À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

19/11/2009

"La désignation du président de l'UE a manqué de transparence"

Thierry Chopin, directeur des études à la Fondation Robert-Schuman, revient sur la nomination, jeudi 19 novembre, du Belge Herman Van Rompuy comme président du Conseil de l'Europe et de la Britannique Catherine Ashton comme haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Pourquoi pas une élection au suffrage universel direct ?

Le traité de Lisbonne est vague concernant la procédure de nomination des deux nouveaux postes : il prévoit par exemple que le Conseil européen, c'est-à-dire des chefs d'Etat et de gouvernement, élit son président à la majorité qualifiée (qui prend en compte le poids des différents Etats). Mais l'on constate un manque de démocratie et de transparence dans sa mise en œuvre, qui fait ressembler cette élection à celle du pape : pas d'obligation de se déclarer candidat, des critères fixés au fur et à mesure – on a entendu qu'il faudrait avoir été membre du Conseil européen, ce qui disqualifiait l'ex-présidente lettone. Du coup, il a fallu attendre la fumée blanche sortie jeudi soir du sommet pour connaître le résultat des négociations ! Alors que le Conseil européen aurait pu prévoir de procéder à des auditions publiques des candidats, pour connaître leur vision de la fonction et de l'UE.

Sans aller jusqu'à une élection par les citoyens au suffrage universel direct, on pourrait imaginer un collège électoral plus large, réunissant des membres du Parlement européen et, pourquoi pas, des Parlements nationaux. La question se posera toutefois inévitablement de la réforme du mode d'élection d'un président du Conseil européen censé incarner et représenter l'Union auprès des citoyens et dans le monde.

Quel est le rôle le plus important, entre le président du Conseil européen et la haute représentante ?

Ils ont des fonctions différentes, il est donc difficile de comparer. Le premier présidera le Conseil européen, l'institution chargée de fixer les orientations politiques et stratégiques de l'UE, comme sur la lutte contre le réchauffement climatique récemment. Comme le Conseil ne se réunit aujourd'hui que quatre fois par an, le nouveau président devra préparer ses travaux, leur donner de la continuité et faciliter la cohésion, ce qui était difficile au pays chargé de la présidence tournante pour six mois. Autre aspect très important : il devra incarner et devra donner un "visage" à l'Europe, qui souffre d'un déficit de représentation. C'est lui qui, a priori, s'exprimera lors des sommets UE-Etats-Unis, par exemple, aux côtés du président de la Commission, et non le haut représentant, qui devrait être plutôt chargé des rencontres avec les ministres des affaires étrangères des pays tiers.

La haute représentante, quant à elle, sera chargé de contribuer à l'élaboration de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union et aussi de la conduire. Elle remplacera le haut représentant actuel (Javier Solana) mais aussi la commissaire aux relations extérieures (Benita Ferrero-Waldner), à laquelle elle succédera pour devenir vice-président de la Commission. Cette fusion des fonctions parfois rivales donne plus de cohérence. Par ailleurs, elle sera à la tête d'un nouveau service européen d'action extérieure, regroupant des diplomates de la Commission et des Etats-membres, ce qui laisse espérer l'émergence d'une culture diplomatique commune. Elle pourra dégager des consensus entre pays membres, dans un domaine où ils doivent s'entendre à l'unanimité.

Ce sont des personnalités de faible envergure qui ont finalement été nommées. Faut-il y voir un refus des dirigeants des Vingt-Sept de perdre leurs prérogatives, et un handicap ?

La relative opacité de la procédure de désignation et le rejet des candidats les plus charismatiques, Tony Blair et Jean-Claude Juncker notamment, peuvent s'expliquer par une volonté des chefs d'Etat et de gouvernement de garder la main, et de nommer quelqu'un qui ne leur ferait pas d'ombre. Mais le premier ministre belge Herman Van Rompuy est une personnalité de qualité, qui a le sens du compromis. Et l'on a vu des personnalités bénéficiant d'une faible aura au départ se révéler de véritables leaders, tel Jacques Delors à la tête de la Commission.
Propos recueillis par Claire Ané
Le Monde - 19.11.09

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails