Jamais jusqu’à cette année, le BHV de la rue de Rivoli n’avait ouvert un 15 août, jour traditionnellement férié. Sans nul doute encouragée par la loi sur le travail dominical, la célèbre enseigne parisienne de bricolage a changé la donne. Et samedi dernier le magasin a ouvert ses portes de 10 heures à 19 heures, obligeant au passage ses employés à venir travailler contre leur volonté. En témoigne une lettre adressée en recommandé à plus d’une centaine de salariés du magasin. Son contenu est sans appel : « Vous ne vous êtes pas déclaré volontaire pour venir travailler ce jour-là. Votre présence est néanmoins indispensable […]. Nous vous demandons de bien vouloir vous présenter à votre poste ce jour. Si vous ne deviez pas tenir compte de notre demande, votre absence serait considérée comme injustifiée et nous serions contraints d’envisager une sanction à votre encontre. »
« Transférés au sous-sol »
« Une lettre de menace », réagit Hélène Pasinetti, élue CFDT du BHV Rivoli. « Sans compter, poursuit-elle, les pressions auxquelles les salariés ont dû faire face. Certains ont été avertis que s’ils faisaient grève, ils seraient transférés au sous-sol. » La syndicaliste s’emporte aussi sur la méthode de la direction : « On nous a annoncé cette ouverture le 18 juin dernier, alors que tout le monde avait déjà déposé ses dates
de congés. On allait forcément être en sous-effectif. Au rayon meuble où je te travaille, on n’est que sept vendeurs sur un effectif normal de vingt. » Pour « protéger les employés », la CFDT ainsi que les syndicats SUD et CFTC ont décidé de faire une grève non pas ciblée sur l’ouverture du magasin un jour férié mais contre « la course folle à l’élargissement des horaires d’ouverture ».
Si elle ne dément pas l’envoi de cette lettre, la direction évoque pour sa part une simple « lettre d’infor- mation ». « Comme c’était la première fois que le magasin ouvrait un jour férié, nous avons informé les salariés du changement de situation », défend Mme Bouster, directrice de la communication du BHV. Selon elle d’ailleurs, « tous les salariés prévus pour travailler ont répondu présent ».
Ballon d’essai
« Il ne s’agit en aucun cas de menace de sanction, insiste cette dernière, puisque nous avons la loi derrière nous. L’ouverture le 15 août a été présentée en comité d’entreprise. Et la loi est claire : un jour férié qui devient un jour normal n’est pas basé sur le volontariat, à la différence du travail du dimanche. Quelqu’un qui ne se présente pas à son poste aura une retenue sur salaire. » Sauf que dans la fameuse lettre recommandée, il est pourtant bien mentionné le terme « volontaire »… De surcroît, comparer l’ouverture du 15 août avec le travail du dimanche est, selon Mme Bouster « un faux problème », vu que « pour le moment, Bertrand Delanoë n’a encore rien tranché ».
À y regarder de plus près, l’ouverture du BHV le 15 août s’apparente pourtant bel et bien à un ballon d’essai sur l’ouverture dominicale. L’enseigne a appliqué une remise de 15 % sur tout achat réalisé samedi 15 août. Affluence assurée. « Le magasin a réalisé un bon chiffre d’affaires », évalue Hélène Pasinetti. « C’est un exemple type de ce qui va arriver avec les dimanches », craint la syndicaliste, qui attend la décision du maire de Paris sur la création de « zones touristiques » qui permettrait aux magasins d’ouvrir plus de cinq dimanches par an, pour réagir.
L'Humanité - 18.08.09
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