À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

03/11/2010

L'appareil des apparences

Alexie Geers

Ce billet est la retranscription de la présentation que j’avais intitulée “Publicité et contenu éditorial dans la presse féminine” pour le séminaire d’André Gunthert, Mythes, Images, Monstres, le 27 mai 2010.1.
La presse féminine occupe une place importante sur le podium des ventes de magazines : en 2009, chaque numéro de Marie-Claire, s’est vendu à 416 420 exemplaires environ2 et sur le premier trimestre 2010 à 430 355 exemplaires3. En 2007, ce n’est pas moins de 205 898 000 exemplaires vendus en France, tous titres de presse féminine confondus.4 Les gains de cette presse féminine représentent 615 598 000 euros de chiffres d’affaires en 2007, répartis en 364 285 000 euros issus de la vente et 251 313 000 euros obtenus par ventes d’espaces publicitaires5. C’est un succès financier autant qu’un succès de kiosques.
En outre, cette presse se caractérise par la présence à chaque page, d’images, de corps féminins en particulier, tantôt admirés pour leur beauté, tantôt décriés pour leur aspect irréel6. Dans le numéro de mars dernier de Marie-Claire, 96 % des pages du numéro comptent au moins une image par page7. Chaque titre de presse féminine, et l’on en compte 139 en 20078 fonctionne sur cette utilisation massive de l’image, ce qui rapporté aux chiffres énoncés plus tôt donne une idée vertigineuse du nombre d’images produites et diffusées en une année.
Ce type de presse est aussi marqué par l’usage abondant de la publicité, dans ce même numéro de Marie-Claire, elle représente 40% de la surface totale9 du magazine. Le feuilletage de ce même numéro10 permet d’observer à quel point il est difficile de différencier clairement les articles des publicités, et à quel point la rédaction semble construire le magazine pour brouiller les cartes en rapprochant thèmatiquement (figure 1), graphiquement (figure 2) et formellement (figure 3) ce qu’on appelle contenu éditorial et publicité.
Figure 1
Figure 2
Figure 3
En regardant Elle, autre titre à succès français, du même mois de mars 2010, il est possible de confirmer ce phénomène  : au milieu de l’article « En vacances avec vos enfants » sont insérées des publicités pour des agences de voyages et à côté de l’article intitulé « Fortifiants mode d’emploi », une pub pour un complément alimentaire (figure 4) .
Figure 4
Par conséquent, il est nécessaire de s’attacher plus précisément à ce phénomène de ressemblance.
Quel type de lien publicité et presse féminine entretiennent-ils ? Ce phénomène est-il récent ? A-t-il toujours existé ? Quelles formes visuelles prend-il ?  quelles sont les conséquences sur la représentation du corps féminin ?
Pour essayer de répondre à ces questions, Marie-Claire et Elle semblent être des corpus particulièrement intéressants, parce qu’ils ont un lectorat dense, parce qu’ils appartiennent à des groupes de presse différents11 et parce qu’historiquement ils sont les deux magazines « généralistes » les plus anciens encore en diffusion12, permettant une observation sur le long terme.
Aussi à partir de l’étude croisée de ces deux corpus depuis leur création, sous l’angle du rapport entre publicité et contenu éditorial, nous tenterons de comprendre les enjeux de tels rapports.
La publicité dans le magazine
La presse féminine se caractérise par deux types de publications, le contenu éditorial13 et la publicité14. Si aujourd’hui on trouve 40% de la surface de Marie-Claire occupé par la publicité, on peut se demander si cette proportion a toujours été identique.
Sur les deux magazines, on observe globalement (figure 5) une croissance du nombre de pleines pages de publicité atteignant son apogée entre 1970 et 1995 avec une stabilisation depuis. Pour Elle, on observe le même type de schéma avec un taux légèrement plus bas15. À noter qu’Elle est hebdomadaire tandis que Marie-Claire est devenu mensuel après 1954.
Figure 5 : Évolution du nombres de pleines pages de publicité dans Marie-Claire et Elle
Pour les encarts publicitaires en revanche, on observe (figure 6) un déclin de leurs nombres à partir  de 1985 pour Marie-Claire et de 1965 pour Elle, la pleine page  devient rapidement la forme préférée de la publicité.
