Mais, dans plusieurs régions, les projets suscitent une vive contestation. Et des écologistes estiment que la modernisation du réseau existant, beaucoup moins coûteuse et sans impact environnemental, doit être étudiée beaucoup plus attentivement.
"Toute création de nouvelle ligne est pénalisante pour l'environnement", reconnaît Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d'usagers de transport (FNAUT), pourtant favorable au développement des TGV. Dans la Bresse, région de bocage et de zones humides, le projet Dijon-Lyon aurait "des conséquences irrémédiables sur des espèces protégées, car entraînant la destruction de zones naturelles classées (ZNIEFF) et rendant impossibles des corridors écologiques", écrit Thierry Grosjean, président de la CAPEN, une des associations de Saône-et-Loire qui se battent contre le projet.
Dans le Sud-Ouest, on redoute la répétition des destructions occasionnées par l'autoroute Pau-Langon, en cours de construction : "La LGV Bordeaux-Hendaye est aussi inutile et destructrice que l'A 65", affirme Denise Cassou, de Landes Environnement Attitude. Sur le tracé Tours-Bordeaux, "l'atteinte à l'environnement est énorme, affirme Patrick Lantrès, du Comité TGV Réaction Citoyenne, dans le Poitou. Le projet a été conçu pour minimiser les dépenses de protection de l'environnement".
La création de gares en rase campagne est aussi dénoncée : "Nous y sommes radicalement opposés, explique M. Sivardière. Soit elles rendent nécessaire pour s'y rendre de prendre la voiture, et l'on perd le gain environnemental du TGV, soit elles sont desservies par car, mais alors on perd le gain de temps."
Ces nuisances sont d'autant moins acceptées que l'utilité des lignes nouvelles est souvent contestée. "Un record de vitesse a été battu en 1955 sur la ligne Bordeaux-Dax, à 300 km/h, ironise Simon Charbonneau, de Landes Graves Palus Environnement. Cela signifie que, si on l'ajustait, des trains classiques pourraient y rouler à 250 km/h."
Le député Vert de Gironde, Noël Mamère, complète l'argument : "Compte tenu des coûts financiers et environnementaux entraînés par la création de ces voies nouvelles, la grande vitesse ne peut se réaliser qu'au détriment du réseau ferroviaire existant. Mieux vaut se contenter d'utiliser les voies existantes, en les modernisant."
"Le problème, poursuit M. Sivardière, est que pendant qu'on investit pour faire de nouvelles lignes de TGV, on ne fait rien sur le réseau classique. La FNAUT a fait une étude, concluant que 10 milliards d'euros suffiraient à moderniser le réseau classique. A comparer aux 15 milliards que coûtera la ligne TGV en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Un kilomètre de TGV, c'est 20 millions d'euros ; moderniser une ligne, 2 millions."
De surcroît, les nouvelles lignes à grande vitesse nuiraient en fait l'aménagement du territoire : "Le TGV est conçu pour les villes d'échelon européen tous les 400 km, mais il pousse au déclin des villes moyennes", affirme Victor Pachon, de la Coordination des associations de défense de l'environnement (CADE), en Pays basque. Cela explique ce qu'observe M. Charbonneau : "Il y a un divorce : les élus de base sont plutôt du côté des associations, alors que les grands élus soutiennent toujours les grands projets."
La polémique a aussi un enjeu social : selon M. Grosjean, "les clients des TGV et des liaisons régionales n'appartiennent pas aux mêmes catégories sociales : la grande vitesse génère de l'inégalité".
Face à ces critiques, la SNCF indique que la construction des lignes n'est plus de sa compétence et renvoie à Réseau ferré de France. RFF répond par une logique de maillage du territoire : "Notre philosophie est de toujours chercher quel sera le service pertinent, dit Jean-Marc Charroud, responsable des grands projets à RFF. Pour que les lignes nouvelles soient efficaces, il faut qu'elles soient correctement reliées." Mais pour lui, l'angoisse des villes moyennes est infondée : "Il ne faut pas les opposer aux grandes agglomérations : le coeur de ville ne va pas vivre parce qu'un train non rapide y passera, mais parce qu'il sera relié à une agglomération qui est un poumon régional."
Au total, le débat sur les nouveaux TGV renvoie à une vision différente de l'avenir. Pour M. Sivardière, "il faut raisonner sur vingt ans : le pétrole sera rare et cher, le climat sera dégradé, il y aura un report quasi autoritaire du fret routier vers le rail et le maritime". Tout en revendiquant la modernisation des lignes classiques, la FNAUT accepte donc la majorité des nouvelles lignes annoncées en juillet.
Mais pour d'autres, c'est le développement de la mobilité lui-même qui pose problème : "Notre position, explique M. Pachon, est qu'il faut une décroissance des transports. On nous explique que le développement du TGV dégagera des lignes pour le fret. Mais cela n'a pas de sens par exemple d'envoyer des pommes de terre belges se faire conditionner en Italie. Il faut se poser la question de la société que l'on veut."
Le Monde - 23.08.09
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