Le 8 mars 2009 s’annonce terne, en ces temps de crise financière et économique, de destructions d’emplois et de montée du chômage. La crise n’aura pas les mêmes effets sur l’emploi des femmes et sur celui des hommes. Parce que le marché du travail est encore segmenté (les femmes et les hommes n’évoluent pas dans les mêmes secteurs d’activité), parce que les femmes sont davantage concernées par des formes d’emplois atypiques (temps partiel, contrats courts), et enfin parce que l’histoire montre que durant les périodes de crise économique, les questions d’égalité professionnelle entre les sexes sont mises au placard en attendant que la tempête passe. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Il est encore trop tôt pour faire un diagnostic clair, mais plusieurs pistes peuvent être explorées.
Les dernières statistiques du chômage, celles de janvier 2009, montrent que le chômage des hommes a beaucoup plus augmenté que celui des femmes, à tous les âges (tableau). Cela s’explique par le fait que les destructions d’emplois se concentrent essentiellement dans les secteurs industriels dans lesquels les femmes sont moins présentes. Les secteurs des services, sources principales d’emplois pour les femmes, semblent jusqu’à présent épargnés par la chute de l’activité économique. Ainsi, par le jeu de la segmentation professionnelle, le flot récent des demandeurs d’emplois est surtout constitué d’hommes. Les femmes sont donc à ce stade de la crise moins atteintes par la contraction de l’emploi.
Et si cette tendance s’intensifiait ? Plaçons-nous dans le scénario hypothétique où l’ajustement se ferait quasiment uniquement sur l’emploi des hommes. Aux Etats-Unis, épicentre de la crise financière, la montée du chômage des hommes a pris de telles proportions que la parité est quasiment atteinte dans l’emploi salarié. Cette petite révolution soulève une question sociétale de taille, car, avec la crise économique, les Américaines pourraient prendre le rôle du « Madame Gagnepain » (Breadwinner) au sein des couples. Aux hommes de faire tourner la maison pour que mesdames travaillent. Seraient-ils prêts à le faire ? Rien n’est moins sûr, comme le questionne le New York Times. Pour l’instant nous sommes loin d’un tel renversement mais cette éventualité a le mérite de mettre en exergue l’inégale répartition des rôles dans nos sociétés modernes et économiquement développées.
Si, dans le contexte économique actuel, la segmentation sectorielle du marché du travail semble être favorable aux femmes, ces dernières n’occupent pas le même type d’emplois que les hommes : elles sont davantage concernées par le temps partiel et les contrats précaires (CDD). Elles vont donc être tout particulièrement atteintes par les fins de contrats et leur non-renouvellement. Ce qui est spectaculaire et médiatisé pour les licenciements des secteurs industriels de base (l’automobile par exemple), l’est moins – ou pas du tout – dans les services. Par ailleurs, elles pourraient être davantage concernées par les réductions d’horaires, donc le sous-emploi ; et qui dit réductions d’horaires dit réductions de salaire. Ce sera le pendant de la moindre atteinte par le chômage.
La crise risque de reléguer au dernier plan la question de l’égalité professionnelle. Il y a un an, en mars 2008, la loi sur l’égalité salariale avait été votée, la conférence sociale nationale sur l’égalité venait d’avoir lieu, et l’on discutait du « Rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes », que les entreprises devaient élaborer tous les ans pour constater les inégalités et négocier dans l’entreprise. Une bonne base, pouvait-on espérer, qui ne ferait certes pas évoluer d’elle-même la situation, mais dont pouvaient s’emparer les syndicats et les associations pour proposer des actions destinées à combler les écarts de salaires explicitement constatés et mis au grand jour.
La phase de mise au point des indicateurs du Rapport de situation comparée, différencié selon la taille des entreprises, fut longue. Progressivement, celui-ci a été en partie vidé de son contenu, se réduisant, même pour les plus grandes entreprises, à ajouter un nombre limité d’indicateurs à ceux du traditionnel bilan social annuel des entreprises. A la fin de l’été 2008, les décrets d’application étaient publiés.
Mais qu’est devenue l’annonce, qui avait fait grand bruit à l’époque, selon laquelle toutes les entreprises qui ne se seraient pas engagées dans une démarche égalitaire à la fin de 2009 seraient sanctionnées financièrement en 2010 ? Encore un exemple du décalage entre les déclarations d’intention et les réalisations. Le projet de loi qui devait concrétiser ces sanctions financières annoncées fut sans cesse reporté. Impossible de l’inscrire avant les vacances parlementaires de l’été, du fait d’un ordre du jour trop chargé ; on verrait à l’automne ; l’hiver est passé, mais rien n’est venu. L’idée d’une sanction financière doit désormais en effrayer plus d’un. L’heure est à aider les entreprises, non à les pénaliser. Où est donc l’égalité salariale entre les sexes promise pour 2009, au pire 2010 ? Le gouvernement vient de décider (Conseil des ministres du 4 mars 2009) « qu’une concertation avec les partenaires sociaux sur les voies et moyens d’appliquer les règles actuelles et de les adapter, ainsi que sur les sanctions susceptibles d’être envisagées, sera engagée dès cette année ». Qu’en termes prudents cela est dit !
Enfin, en période de crise, la tentation est grande d’utiliser la politique familiale comme un instrument de gestion du chômage, comme cela avait été le cas en 1994 avec l’extension du congé parental, qui avait encouragé plus de 150 000 femmes à s’arrêter de travailler pour s’occuper de leur jeune enfant. Peut-être même verra-t-on refleurir des discours sur les bienfaits des femmes à la maison en temps de crise, pour atténuer les effets sociaux de celle-ci sur la famille. Certes cette fois-ci, on ne prônera probablement pas un retrait total du marché du travail, tant cela passerait pour une mesure rétrograde. Mais un repli sur le temps partiel permettrait opportunément de masquer le sous-emploi. L’aménagement du temps de travail pour raisons familiales, qui ne concernerait évidemment que les femmes, serait l’instrument idéal. Cela reviendrait à faire en sorte « qu’elle travaille moins, pour qu’il gagne plus ».
En ces temps de crise, la vigilance est donc plus que jamais de mise.
Chômage
Demandes d'emploi de catégorie 1
En milliers et % de variation, données CVS
| Janvier 2008 | Janvier 2009 | Variation |
Ensemble | 1 910,5 | 2 204,5 | 15,4 % |
Hommes de moins de 25 ans | 165,6 | 222,1 | 34,1 % |
Femmes de moins de 25 ans | > 172,6 | 194,1 | 12,5 % |
Hommes de 25 à 49 ans | 0654,3 | 785,8 | 20,1 % |
Femmes de 25 à 49 ans | 632,2 | 680,0 | 7,6 % |
Hommes de 50 ans ou plus | 153,8 | 178,1 | 15,8 % |
Femmes de 50 ans ou plus | 132,0 | 144,4 | 9,4 % |
Hommes | 973,7 | 1 186,0 | 21,8 % |
Femmes | 936,8 | 1 018,5 | 8,7 % |
Source : Pôle emploi, DARES.
Sem comentários:
Enviar um comentário