À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

08/03/2009

Les inégalités patrimoniales se sont creusées en dix ans

Martine Orange

Réalisé par le Conseil des prélèvements obligatoires - une émanation de la Cour des comptes -, le rapport sur l'évolution du patrimoine des ménages français entre 1997 et 2007 permet de mettre des chiffres sur des impressions partagées par de nombreux économistes. En dix ans, le patrimoine des Français a beaucoup augmenté, passant de 3.800 milliards d'euros, soit 160.000 euros par ménage en 1997, à 9.400 milliards d'euros, représentant 380.000 euros par ménage en 2007. En moyenne, la valeur de patrimoine a progressé de 7, 6% par an sur cette période de 1997-20007, alors que la hausse n'avait été que de 2,3% entre 1987 et 1997.

Cette formidable progression est liée d'abord à l'envolée des prix de l'immobilier. Ceux-ci ont été multipliés par plus de deux durant la décennie. Les Français se sont beaucoup endettés pour devenir propriétaire : 57% des ménages sont désormais propriétaires contre 53% en 1988. Et c'est la résidence principale qui constitue l'essentiel du patrimoine des ménages français.

A côté, le taux d'épargne des Français est resté stable autour de 15% des revenus annuels, ce qui est un des taux les plus élevés dans les pays occidentaux, après le Japon. Cette épargne financière est d'abord orientée vers l'épargne réglementée. 80% des Français possèdent un Livret A ou un produit similaire. A l'opposé, ils ne sont que 20% à acheter des actions. Sans surprise, ce sont les ménages les plus aisés qui investissent sur les marchés financiers.

Les décisions fiscales pèsent lourd dans les choix d'épargne. Ainsi, parce que l'assurance-vie bénéficie d'une fiscalité très avantageuse tant sur les plus-values que pour les droits de succession, elle est de plus en plus choisie par les ménages aisés ou assez aisés. Entre 1997 et 2007, plus de 50 milliards d'euros ont été investis chaque année dans ces produits d'épargne. Le Conseil fait une surprenante constatation sur l'emploi de cette manne. Alors qu'assureurs et banquiers ont toujours affirmé que cette épargne était destinée en priorité au financement de la dette publique et de l'économie française, il apparaît que plus de la moitié des actifs d'assurance-vie est à l'étranger : près de 30% dans la zone euro, et 23% dans le reste du monde. Ce qui pourrait créer quelques sueurs froides avec la crise.

Si le patrimoine des Français a augmenté, sa répartition est aussi devenue de plus en plus inégalitaire. Fin 2003, dernière année citée par le rapport, 10% des Français possédaient à eux seuls près de la moitié du patrimoine brut total des ménages et le 1% des plus riches en possédaient 13%. Ce sont eux qui ont bénéficié de la forte progression du patrimoine pendant la décennie. Dans le même temps, le patrimoine des 10% des ménages les plus modestes a stagné. La forte disparité des revenus, qui s'est accélérée dans les années 1990, accentue la distorsion et a un effet cumulatif sur le patrimoine : tandis que les ménages les plus modestes épargnent moins de 5% de leurs revenus annuels, ceux qui ont les revenus le plus élevés ont un taux d'épargne dépassant les 30 à 35%.

Tous ces chiffres ne prennent pas en compte les effets de la loi Tepa. Ce qui ne permet pas de mesurer les conséquences du bouclier fiscal sur le patrimoine des ménages les plus riches. Les inégalités de patrimoine ont certainement encore dû se creuser avec ce dispositif. Mais tout cela, c'était avant la crise.
Mediapart.fr - 04.03.09

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails