La terre tremble toujours sous les pieds de la planète capitaliste. A L’Aquila , petite cité des Abruzzes ravagée par un séisme meurtrier en avril dernier, où Sylvio Berlusconi a choisi de convoquer le G8, le parallélle avec l’état de l’économie mondiale touchée par une récession historique tient presque de l’évidence. D’autant que les mesures envisagées en faveur des victimes du cataclysme apparaissent pour le moins aussi laborieuses et inefficaces (lire ci contre) que celles qui sont envisagées aujourd’hui par les puissants de ce monde pour atténuer les souffrances des centaines de millions de terriens frappés de plein fouet par la crise.
Selon la ligne défendue par leurs ministres des Finances, à l’occasion d’une réunion préparant ce sommet, les chefs d’Etat des « huit » (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Russie, Japon) devraient se vouloir rassurants, forts, disent-ils, des premiers signes de « stabilisation » de l’économie mondiale. Depuis « le camp de base » du sommet, les sherpas des différents chefs d’Etat invoquent « le rebond des bourses » de ces dernières semaines, ou encore « une certaine amélioration de l’activité et de la confiance des consommateurs ». Ces « signes » viendraient prouver la justesse des orientations choisies ces derniers mois par les uns ou les autres et singulièrement le bienfondé des plans dits de relance adoptés en Europe, aux Etats-Unis ou encore au Japon. Ils seraient, jurent-ils, annonciateurs d’une reprise sur laquelle ils restent toutefois plutôt prudents, refusant d’en préciser et l’échéance (2010, 2011, plus tard…) et le caractère (poussif, soutenu…)
Ce flou traduit d’abord la gêne qui entoure les évaluations des dispositions adoptées au plus haut depuis un an, comme des mesures « anticrises » avancées par les G 20 de Washington en novembre 2008 puis de Londres le 4 avril dernier. Les milliards dépensés pour sauver les banques ou stimuler l’activité n’ont eu que peu d’effets jusqu’alors. Pis les terribles mécanismes qui ont conduit au crash financier ne semblent toujours pas avoir été surmontées. On les voit même resurgir aujourd’hui avec ce regain de spéculation sur le pétrole et les matières premières.
La refondation du capitalisme, chère à Nicolas Sarkozy, implique un effort public gigantesque destiné d’abord à renflouer les marchés financiers. Mais il n’est toujours pas question de répondre aux besoins des peuples. Toute hausse des dépenses en faveur des salaires, de la recherche, de la formation, des services publics est considérée comme… « inflationiste ». Et donc bannie puisqu’elle risquerait de venir rogner sur le rendement net des titres financiers. Quant à la libéralisation des échanges elle est toujours présentée comme la panacée du développement. Sylvio Berlusconi a ainsi demandé que le G 8 s’entende pour une concusion d’ici à 2010 du cycle de négociation entamé à Doha par l’Organisation Mondiale du commerce (OMC).
De nouvelles fuites en avant libérales sont ainsi mises ouvertement à l’ordre du jour. Seulement ces démarches continuent d’assécher la demande globale. D’où l’enfoncement programmé dans les difficultés. Les recettes des huit apparaissent ainsi incapables de répondre aux défis qui se font ,jour partout pour sécuriser l’emploi, favoriser le crédit « utile » aux entreprises, mettre fin aux terribles déséquilibres que nourrit la domination du dollar, accompagner les indispensables restructurations industrielles - en lien avec les enjeux de modernisation des sociétés et de protection du climat. Elles contrecarrent aussi la promotion de politiques de co-développement, permettant de faire sortir effectivement le Sud de la misère et de la faim. Si ces défis deviennent tellement prégnants qu’ils s’imposent dans le débat public international le G 8 n’entend au mieux y répondre que dans la posture des envolées lyriques garanties sans lendemains, celles du joueur de pipeau. D’où un déficit de légitimité de plus en plus patent. C’est l’ONU qui est le forum le plus approprié pour traiter d’une crise à la dimension planétaire à laquelle les pays les plus pauvres payent le plus lourd tribut, soulignait à New - York le président de l’Assemblée générale des Nations Unies, le nicaragueyen, Miguel d’Escoto en inaugurant le 24 juin dernier une conférence consacrée précisément à la débâcle financière et à ses conséquences pour le développement.
Les pistes avancées lors de ce G 192 divergent très fortement des rafistolages au prix fort des marchés financiers pratiqués par les grandes puissances. Dans l’enceinte de l’Assemblée onusienne a été très sérieusement et longuement débattue l’urgence de déployer comme jamais des services publics afin de maîtriser des « bien publics mondiaux », cruciaux aujourd’hui pour l’avenir de l’humanité comme le climat, l’eau, l’énergie, ou l’éducation… Le manque de crédibilité du G 8 est devenu tellement patent qu’en son sein même on reconnaît qu’il serait désormais « totalement inappropriée » (Angela Merkel). Des aménagements auxquels a souscrit notamment Nicolas Sarkozy sont tentés pour sauver l’essentiel de la réunion au sommet en élargissant son périmétre. Programmé pour demain la réunion d’un G 14 associant, les « huit » + l’Union Européenne, à 5 grands pays émergents (Chine , Inde, Brésil , Mexique et Afrique du Sud), doit ainsi déboucher, pour la première fois, non plus sur une simple invitation à venir bavarder à la table des riches mais sur la mise au point d’un communiqué commun avec les grands pays émergents.
A cette occasion la question d’un remplacement progresssif du dollar comme monnaie de réserve internationale, très fortement abordée lors de la conférence de l’ONU à New - York, pourrait bien resurgir en dépit des obstructions de Washington et de Tokyo. La délégation chnoise a souligné qu’elle avait bien l’intention de mettre le sujet à l’ordre du jour. Car Pékin qui est le détenteur des plus grosses réserves de la planète en dollar s’inquiète de plus en plus d’une prévisible dégringolade du billet vert.
L'Humanité - 08.07.09
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