Figure 6: Évolution du nombres d'encarts dans Marie-Claire et Elle
Rapport spatial entre publicité et contenu éditorial
Mais il faut aller plus loin et regarder les rapports de hiérarchie qu’entretiennent les différents éléments, et ce depuis la naissance des deux magazines.
Marie-Claire est né en 1937 et vit une première période, jusqu’à l’arrêt de sa publication en  1944 . Le magazine s’ouvre alors sur deux pleines pages de pub (Figure 7, image de gauche). Dans la suite du magazine, la publicité prend la forme d’encarts (Figure 7, images de droite)  et est regroupée pour l’essentiel en pages entières à la fin du titre. La publicité est alors facilement identifiable, l’encart est délimité par un cadre, le définissant visuellement comme contenu autonome. La pleine page est réservée essentiellement au contenu éditorial.
Figure 7
En 1944, la situation se modifie, pour les raisons que nous connaissons, le 15 janvier, un « Avis au lecteur » est glissé dans le numéro pour annoncer la réduction de papier, du nombre de pages et de la fréquence de publication. La diminution de la publicité est une autre conséquence de cette période économiquement difficile, il n’y a plus, en dehors de la 4e de couverture de pleine page de publicité, mais plus que des encarts (figure 8).
Figure 8
Elle naît fin 1945, de son premier numéro paru le 21 novembre 1945 et  jusqu’au 26 décembre 1945, on ne trouve pas de publicité. Dans cet exemple de la fin 1946 , le magazine s’ouvre sur une pleine page de publicité (Figure 9, image de gauche). Les encarts, quant à eux, sont regroupés en fin de magazine (Figure 9, images de droite). Ils sont visibles puisqu’un cadre les délimite, la séparation avec le contenu éditorial peut également être marquée par une ligne. La publicité est cantonnée à l’ouverture et à la fermeture du magazine.
Figure 9
Dix ans après l’arrêt de sa publication, en 1954, lorsque Marie-Claire reparaît la situation est différente, les pleines pages de publicité se situent de manière éparses dans le magazine, elles sont intercalées entre les pages éditoriales. On note toujours la présence de l’encart et ce de manière plus importante, une ligne les sépare du contenu éditorial. Ce dernier est parfois inséré entre un encart et une plein page de pub, il a alors une place, en termes de hiérarchie spatiale, moindre (Figure 10).
Figure 10
En 1955, chez Elle, des encarts de pub encadrent l’article et sont séparés par une ligne (Figure 11, image de gauche). Chez Marie-Claire on retrouve le fonctionnement que nous avions énoncé plus tôt (Figure 11, image de droite) la page de gauche est une pub pleine page et la page de droite est composé pour moitié d’un article et pour l’autre moitié d’un encart publicitaire. L’article est alors inséré entre deux espaces publicitaires et a une place moindre. Une ligne sépare les deux contenus, le cadre de l’encart est de moins en moins visible. Les éléments graphiques gris utilisés pour séparer les deux contenus, et pour titrer les articles, rendent plus difficile cette différenciation. La pleine page de pub devient plus courante et vante des produits variés (électroménager, vêtement, cosmétique).
Figure 11
Dans les années 60 le fonctionnement reste peu ou prou identique. On retrouve le système :  pleine page de pub/colonne d’article/ encart publicitaire (Figure 12, image de gauche). Mais la taille des encarts est de plus en plus grande, jusqu’aux 3/4 de la page, ils tendent à la pleine page (Figure 12, image de droite).
Figure 12
Entre 1954 et la fin des années 60, le rapport de flou s’établit chez Marie-Claire, les encarts perdent leurs cadres, ils s’intègrent peu à peu à l’ensemble du magazine et ne restent plus aux extrémités dans des pages consacrées. La pleine page n’est plus le lot de l’éditorial, mais devient aussi celui de la publicité. Les articles semblent parfois se noyer au milieu d’elle.
