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13/12/2009

Le Pôle emploi débordé par la marée de chômeurs

L'actualité ne plaide pas en faveur des conditions de travail au Pôle emploi. Les tentatives de suicide de salariés se sont succédé, ces derniers temps, faisant craindre un France Télécom bis. La raison que personne ne met en doute : la surcharge de travail et les stress et mal-être inhérents. « Le plus difficile, c'est d'avoir la sensation de ne plus y arriver, d'être débordé et incapable d'apporter la bonne réponse au demandeur d'emploi qui la formule. On nous parle de chiffres et on oublie l'humain, essence même de ce travail qu'on dit encore aimer. » Ce cri du coeur venait d'un conseiller, lors de la manifestation du 20 octobre dernier.

Le travail d'agent a changé au moment où le chômage a atteint des records. Pour tenter d'appréhender ces modifications qui peuvent conduire jusqu'à la dépression, le site Pôle emploi de Bordeaux - Mériadeck - Saint-Bruno nous a ouvert ses portes, avec l'envie de communiquer, de ne rien cacher.

90 « clients » par agent

Ici travaillent 58 agents qui ont pour particularité d'être des femmes à 90 %. 14 sont issus de l'indemnisation (ex -Assédic) et 44 du placement (ex-ANPE). Il va falloir s'adapter à ce nouveau langage qu'a imposé la fusion des deux organismes, officialisée le 17 décembre 2008. De même, on ne dit plus agence mais site. Celui qui nous concerne en compte deux : Mériadeck Préfecture et Saint-Bruno, distants de 400 mètres. Tout est acté pour que, début 2011, la Tour 2000 rénovée sur deux étages accueille un site mixte. Dernière précision sémantique, certainement la plus douloureuse : le terme d'usager est banni au profit de client.

À Mériadeck on est spécialisé depuis des années dans le commerce et la grande distribution pour tout le bassin d'emploi du Grand Bordeaux. Cette année, les agents, qui passent une partie de leur temps à démarcher dans les entreprises, ont permis d'atteindre le nombre de 6 500 offres (+ 10 % par rapport à 2008). « Un cas atypique puisqu'on en est à - 11 % pour l'Aquitaine et - 22 % pour la France », s'empresse de signaler le jeune directeur, Daniel Dartigolles.

Pour ce qui concerne les demandeurs d'emploi de catégorie A (ceux qui n'ont jamais travaillé), le site en recense 4 500, 6 700 toutes catégories (avec contrats aidés), soit une hausse de 17,4 %. « Chaque conseiller a un portefeuille de 90 demandeurs d'emploi mais, encore une fois, nous sommes en dessous de la moyenne qui est plutôt de 120. C'est beaucoup trop. Au moment de la fusion, le nombre raisonnable avait été estimé à 60. Et celui-ci n'est tenu que pour les conventions de reclassement personnalisé des licenciés économiques grâce au renfort de 50 collègues en Aquitaine », admet Daniel Dartigolles.

Heures supplémentaires

Pour répondre aux retards, le directeur a dû demander aux agents de l'indemnisation de faire des heures supplémentaires. Le suivi mensuel est assuré physiquement le premier mois, au téléphone le suivant. Enfin, il est fait appel à des prestataires et des partenaires comme Cap emploi (handicapés) ou les missions locales (jeunes) pour tenter d'endiguer ce trop- plein.

Cette année, les 200 recrutements en Aquitaine de CDD et CDI ne sont pas parvenus à soulager totalement la surcharge de travail. Le meilleur indicateur de cet état de fait se trouve dans l'arrière-boutique, à la plate-forme téléphonique du 39 49. C'est dans ce local que 25 CDD reçoivent, de 9 à 12 heures et de 14 heures à 15 h 30, tous les appels concernant les inscriptions, l'assurance-chômage et les paiements. Mardi, la plate-forme a reçu très exactement 8 839 appels. C'est généralement plus chargé le lundi. En cette matinée, 356 des appelants sont en attente d'une réponse. « Il est clair que nous manquons de ressources. Nos clients disent que ça ne marche pas, ce qui est faux. Mais il nous faut plus de moyens pour que cela marche mieux. D'autant que nous avons des charges sur d'autres activités », explique la responsable du 39 49, Fabienne Acosta.

Direction l'indemnisation. C'est ici que cela chauffe le plus avec les clients, car il s'agit de sous. Cela ne loupe pas. Un homme, excédé, hausse le ton alors qu'on lui demande le remboursement d'un paiement indu. « On a l'habitude, il ne faut pas paniquer. Cela fait cinq ans que je suis à l'accueil après une formation qui a duré trois jours. J'ai vingt ans d'ANPE derrière moi et j'ai dû m'adapter au langage comptable de l'Assédic. J'étais volontaire car je me suis dit qu'en sachant tout faire, on risque moins de se faire licencier », raconte sans plaisanter Yannick qui en a vu d'autres quand il était métallo ou dans la restauration. Cadre, Marie-Françoise, elle, compte les dossiers du matin concernant les fins de droits qui vont passer en régime solidarité et les intermittents du spectacle. Elle en dénombre 23.

Un peu plus loin, dans un bureau isolé, se trouve Yann, de la mission locale. Avec une augmentation de 40 % de visites au dernier trimestre, il a de quoi déprimer. Mais les 18 CIE (contrat initiative emploi) qu'il vient d'obtenir avec le Pôle emploi lui mettent du baume au coeur.

Pas démobilisés

Dans la salle voisine, Laurence, infirmière employeur, attend d'être reçue pour son entretien personnalisé. Préinscrite sur Internet (pole-emploi.fr), elle a obtenu un rendez-vous dans les cinq jours. « La réponse paraît humaine. On n'est pas un simple numéro », dit-elle. Avec les problèmes actuels, l'empathie est de mise entre demandeurs d'emploi et agents du Pôle emploi. Les temps sont durs.

52 % des agents ont répondu au questionnaire sur les risques psychosociaux. « C'est un pourcentage important. Contrairement à France Télécom, nous gardons une mission de service public. Les agents ne sont pas démobilisés mais fatigués. Ils savent qu'ils ne vendent pas des aspirateurs. C'est ça qui tient les troupes », assure Daniel Dartigolles. Mais jusqu'à quand ? À court terme se profile l'instauration du guichet unique. Cette fois, le même professionnel fera les inscriptions et s'occupera de l'indemnisation et du PPAE (projet personnalisé d'accès à l'emploi). Plus simple pour le client mais bien plus compliqué pour l'agent.

Question subsidiaire : l'interlocuteur unique divisera-t-il les effectifs par trois alors qu'un statut semi-privé est avancé ?

jacky sanudo

http://www.sudouest.com/accueil/actualite/economie/article/804750/mil/5479531.html

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