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14/03/2009

A la Fnac Bastille, le combat des 60 salariés pour éviter la fermeture de leur magasin

L'enseigne supprime 400 postes en France: 200 à Paris, 50 au siège et 150 en province. A Bastille, les 60 salariés vont être invités avant fin 2009 à oeuvrer dans d'autres enseignes parisiennes ou en banlieue. Ils tentent de résister.

François Pinault, propriétaire de la Fnac, a beau également posséder l'hebdomadaire le Point, il y a des moments où la liberté de la presse n'est pas une priorité dans le groupe PPR (Pinault-Printemps-Redoute). Il est 15h30 ce vendredi à la Fnac Bastille, à Paris (XIIe), et le service de sécurité interdit – poliment - au journaliste de parler aux (très rares) clients présents pour leur demander leur sentiment sur ce qui se passe dehors. Il faut dire que si le magasin, qui vend essentiellement des CD et des DVD musicaux, est quasi désert, c'est que le personnel occupe le parvis. En grève depuis 13 heures contre la fermeture pure et simple de son lieu de travail.

En France, la Fnac va supprimer 400 postes: 200 à Paris, 50 au siège et 150 en province. A Bastille, les 60 salariés vont être invités avant la fin de l'année à aller oeuvrer d'autres enseignes parisiennes ou en banlieue: la Fnac possède 25 enseignes à Paris et en grande couronne parisienne. Car si leurs postes sont supprimés, ils ne seront pas licenciés. «J'ai déjà connu cette situation il y a trois ans quand la Fnac Italiens a fermé, indique Fatiha, salariée de la Fnac depuis dix-neuf ans. C'était le même scénario qu'ici: on faisait quasiment exclusivement de la musique. A la différence que le magasin a perdu de l'argent dès son ouverture. Et ça a duré quinze ans. Le loyer était trop cher et l'amplitude horaire d'ouverture dans un quartier peu fréquenté coûtait très cher. L'histoire s'est achevée en avril 2006.»

Trois ans plus tard, le coût d'exploitation et les bénéfices en berne à Bastille motivent la même décision de la part de la direction de la Fnac. Si cette dernière se refuse à évoquer sur les pertes du magasin en 2008, Sébastien Boury, délégué syndical CGT, très transparent, parle de «500.000 euros de pertes l'an passé».

«Je ne peux rien vous dire là-dessus, car on ne communique pas sur les chiffres magasin par magasin, tranche une porte-parole de l'enseigne. Mais ce que je peux vous dire, c'est que c'est un magasin spécialisé en musique, et qui subit donc de plein fouet les difficultés du marché du disque, CD et DVD, depuis quelques années.» La jeune femme parle de 45% de pertes pour le marché du disque depuis cinq ans et souffle que la tendance dans ce magasin serait peu ou prou du même ordre.

«C'est vrai que le disque souffre, reconnaît Sébastien Boury. Mais quand le marché est en baisse, la Fnac [entre 31% et 33% de parts de marché sur le disque en France, ndlr] ne s'en sort pas trop mal. Enfin plutôt mieux que les autres. Mais là, pour justifier cette fermeture, ils donnent dans le catastrophisme. La Fnac a les moyens de mener une autre politique par rapport au disque.»

C'est exactement ce que la direction souhaite faire. Son credo: créer des «pôles d'excellence», c'est-à-dire des enseignes spécialisées dans différents genres musicaux. Ainsi, la Fnac Ternes va étendre son offre en musique classique, celle des Halles en variété internationale, electro et jazz. «Nous sommes le premier magasin de disques classiques de France, tranche le syndicaliste CGT. Et cette section marche très bien. Cela fait partie des propositions que nous avons faites à la direction. Mais elle ne veut pas en entendre parler...»

Argument de la Fnac pour fermer son enseigne de Bastille: la taille du magasin - «c'est le plus petit de France, il fait 970 m2 alors qu'en moyenne une Fnac fait 2.500 m2», dit la Fnac - ne permet pas de proposer des produits plus en phase avec l'époque: lecteurs MP3 et téléphonie mobile qui sont présents dans les rayons mais en offre trop limitée. «Car les murs ne sont pas extensibles.» «Faux, répond le cégétiste. Nous sommes locataires des murs qui appartiennent à l'opéra Bastille. Et ce dernier a des extensions libres dans ses locaux à nous proposer. Mais la direction a décidé de fermer ce magasin sans lui laisser la possibilité de vivre. Elle préfère distribuer les centaines de millions d'euros de bénéfices réalisés chaque année à ses actionnaires plutôt que de faire vivre l'emploi.»

Et le syndicaliste de lancer, amer: «Depuis des années, la Fnac se désinvestit du disque. Et pourtant, 80% de nos clients achètent des produits éditoriaux [CD, DVD, livre, ndlr].»

Reste la question des «reclassements» dont parle la direction, qui dit qu'ils se feront «dans le respect des qualifications, des salaires et des horaires contractuels de chacun. Nous proposerons aussi des formations aux salariés qui souhaitent évoluer vers d'autres métiers plus en croissance au sein de l'enseigne.» «Faux, répondent des salariés de la Fnac Bastille. Moi, je suis disquaire, eh bien, c'est fini. Ils ne vont pas nous proposer de postes de disquaires ou de libraires, qui sont nos métiers, mais de vendre des téléphones ou des MP3. Et puis la majorité des postes proposés sont en banlieue ou en province. Et si on refuse, eh bien c'est le licenciement...»

La fermeture de la Fnac Bastille n'est peut-être que la première de quelques autres. Selon le délégué CGT, quelques autres enseignes (Ternes, Champs-Elysées, Saint-Germain), jugées pas ou peu rentables, seraient dans le viseur de la direction.

Libération - 13.03,09

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