Au début des années 70, chez Elle,  on observe beaucoup plus de couleurs, plutôt du côté de la publicités (Figure 13). Le nombre de pleine page de pub augmente tandis que celui des encarts diminue. Les pleines pages de pub sont mêlées avec les articles, chaque type possède malgré tout son espace autonome (la page), la lecture est un peu moins confuse. Comme la couleur est utilisée davantage dans la pub, le regard est guidée par celle-ci, le contenu éditorial devient moins attractif.
Figure 13
Alors que chez Marie-Claire, la lecture reste peu claire, car la couleur est déjà plus présente, aussi bien dans la pub que dans l’éditorial (Figure 14). Marie-Claire a toujours utilisé la couleur de manière significative. On assiste en revanche à une forte augmentation du nombre de page pleine de pub16.
Figure 14
Pour Elle, la couleur gagne l’éditorial début des années 80 (Figure 15). La maquette devient plus lisible car la couleur intègre peu à peu le texte, d’abord une seule couleur pour le titre, la lettrine, les sous-titres jusqu’au Elle, 12 septembre 1983 où la couleur devient un véritable outil typographique. On note que l’encart disparaît peu à peu mais aussi qu’ils s’intègrent mieux au texte.
Figure 15

Avec l’augmentation du nombre de pleine page de pub, la taille de l’image grandit. On note à cette époque que la thématique des publicités changent, l’électroménager, l’alimentaire laissent une place plus importante à la mode et aux cosmétiques, ce qui augmente, en conséquence le nombre de corps féminins.
Le dossier beauté prend une nouvelle tournure. On ajoute aux traditionnelles photos de femmes et aux bons conseils, des photos de produits, il s’agit de recommandations, type qui va demeurer jusqu’à nos jours. On peut alors se demander si les encarts disparaissent au profit de ce mode intégré de publicité. C’est en tout cas la naissance d’un modèle où la publicité est directement liée à l’article17. A partir de là il devient difficile de définir les différents éléments.
Figure 16
Dans les années 90, on voit apparaître quelques rapprochements du type que l’on connaît aujourd’hui mais pas de manière systématique. On remarque dans l’exemple de gauche (Figure 17) un publireportage qui adopte la même forme que l’article de la page qui le suit, en colonne avec des sous titres rouges, ou encore un rapprochement thématique entre article minceur et publicité pour repas diététique.
Figure 17
Les encarts avec cadres, facilement identifiables, ont presque disparu, la publicité est plus diffuse, notamment à l’aide des pages de brèves (Figure 18, image de gauche) et de l’intégration dans les dossiers beauté (Figure 18, image de droite). Les pubs alimentaires se situent plutôt du coté des pages “cuisine”, les pubs cosmétiques près des dossiers beauté mais les jeux graphiques, de couleurs ne sont pas évidents.
Figure 18
Autour de 2005, les rapprochements sont visibles. Chez Elle, on remarque dans cet exemple, côté à côte un article sur les maillots de bain et une publicité pour le même produit, un article de mode ethnique face à une pub adoptant le même style, un article “régime” face à une publicité pour produit minceur, le même phénomène est reconnaissable chez Marie-Claire (figure 19).
Figure 19
Cette chronologie comparée nous montre que la publicité a toujours été présente dans le magazine féminin mais que sa place évolue au fil du temps. Spatialement, la publicité gagne du terrain et occupe l’espace différemment en passant des extrémités au cœur du magazine. La publicité s’empare de la pleine page, l’ encart passe d’une forme identifiable, cadrée et délimitée à une intégration complète au contenu éditorial. Le graphisme et les rapprochements thématiques renforcent, dans une période récente, le lien entre les deux.
Glissement entre les deux types de publications
Pour se rendre compte de la manière dont les glissements s’opèrent, attachons nous à une forme précise que l’on suivra au fil du temps. Comme nous l’avons repéré plus tôt, la pleine page semble être un enjeu de taille.
La Une
Comme usage de la pleine page, prenons la Une, et ce chez Marie-Claire , elle est d’abord composée par un gros plan de visage et du titre (figure 20, images de la première ligne) de 1937 à 1942 puis d’un plan légèrement plus large, en buste et du même titre, de 1942 à1944 (figure 20, images de la seconde ligne).
