Après le secteur de l’énergie, des télécoms, des services postaux ou des transports, est-ce au tour des services sociaux de devoir se plier aux règles de la concurrence édictées par Bruxelles ? Les déclarations de la Commission européenne ne cessent d’inquiéter associations et ONG concernées. D’autant que les appétits du privé sont restés inassouvis depuis le retrait, en 2006, des services sociaux d’intérêt général (SSIG) du champ d’application de la directive Bolkestein qui entendait libéraliser le secteur des services.
Un secteur qui draine quelque 140milliards d’euros annuels et que la Commission ne se résout pas à laisser aux seuls gestionnaires publics. « Il convient de rappeler dans ce contexte que les services exclus du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur continueront de relever de ces règles et principes », a corrigé depuis la Commission s’appuyant sur les articles43 à49 du traité actuel intégralement repris par le traité de Lisbonne.
Autrement dit, les services sociaux devront passer sous les fourches de la concurrence au risque de marchandiser un secteur que la crise rend chaque jour plus sensible.
« Un dossier potentiellement explosif », pour Francis Wurtz, eurodéputé communiste qui tenait hier une conférence de presse sur la question, aux côtés de Patrick Le Hyaric et Raquel Garrido, qui mènent la liste du Front de gauche aux élections européennes.
Ce dossier, « que la Commission européenne comme le Conseil laissent traîner depuis plusieurs années malgré l’insistance des organisations syndicales et des ONG concernées, mérite, selon Francis Wurtz d’être aujourd’hui mis en lumière ». L’obsession de la Commission à vouloir libéraliser le secteur social, au nom des traités communautaires et en dépit du rejet de cette disposition par le Parlement, trouve des effets concrets. Ainsi, le député communiste cite-t-il le cas de cet organisme public du logement aux Pays-Bas qui s’est vu condamné par la Cour de justice européenne au motif d’une « erreur manifeste de service public ». La coopérative de logement hollandaise est alors accusée de concurrence déloyale à l’égard du privé parce que ses prestations, ne s’adressant pas exclusivement aux plus nécessiteux, incluent aussi des logements pour un public plus aisé. Seul moyen dont elle dispose pourtant pour éviter de constituer des ghettos et de promouvoir la mixité sociale.
S’il admet nécessaire une révision profonde des traités communautaires, Francis Wurtz juge « impossible de rester l’arme au pied. Il faut une directive qui reconnaisse pleinement les caractéristiques spécifiques des services sociaux. C’est une activité de service public, pas une activité commerciale », insiste le président de la Gauche unie européenne (GUE-GVN). « Si l’on nous répond que cette directive, destinée à mettre à l’abri de la concurrence les activités sociales, ne peut être prise parce qu’elle serait en contradiction avec les traités, eh bien ce sera l’occasion d’ouvrir un grand débat sur les traités communautaires actuels », explique-t-il. Alors que la campagne des européennes vient juste de débuter, « la bombe à retardement des services sociaux » risque de trouver une place de choix dans le débat.
L'Humanité - 24.03.09
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