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24/04/2009

Chômage des jeunes : le mal français

Le plan Sarkozy pour l'emploi des jeunes ne sera-t-il qu'un plan de plus ? Présenté vendredi 24 avril, il s'ajoutera à ceux qui ont été imaginés depuis l'apparition du chômage de masse dans les années 1970. Depuis le "pacte pour l'emploi des jeunes" de Raymond Barre, en 1977, les TUC, CES, CIP ou CPE ont fait florès, avec des fortunes politiques diverses. Cela n'a pas empêché le taux de chômage des jeunes de se maintenir, depuis trente ans, entre 16 % et 25 % au gré de l'évolution de la courbe de la croissance. Fin 2008, il était de 21,2 % chez les 15-24 ans, contre 6 % en 1975 pour les 15-29 ans.

Le bilan paraît peu flatteur pour les responsables politiques. Attention aux raccourcis historiques, met cependant en garde la sociologue au CNRS Chantal Nicole-Drancourt. "On ne peut comparer la situation des jeunes en 1970 et dans les années 2000. Il y a quarante ans, une majorité d'entre eux n'était pas scolarisée : ils étaient salariés ou occupaient une activité non salariée dans un cadre familial artisan, commerçant ou rural. C'est aujourd'hui le contraire." Par ailleurs, nuance la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), si l'on prend en compte tous les jeunes de 15 à 24 ans, y compris ceux qui étudient, le taux de chômage n'est plus de 21,2 % mais de... 7,3 %. C'est ce chiffre qu'il faut retenir pour les comparaisons internationales, affirment les spécialistes. Enfin, ajoute Mme Nicole-Drancourt, seule une partie des jeunes au chômage pose vraiment problème.

Qu'il s'agisse de 21,2 % ou de 7,3 %, la France fait moins bien que ses voisins. "Elle est la lanterne rouge du chômage des jeunes, regrette Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et ardent défenseur de l'apprentissage. Je mets les mesures de droite et de gauche dans le même sac. C'est de l'aspirine. Cela ne peut en aucun cas guérir ce cancer social qu'est le chômage des jeunes."

Si la gauche crée plutôt de l'emploi public et la droite plutôt des aides aux entreprises, la tendance est de multiplier les statuts dérogatoires. "C'est le vice de fond de toutes ces politiques, estime Olivier Galland, sociologue de la jeunesse au CNRS. Cela stigmatise les jeunes, identifiés comme des travailleurs à part, inaptes au marché du travail. Cela les enferme dans des formes de sous-emploi. Certains dispositifs, comme l'alternance, ont certes mieux marché. Mais ils sont souvent préemptés par des jeunes qui ont déjà un certain niveau, ce qui renvoie les autres à la précarité. Globalement, toutes ces politiques sont des cautères sur une jambe de bois ; on n'a jamais traité les problèmes structurels."

Au premier rang desquels figure l'échec scolaire. L'obsession du classement scolaire, base de l'élitisme républicain, et une orientation défaillante conduisent le système éducatif à éliminer plutôt qu'à promouvoir. Cette conception fait cependant l'objet " d'un consensus national", déplore Jean-Patrick Gille, député PS d'Indre-et-Loire. "Si l'on tente de changer les choses, tout le monde descend dans la rue". En attendant, beaucoup d'élèves en échec sont envoyés dans des formations garage, tandis que d'autres s'éclipsent sans qualification ni diplôme. Ils seraient entre 60 000 et 160 000 par an. " On a trop longtemps considéré qu'il y avait un taux incompressible d'échec scolaire, regrette Olivier Galland. Il y a sur ce point une responsabilité politique."

Vu du côté des entreprises, cela induit un manque de qualification professionnelle. " A l'origine du problème du chômage des jeunes, il y a le fait que nous ne parvenons pas à les qualifier à un emploi, analyse Henri Lachmann. Ce ne sont pas des emplois publics ni des aides aux entreprises qui permettront de résoudre le problème, mais un changement total de mentalité sur l'alternance."

Cette voie d'insertion et de formation n'est pas aussi développée en France qu'elle pourrait l'être, même si plus de 600 000 jeunes en bénéficient. " Elle n'a pas toujours été bien perçue par l'éducation nationale, qui privilégie le parcours scolaire classique," constate Bernard Perrut, député UMP du Rhône. Autre problème structurel, le marché du travail n'est guère accueillant pour les jeunes. En substance, il y a d'un côté les "insiders", qui bénéficient d'un contrat à durée indéterminée (CDI) et de la protection du code du travail, et de l'autre les jeunes, qui " supportent tout le poids de la flexibilité et de la précarité", observe Olivier Galland. En se présentant sur le marché du travail, ils souffrent d'" un déni de compétences : ils doivent tout prouver, ajoute Emmanuel Sulzer, chargé d'études au Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Et 8 % de ceux qui ont un emploi perçoivent un salaire inférieur au seuil de pauvreté, soit 750 euros".

Les politiques publiques ont beau faire, elles butent contre cette réalité culturelle. " La société fait une erreur de diagnostic. conclut Jean-Patrick Gille. On dit que le problème, ce sont les jeunes. Alors que le problème, ce sont les dysfonctionnements du marché du travail que l'on fait supporter aux jeunes. Avec la défiscalisation des heures supplémentaires, on est allé au bout de l'erreur : cela tue l'emploi des jeunes. Avec la crise, c'est le coup de grâce."

Le Monde - 23.04.09

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