Figure 20
Ensuite, lors de la reparution, en 1954, Marie-Claire, n’est plus seulement un magazine féminin mais se définit comme le “magazine du couple”, ce qui explique, a priori que la Une ne soit plus occupée uniquement par un corps féminin et parfois par plusieurs personnages, à noter qu’entre 1954 et 1960,  (figure 21).
Figure 21
A partir de 1960, le corps féminin redevient le sujet privilégiée et unique de la Une, sous la forme de portrait ou de buste, on note l’apparition de titres et de sous-titres supplémentaires en Une (figure 22) annonçant les sujets abordés au cours du numéro.
Figure 22
A la toute fin des années 60 et jusque la fin des années 70, la vue s’élargit on peut voir le corps dans son ensemble et parfois dans un environnement reconnaissable (plage, rue..,  figure 23).
Figure 23
De la fin des années 70 au début des années 90, la Une laisse apparaître une vue plus resserrée sur le corps féminin, souvent en buste (figure 24). Puis jusqu’aujourd’hui, on retrouve une vue plus large où le corps est davantage en mouvement (figure 25).
Figure 24
Figure 25
La Une se caractérise par la place centrale de l’image, du corps féminin en particulier.Le texte, qui à l’origine se résumait au titre, se développe sous la forme d’accroche publicitaire,  de slogan, d’avant-goût  pour attirer la lectrice. On peut voir probablement l’influence de la forme publicitaire sur la Une.
Le dossier beauté
La pleine page est aussi le lot des dossiers beauté, il se compose d’images de grande taille, souvent de corps ou de visages en gros plan, de conseils sous la forme d’une mise en page dynamique (figure 26).
Figure 26
Sa forme est relativement stable (figure 27) et ne se modifie finalement qu’avec l’ajout de recommandations de produits, comme nous l’avons souligné plus tôt.
Figure 27
La publicité
Pour la publicité, nous avons vu que la pleine page n’est pas à l’origine l’usage courant mais qu’elle le devient, je fais l’hypothèse que cette usage vient de la volonté de se rapprocher des dossiers beauté que nous venons d’évoquer.
En 1937, la publicité pleine page, se compose d’images et de texte, mais l’image n’occupe pas encore la place majoritaire. De plus, elle est définie de manière précise, dans un cadre et ne partage pas l’espace du texte (figure 28).
Figure 28
Dans les années 60, les choses changent, l’image prend plus de place dans la page, jusqu’à devenir le fond de la publicité (figure 29).
Figure 29
De fait la taille des images de visages ou de corps féminins grandit également se rapprochant de l’usage fait en dossier beauté (figure 30).
Figure 30
Plus que la pleine page, la publicité emprunte alors l’usage de la double page au dossier beauté (figure 31)
Figure 31
Ces précisions sur les glissements dans l’usage de la pleine page nous permettent de confirmer en conséquence l’agrandissement de l’image sur la surface de la pages. Ces jeux d’échelles donnent une importance différente à la publicité mais aussi au corps féminin.
La conséquence actuelle de cette proximité visuelle entre contenu éditorial et publicité est la confusion lors de la lecture. Pas seulement parce que les formes tendent à se ressembler mais aussi parce que les images elles-mêmes, la manière de représenter le corps féminin se rapprochent. On peut probablement expliquer,en partie, cette contagion parle fait que les acteurs producteurs de ces images sont souvent employé aux différentes destinations. En effet, en s’attardant sur les crédits des photographies, on se rend compte qu’il n’est pas rare que le photographe chargé de la Une, ait réalisé également les images du dossier mode ou beauté, il peut en outre avoir été chargé d’une prise de vue publicitaire.
Pour revenir à notre exemple du numéro de Marie-Claire de mars 2010, on note que les photographies du dossier « Moins de kilos plus d’énergie » ont été réalisés par Sabine Villiard. Quelques recherches sur son site montrent qu’elle répond en effet à diverses commandes, aussi bien éditoriales que publicitaires (figure 32).
