Christian Delarue
"Technicité de classe" : La dialectique du savoir et du mouvement.
La vérité est révolutionnaire lorsque la vérité est appropriée par le peuple-classe. Car cette appropriation n’est pas naturelle ou spontanée bien au contraire. Les intellectuels engagés du côté des dominés ont un rôle essentiel qu’il importe de reconnaitre surtout par temps de médias serviles : dégager techniquement et faire apparaitre les divers mécanismes de prédation, montrer qu’environ les 4/5 de la population de chaque pays subissent des pertes qui profitent directement à la classe dominante, montrer que d’autres solutions, d’autres financements sont possibles ; voilà, entre autres choses, un travail qui est assurément nécessaire. Les engagements de ces intellectuels étaient modérés en 1993, nettement plus conséquent en 2003 et 2007 mais encore beaucoup plus en 2010. Les réunions publiques dans les principales villes de France ont largement fait avancer la vérité sur cette question. Cela a permis une appropriation de masse. Et ce n’est pas fini. Comme en 2003, c’est vers la fin du mouvement que les découvertes deviennent généralisées et que l’esprit critique se fait plus consistant.
Cet engagement intellectuel à étage (du plus scientifique au plus vulgarisé) correspond aussi à une montée du travail de sape du néolibéralisme sur les retraites comme dans d’autres domaines. Plus ce travail de sape était fort et plus il devait aussi être masqué par ce que l’on pourrait appeler de la "technicité de classe". Une contre-expertise s’est donc collectivisée peu à peu pour dévoiler les enjeux et faire en sorte que le peuple-classe puisse se déterminer. ATTAC (son Conseil Scientifique et ses militants), la Fondation Copernic, les équipes syndicales et politiques en sont les vecteurs.
Un autre facteur a joué : Les deux années de crises 2007 à 2009 ont permis de mettre en évidence l’impéritie du système néolibéral de retraite tel que préconisé par la Banque mondial depuis 1994 sous le nom de "trois piliers" (1) et approuvé encore en juillet au niveau européen (2). Ce système est à concevoir de façon dynamique dans le sens du phagocytage du pilier répartition par le pilier capitalisation. Avec les libéralisations en cours dans le monde sous injonction de l’OMC et en Europe avec l’application de la Stratégie de Lisbonne de 2000 à 2010 (3).
Ce qui peut encore avoir de l’influence pour peu que les syndicats le diffusent c’est l’exemple bolivien. Il n’est pas trop tard pour y penser. Vous trouverez des liens utiles sur : Retraites : Vive le peuple-classe bolivien !
1) Retraites : le peuple-classe supporte la "socialisation des pertes".
La capitalisation enrichie les riches et ruine les autres, grosso modo le peuple-classe. En effet dans quasiment tous les pays ou elle est mise en oeuvre ce sont des résultat déficitaires qui sont affichés. Les fonds de pension ne supporte pas la crise. C’est ce que développe le livre Retraite , l’heure de vérité par ATTAC & Fondation Copernic et ce dès les premières pages. J’y renvoie car ces développements ne servent qu’à l’appui de ce constat. Le panorama des pensions face à la crise confirme la dynamique de privatisation des profits et de socialisation des pertes. Ce point est également développé dans l’ouvrage précité. "Quand les marchés financiers se portent bien, on n’a jamais vu les fonds de pension proposer généreusement de partager leurs avoirs avec le reste de la collectivité ; par contre, quand ces marchés s’effondrent, c’est au contribuable moyen (c’est à dire, pour l’essentiel, au salarié moyen) de mettre la main à la poche et de sauver les spéculateurs. Cela sans même prendre en compte l’aléa moral, en espérant qu’une telle mesure (renflouer les comptes de retraite des fonds de pension à l’aide de de l’argent public) sera prise au prochain incident, chacun est incité à investir dans des produits plus risqués. Verser des retraites publiques pour indemniser les personnes qui ont été paupérisées du fait de la capitalisation, n’est pas reconnaitre la faillite de cette dernière, contrainte de recourir à sa concurrente en désespoir de cause ? Si c’est pour aboutie à çà à quoi bon les grands mots ronflants sur les fonds de pension miraculeux, autant passer tout de suite par la bonne vieille retraite par répartition. Au moins avec elle, la volatilité n’est pas au rendez-vous, c’est transparent, on sait d’où vient l’argent et où il va. La crise a donc infligé un cinglant démenti à ceux qui promettaient monts et merveilles capitalistes. (p 30).
2) Retraites "notionnelles" : le revenu différé contre le revenu socialisé.
Le Sénat dans "Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois" se félicite bien à tort que la Suède ait abandonné le mode de gestion par annuités au profit des comptes individuels notionnels . Il est écrit que : "La réforme de 1998 emprunte simplement certains mécanismes financiers au mode de fonctionnement des régimes par capitalisation, sans remettre en cause le fondement solidaire du premier pilier de l’assurance vieillesse". C’est faux car le système de compte individuel notionnel fait basculer le système des retraites d’une logique de socialisation et de répartition dans une logique de patrimonalisation qui correspond en fait au système différé qui a pour slogan "I wont my money back". Le salaire différé n’est pas le salaire socialisé car avec ce dernier des individus ont des droits sans avoir personnellement contribué en proportion. Le salaire socialisé est bien redistributif des richesses ce que n’est pas le salaire différé ou chacun récupère sa mise à proportion et pas au-delà.
Pour une explication plus technique contre celle du COR et de Thomas Picketty lire le texte de Jean-Marie Harribey paru dans Politis accessible sur le web en pdf : Retraites : Non au système par point et par compte notionnel.
Révolution 2010 ici et ailleurs :
1) Le rapport de la Banque mondiale a proposé en 1994 de développer « trois piliers » pour la retraite : un système public obligatoire minimal, ayant pour principal objectif de réduire la pauvreté des personnes âgées ; un système d’épargne obligatoire, géré de façon privée ; l’épargne volontaire et individuelle, qui constituerait l’essentiel du système.
2) La Commission Européenne a repris ce modèle des "trois piliers" avec la logique néolibérale qui en constitue la trame. Pour son rapporteur Arnaud Robinet 5 objectifs sont recherchés . Le plus important et celui qui est source de la plus grande conflictualité sociale est le dernier : développer la capitalisation.
1. Assurer l’équilibre économique du système de retraites ; 2. Rechercher des ressources ou prendre des mesures d’économies nouvelles ; 3. Organiser un pilotage continu du système ; 4. Instituer des dispositifs correcteurs relevants de la solidarité ; 5. Développer les régimes par capitalisation, surtout dans les pays du Nord.
NB : En France il y a aussi depuis longtemps "trois piliers" mais ce qui importe est ailleurs . Le pilier "répartition obligatoire et de masse" est longtemps resté le pilier central . "Les trois piliers du régime des retraites" (doc cgt) tels qu’ils se présentent en France http://www.cgt.fr/spip.php ?page=article_dossier2&id_article=36895
URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/La-crise-a-mis-en-evidence-la-verite-sur-les-retraites.html
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