La crise a ébranlé toutes les justifications idéologiques du capitalisme. Le système peut-il y survivre ?
Un des changements majeurs provoqués par la crise économique que nous vivons, et qui lui survivra quelle que soit son issue, n’a peut-être pas été assez remarqué : le discours de justification idéologique du capitalisme et du libéralisme triomphants est tombé en miettes, et personne ne pourra plus jamais le recoller.
- Pendant longtemps, sa justification a été : « le capitalisme récompense le travail, le goût du risque et de l’innovation ; il constitue la juste sanction de la réussite : ceux qui sont riches méritent de l’être, et, d’une certaine façon, ceux qui ne le sont pas le méritent aussi par leur paresse, leur frilosité, ou leurs échecs ».
- Avec l’apparition des parachutes dorés, on a assisté à un phénomène tout à fait nouveau : ceux-ci, d’un montant de plus en plus astronomique, négociés dès l’embauche des dirigeants, leur sont dus quels que soient leurs résultats, et aussi bien en cas d’échec que de réussite : ces sommes souvent faramineuses, les rendant riches pour plusieurs générations parfois après seulement quelques mois d’exercice de leurs fonctions, et parfois après des résultats désastreux, ont créé un phénomène inédit : la richesse s’est trouvée désormais dissociée du résultat obtenu, et toute la justification morale et séculaire du capitalisme justifiant la fortune par la réussite volait en éclats ;
- Une étape supplémentaire vient d’être franchie, avec la crise économique, lorsqu’on s’est aperçu que ces parachutes plus que dorés restaient inchangés dans les entreprises sauvées par le contribuable ; le discours est alors monté d’ un cran supplémentaire, devenant : « il appartient à ceux qui ne sont pas riches de garantir la fortune de ceux qui le sont, que ceux-ci aient réussi ou échoué ».
On peut créditer ce cynisme du mérite de la franchise, et personne, bien entendu, ne croit à la possibilité de « moraliser le capitalisme » ; on peut constater qu’il ne risque rien, tant que ses adversaires resteront dans l’incapacité de penser l’économie globalisée dans laquelle nous vivons et n’auront à lui opposer que des révolutions nationales d'un autre temps et qui resteront sans effet sur lui : d’où cette étrange époque que nous vivons d’une situation révolutionnaire sans révolution.
Mais il n‘y a pas d’exemple historique, à ma connaissance, d’une exploitation économique sans un discours de justification idéologique : les privilèges de la noblesse s’abritaient derrière le droit divin, le colonialisme derrière sa mission civilisatrice et évangélique, etc. Aujourd’hui, pour la première fois, l’exploitation capitalistique reconnaît benoîtement : « c’est comme ça parce que ça nous arrange et que vous n’y pouvez rien ».
Pour combien de temps ?
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