Figure 32
On peut faire l’hypothèse que cette pratique multiple s’imprègne de chaque expérience, favorisant la circulation de style, entre contenu éditorial et publicité. De plus, et c’est probablement l’explication la plus probable, les acteurs du monde publicitaire et de la presse féminine sont particulièrement proches.
Cela se comprend plus facilement si l’on reprend quelques éléments d’histoire. Marie-Claire est créé en 1937 par Marcelle Auclair et Jean Prouvost18. En 1977, L’Oréal entre dans le capital du groupe Marie-Claire et en détiendra jusque 49%. On peut alors se demander et il faudrait vérifier de manière plus précise,  si cet aspect est la cause de  l’augmentation du nombre de publicité cosmétique dans le titre remplaçant peu à peu celles pour l’électroménager…L’Oréal quittera le capital en 2001. Aujourd’hui, 42% du groupe est détenu par Hachette Filipacchi Médias, sous-groupe de Lagardère, détenant également Elle. Elle est crée par Marcelle Auclair et Hélène Lazareff, ancienne traductrice chez Marie-Claire, puis chargée de la mode pendant la guerre au Harper’s Bazaar, c’est aussi la femme de Pierre Lazareff qui dirige alors France-soir (ex Paris-Soir). Elle est aujourd’hui devenue propriété d’Hachette Filipacchi (Groupe Lagardère). A noter qu’on trouve dans l’ours de 1955, la présence de Sophie Vaillant en charge de la propagande (de la publicité), c’est également la femme de Marcel Bleustein-Blanchet, créateur de Publicis, un pionnier de l’agence publicitaire. On peut là aussi s’interroger sur la part d’influence de ce lien. Aujourd’hui, Lagardère en plus du numéro, possède la filiale Lagardere Publicité (1ère régie publicitaire Presse Magazine, 19,5% de part de marché). Il est intéressant de noter que sur le site, le lien entre publicité et presse féminine n’est absolument pas nié : on s’adresse aux deux parties en leur montrant les intérêts que chacun peut avoir à s’associer à l’autre.
Les liens paraissent plus qu’étroits entre industries cosmétiques, publicitaires et presse féminine, il est alors facile de penser que cette lecture confuse est organisée pour des raisons économiques qu’on comprend finalement assez bien.
Car en effet, on peut mesurer l’effet de la presse féminine sur les actes d’achats. Le site du groupe Marie-Claire met à disposition des annonceurs des enquêtes exécutées auprès des consommatrices-lectrices pour leur monter les bienfaits à paraître dans leurs revues (figure 33). On peut apprendre que 80% des acheteuses interrogées (test sur 492 femmes) en sortie de magasins de cosmétiques se déclaraient lectrices régulières de presse féminine haut de gamme, dont 48% sont des lectrices du groupe Marie-Claire et que la presse féminine est la « source préférée des acheteuses pour se renseigner sur les produits » d’ailleurs 83% des interrogées considèrent que la pub fait partie intégrante du magazine.
Figure 33
Aussi, ces chiffres nous permettent de confirmer l’efficacité de la presse féminine comme forme entre contenu éditorial et publicité. Pour terminer et pour essayer de tirer des conclusions de ces quelques analyses, je souhaite m’attacher à la pratique du remploi d’images. Elle et Marie-Claire ont des photothèques. La base Elle, est interne et permet un remploi des images pour les numéros à venir ou pour les numéros internationaux. Celle de Marie-Claire est commune à tous les titres du groupe mais aussi ouverte et publique.
Les images ayant illustrées l’article « Moins de kilos, plus d’énergie »( figure 34) pourront, par exemple, accompagner un tout autre contexte. La jeune fille qui mange une orange pourra accompagner aussi bien un article intitulé « Les bienfaits des vitamines sur la santé de la peau » que « La mode du printemps sera rose ». Ce qui confirme l’idée que nous développons dans le séminaire19, un peu plus chaque semaine, que l’image ne prend sens que dans un contexte.
