A cette question, il existe une réponse "officielle", celle qui reprend les recommendations traditionnelles du CDC d'Atlanta (Centers for disease Control, USA). Et qui liste ainsi les populations prioritaires : femmes enceintes, enfants de 6 mois à 2 ans, personnes en contact avec les nourissons, personnels de santé. Or, une étude menée par le mathématicien Jan Medlock de Clemson University et Alison Galvani de Yale University School of Medicine montre qu'il ne s'agit pas de la stratégie optimale, dès lors que le manque de vaccins conduit à choisir des groupes privilégiés parmi la population.
Leur étude (voir aussi ici) concerne la population des Etats-Unis, est fondée sur les exemples de 1918 et 1957 en termes de propagation et de mortalités, mais est probablement utilisable dans la plupart des pays industrialisés et ubanisés. Elle a cherché à déterminer la stratégie optimale de vaccination en poursuivant plusieurs buts simultanés (limiter la propagation de l'épidémie, protéger les populations à risques, limiter les coûts). On la trouve aussi ici sous la forme d'une communication.
Or, le résultat des modélisations présente un écart certain avec la stratégie aujourd'hui consensuelle, puisqu'il propose de vacciner en priorité... les enfants scolarisés et leurs parents (en général âgés de 30 à 39 ans). Autrement dit, la meilleure stratégie vaccinale n'est pas de viser en priorité les personnes qui sont le plus susceptibles de subir des graves conséquences de la grippe, mais celles qui sont le plus susceptibles de la transmettre.
Il y a donc une divergence entre un point de vue exclusivement éthique (protéger en priorité les faibles) et un point de vue rationnel, fondée sur l'efficacité globale de la stratégie vaccinale. Ainsi, aux Etats-Unis en 2007, les enfants scolarisés massivement (entre 5 et 19 ans) n'ont été vaccinés qu'à 20% contre 63% des personnes âgées contre la grippe saisonnière. Or, c'est cette population jeune, directement et via leurs parents, eux-aussi peu vaccinés, qui constitue le vecteur principal de l'épidémie. C'est là qu'il faut l'attaquer en priorité... et non en protégeant à l'avance de groupes plus fragiles mais moins susceptibles de la propager, expliquent les deux auteurs de l'étude. Si le CDC a pris en compte le fait que la grippe A H1N1 semble moins grave pour les personnes âgées et donc ne recommande pas leur vaccination en priorité (un "progrès" notent les deux scientifiques), la stratégie qu'il recommande n'est pas "optimale" pour autant, selon leurs calculs.
Ce résultat prend d'autant plus d'importance qu'il est évident que la production de vaccins ne peut permettre de traiter l'ensemble de la population. Les difficultés de la production de celui contre la grippe A H1N1 rencontrés par les industriels ne font qu'amplifier le problème. Si aujourd'hui, cette grippe n'a fait que moins de 2000 morts dans le monde - au point d'être qualifiée de "grippette" par le professeur Bernard Debré - elle se caractérise en revance par sa propagation rapide. Un trait qui renforce l'argumentaire des deux scientifiques.
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