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16/12/2009

Israël a fait de tous ses citoyens des colons

Amira Hass

Les colons qui se sont opposés aux inspecteurs de l’Administration civile cette semaine vivraient-ils dans les territoires si les gouvernements d’Israël ne les avaient installés et encouragés ? Les évacués de Gush Katif (Gaza) auraient-ils déménagé dans des mobil-homes à Ariel (Cisjordanie), en attendant des maisons en dur, spacieuses, si le gouvernement leur avait clairement signifié que c’était interdit – parce que les colonies allaient être évacuées dans un avenir proche pour un accord de paix – et que les indemnités pour les évacuations ne seraient pas versées à quiconque s’en irait en Cisjordanie ?

Les colons qui s’affrontent aux forces de l’ordre ne savent-ils pas que ceux qui ont commis des crimes – des menaces racistes et blocages de routes aux ventes en gros d’arbres abattus, incendies criminels, tabassages et assassinats de Palestiniens – n’ont pas subi d’enquête ou qu’ils ont été pardonnés et oubliés, en un clin d’œil ? Le sentiment de trahison que ressentent les colons est naturel. L’État et ses institutions ne nous ont-ils pas appris que le colon était supérieur à tous les autres ?

Oui. Le colon, en fait, c’est chacun d’entre nous. Les ordres de gel ne changeront rien à ce qui existe aujourd’hui : un État élitaire pour les juifs et un sous-espace pour les Palestiniens – tronqué, coupé en morceaux, asphyxié. De nos jours, dans les esprits la distinction entre l’État d’Israël et les colonies est artificielle. Il en va ainsi de la distinction entre le mal et le bien, entre la violence et le respect de la loi, entre les résidents de l’avant-poste colonial Migron, ceux du bloc de colonies Etzion et des territoires annexés à Jérusalem, et ceux qui vivent à l’ouest de la barrière de séparation.

Ceux qui louent les ordres de gel le font en pensant aux relations avec les États-Unis. Les inférieurs et les occupés n’en tiennent pas compte dans leurs calculs. Et en effet, la terre qui leur a été volée à Beit Jala (au profit de Gilo) est la même que celle de Qalqilya que la colonie Alfei Menash convoitait et convoite encore. La légitimité des blocs de colonies n’existe que dans le consensus israélien. En réalité, ce sont ces blocs et Ma’aleh Adumim qui détruisent les chances d’une paix juste, parce qu’eux et les routes qui leur sont réservées ont jeté les bases d’une entité politique palestinienne paralysée.

Il y beaucoup d’ingratitude dans l’assaut des médias contre les colons qui ont monté des barricades avec des hommes armés pour sauver une réalité dont beaucoup d’Israéliens bénéficient et qu’ils acceptent comme naturelle. Si les gouvernements d’Israël s’étaient souciés de maîtriser à temps le Golem qu’ils ont créé, ils n’auraient pas cyniquement exploité les accords d’Oslo pour accélérer les constructions et attirer de plus en plus d’Israéliens avec des avantages pour les colons.

L’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin aurait évacué les colons d’Hébron et de Kiryat Arba après le massacre perpétré par Baruch Goldstein au Tombeau des Patriarches/la Mosquée d’Ibrahimi. Son gouvernement et les gouvernements qui ont suivi n’auraient pas étranglé Bethléhem avec leurs tunnels routiers et la colonie « modérée » d’Efrat qui serpente et se tord le long des collines. Ils auraient préparé l’opinion à un scénario dans lequel tous les colons seraient rentrés chez eux et ils leur auraient présenté leurs excuses pour les avoir attirés dans ces transgressions.

Néanmoins, en 1993, nous avons raté une occasion unique de promouvoir une entité dont l’objectif n’aurait pas été l’expansion territoriale aux dépens d’un autre peuple – peuple qui s’attendait à des concessions très douloureuses pour son indépendance et la paix. Nous avons manqué une occasion de chasser l’acte de dépossession des chromosomes institutionnels et mentaux de notre État. Il n’est pas étonnant que les colons prétendent qu’il n’y aucune différence entre le kibboutz Baram et la colonie Psagot, entre Givat Shaul (Jérusalem-Ouest) et la colonie Alon Moreh.

C’est précisément dans l’ombre des négociations diplomatiques qu’Israël a choisi une politique de colonisation accélérée en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est. Il y expulse les habitants palestiniens de leurs maisons par diverses méthodes.

En faisant ainsi, Israël tire une ligne droite entre Kiryat Shmona et la colonie Beit El, entre Tel-Aviv et la colonie Givat Ze’ev. Israël a fait de nous tous, des colons.

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article12422

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