Figure 34
On ne représente jamais une femme un peu ronde mangeant des haricots verts vapeur toute seule à sa table, le titre des articles ne disent jamais « Les haricots-vapeurs sont bons pour la ligne » tandis que la publicité ne montre jamais de cuisses cellulitiques pour vanter les mérites de sa crème. L’image montrera toujours un corps sautillant, joyeux et gai accompagné par un titre positif sur le dynamisme et la vivacité et la publicité, une cuisse jolie et lisse. L’image, le texte, et finalement le dispositif n’est pas pris pour ce qu’il représente de la réalité, mais pour ce qu’il suscite dans l’imaginaire.
L’image n’est pas illustration, car elle n’est pas suffisante ; l’illustration, dans ce contexte, est une forme globale permettant à une image de faire sens pour celui qui la regarde, tout en jouant sur l’idée que le dispositif n’a pas d’impact dans la lecture de l’image. La presse féminine, en proposant une proximité visuelle entre publicité et contenu éditorial participe à gommer les dispositifs au profit d’une impression de lecture par l’image. La lectrice pense qu’elle ne voit que de belles images, alors qu’elle regarde et feuillette un dispositif, et si l’image ne peut soutenir à elle seule le récit, le dispositif lui est efficace.

  1. GUNTHERT André, “La pub n’est pas à côté du journal”, L’Atelier des icônes, 29 mai 2010, http://culturevisuelle.org/icones/777 []
  2. Selon l’étude “Chiffres clés 2009″, site du Groupe Marie-Claire, http://www.gmcfactory.com/ []
  3. Selon l’étude “Chiffres clés 2010″, site du Groupe Marie-Claire, http://www.gmcfactory.com/ []
  4. Pages 64 et 65, Étude « Chiffres clés de la presse », Direction du développement des médias, Bureau du régime économique de la presse et des aides publiques, département des statistiques, 2007, http://www.ddm.gouv.fr/. Autour de 262 millions selon l’Observatoire de la presse en 2007, la différence s’explique par les titres inclus ou non dans l’étude : http://observatoire.ojd.com/ []
  5. Pages 65, Étude « Chiffres clés de la presse », Direction du développement des médias, Bureau du régime économique de la presse et des aides publiques, département des statistiques, 2007, http://www.ddm.gouv.fr/ []
  6. Boyer Valérie, “Proposition de loi relative aux images corporelles retouchées”, Site de l’Assemblée nationale, septembre 2009, http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1908.asp []
  7. Résultat de comptage. []
  8. Page 65, Étude « Chiffres clés de la presse », id. []
  9. Résultat obtenu en comptant le nombre de pleines pages de publicité par rapport au nombre total de page. []
  10. Je vous renvoie, à ce sujet, à l’article que nous avons écrit avec Audrey Leblanc : GEERS Alexie, LEBLANC Audrey, Manipuler l’image de presse ?, Culture visuelle, 21 mai 2010, http://culturevisuelle.org/apparences/2010/05/21/manipuler-limage-de-presse/ []
  11. Marie-Claire appartient au Groupe Marie-Claire, Elle à Hachette Filipacchi Medis, du groupe Lagardère active []
  12. Marie-Claire est né en 1937 et Elle en 1945 []
  13. Le contenu éditorial est conçu par la rédaction du magazine, ce sont les articles, les dossiers « beauté », les pages de mode, les carnets de tendances, les interviews, les articles vie pratique, déco, cuisine, santé, culture… []
  14. La publicité quant à elle est faite par des publicitaires répondant à des commandes émises par le fabricant, qui achètent des espaces de diffusion aux rédactions []
  15. et avec un creux en 1981 que je n’explique pas encore []
  16. on passe de 26% de pleines pages de pub en 1965 à 47% en 1970 []
  17. Normalement ces “citations produits” ne sont pas rémunérées, il ne s’agit pas de publicités au sens habituel. Ce sont des conseils donnés par les rédactrices []
  18. Propriétaire de Paris-Soir depuis 1930 dans lequel il a développé une méthode a priori efficace : gros titres, photos spectaculaires, recrutement de journalistes, tel que Pierre Lazareff… []
  19. Mythes, Images, Monstres, séminaire d’André Gunthert, Ehess, lhivic 2009-2010 []
 http://culturevisuelle.org/apparences/2010/11/03/338/

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