas. Au contraire.
Quant au “rebond” de croissance, il est conjoncturel. Mécanique. Un vulgaire pet de lapin. A peine dû au fameux plan de relance. Celui qui va nous coûter bonbon, dans les années à venir. Parce que ce plan, c’est nous qui le paierons, un jour. Pas ton banquier. Lui, il s’est déjà copieusement renfloué. Pour lui, oui, la récession, c’est fini. Mais seulement pour lui. Pour nous, elle ne fait que commencer. Mais ça, c’est tout sauf une “surprise” …
[1] Eh oui, + 0.3% c’est une “énorme surprise” ! Comme quoi, nous n’avons pas les mêmes valeurs ..
[2] Fusionner l’ANPE et l’ASSEDIC par temps de crise, ça, c’est la bien mauvaise surprise que le gouvernement a mitonné pour les chômeurs. A tel point mauvaise, que lassés, certains renoncent à leurs droits ..
[3] A noter que l’on nous conditionne de la même façon en ce qui concerne le virus A/H1N1. On nous prépare chaque jour à la catastrophe. De sorte que, si elle ne survient pas, ou si elle est moindre que prévue, là aussi, comme pour la crise, on nous jouera la comédie de .. la bonne “surprise” !
20minutes.fr - 16.08.09
À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.
17/08/2009
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