Qui connaît Monsieur Morin ? PDG de l’équipementier automobile français Valeo, zélateur du modèle d’entreprise avec usines dans les pays « à bas coût », fidèle soutien de la patronne des patrons lors de la baston interne avec l’UIMM, habitué des tribunes à l’université d’été du MEDEF, admirateur déclaré à maintes occasions du président de la République, Thierry Morin a touché, lors de son départ, officialisé lundi, de Valeo pour cause de « divergences stratégiques » avec son conseil d’administration, une indemnité de départ de 3,26 millions d’euros (un « parachute doré » équivalant à deux années de salaire) ainsi qu’une retraite complémentaire, dite « chapeau », de 880.000 euros par an (55 % de son salaire annuel).¶
Des « éléments de rémunération » avalisés par le « comité des nominations, des rémunérations et de la gouvernance » de son entreprise, parfaitement courants dans la tribu des « grands patrons » et surtout dans la droite ligne du « code éthique » sur les rémunérations des patrons, édicté à l’automne dernier par le MEDEF et l’association française des entreprises privées (AFEP), ces recommandations ayant été adoptées le 16 décembre 2008 par le conseil d’administration de Valeo.
Dispensé par le conseil d’administration de Valeo de la condition de présence figurant dans les plans d’options d’achat, de souscription d’actions et de distribution d’actions gratuites, Thierry Morin conserve donc le bénéfice de son million de stock-options attribuées depuis 2001. Ironie du sort : c’est justement pour se mettre « en conformité avec les recommandations MEDEF-AFEP » que Thierry Morin avait accepté, le 13 février dernier, de revoir le montant de son parachute doré, le faisant passer de trois à deux ans de rémunération annuelle fixe et variable…
Monsieur Morin dégoûte Madame Parisot
Après Philippe Jaffré (Elf Aquitaine, 40 millions d’euros entre « parachute doré et stock-options), Daniel Bernard (Carrefour, 40 millions d’euros) ou Antoine Zacharias (Vinci, 182,9 millions d’euros), Thierry Morin s’invite dans ce palmarès sulfureux, sur fond d’exaspération sociale et de grandes manœuvres politiques à droite et dans le patronat. Et pauvre hère, voilà que c’est sur lui que ça tombe : il réussit l’exploit de se faire clouer au pilori par ses meilleurs amis. mardi matin, « de manière improvisée », jure-t-elle, Laurence Parisot a convoqué la presse en urgence.
Il s’agissait pour la patronne des patrons de livrer une solennelle « déclaration assez brève, mais claire » devant des dizaines de caméras : « A travers vous, je veux que tous les Français me regardent et m’écoutent, avertit-elle. Le MEDEF ne se reconnaît pas dans le comportement d’un dirigeant qui piétine ainsi l’intérêt général de son entreprise, qui méprise ses salariés, qui bafoue les patrons des PME et qui foule au pied notre code de gouvernance. C’est pourquoi nous demandons à Monsieur Morin de renoncer immédiatement aux indemnités auxquelles il prétend. » Selon Laurence Parisot, la décision du conseil d’administration de Valeo ne serait « pas conforme aux recommandations du code de gouvernance élaboré par le MEDEF et l’AFEP ». Alors que ce « code éthique » prévoit bel et bien de limiter les « parachutes dorés » à deux ans de salaire pour les grands patrons et qu’il demeure avant tout un instrument de communication non-contraignant, le conseil d’administration de Valeo a beau jeu de rétorquer, dans un communiqué publié hier, que les indemnités versées à Thierry Morin sont parfaitement « conformes » aux recommandations des lobbys patronaux.
Le gouvernement évite le véritable sujet
Du côté du gouvernement, où personne n’a moufté quand les conditions de départ de Thierry Morin ont été décidées au sein du conseil d’administration de Valeo vendredi dernier, c’est le branle-bas de combat désormais, avec la révélation publique des détails de l’opération. Luc Chatel, puis Eric Woerth, puis François Fillon sonnent l’hallali. Détenant par le biais du Fonds stratégique d’investissement (FSI) près de 8% du capital de l’équipementier, l’Etat va appeler, nous promettent en chœur les ministres, la future assemblée générale des actionnaires à rejeter le plan de départ de Thierry Morin. « Le représentant de l’Etat au conseil d’administration fera savoir qu’il est opposé à l’application de cette prime de départ du président de Valeo, promet le premier ministre. Il faut que les choses soient claires et que chacun comprenne que l’heure est à faire preuve de responsabilité et ceux qui ne font pas preuve de responsabilité mettent en péril l’ensemble de notre système économique et social. »
Pris de panique face à l’ampleur du tollé, le gouvernement laisse filtrer un aveu, de taille : alors que Valeo subit de plus en plus la pression à l’hyper-rentabilité du fonds activiste américain Pardus, le gouvernement, présent à travers le FSI et si volubile sur les conditions de départ de Thierry Morin, s’est jusqu’ici bien gardé de contester le plan de suppression de 5000 postes dans le monde, dont 1600 en France, alors que l’année dernière, Valeo a versé plus de 100 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires… Mais ceci est une autre histoire, c’est en tout cas ce que patronat et droite espèrent encore faire gober au peuple.
L'Humanité - 24.03.09
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