Le débat sur le chiffre optimal qui doit être accolé au fameux « G » (dont le sens s’est perdu dans la nuit des temps, à moins que ce ne soit « G » pour Grande puissance) n’a plus lieu de se poursuivre. Les Américains et les Chinois viennent en effet de le trancher en annonçant la tenue d’un « G 2», les 27 et 28 juillet prochain à Washington.
Selon la belle formule du communiqué du Trésor américain, « cette rencontre mettra l’accent sur les défis et les occasions qui se présentent aux deux pays en ce qui concerne un grand choix de questions d’intérêt économique et stratégique, immédiates ou à long terme, qu’elles soient bilatérales, régionales ou mondiales ». Bref, Hillary Clinton et Tim Geithner d’un côté, Wang Qishan, le vice-Premier ministre chinois, et Dai Bingguo, le conseiller d’Etat qui a représenté au pied levé le président Chinois lors du dernier G8 de l’Aquila de l’autre, sembleraient ne pas manquer de sujets de conversation à l’occasion de ce sommet. En réalité, plus qu’une simple suite au vaste « dialogue économique et stratégique » qui avait été engagé sous l’administration précédente, cette nouvelle session apparaît comme une tentative précipitée, dans l’urgence et sous la pression des problèmes rencontrés de part et d’autre, de résoudre les questions économiques et financières bilatérales les plus immédiates. Mais les limites de cette approche ont toutes les chances d’être rapidement rencontrées, car on pourrait décrire ce couple comme celui d’un aveugle soutenant un paralytique, si l’on considère la situation réelle des deux pays. Car si on parle moins de la Chine que des Etats-Unis, celle-ci n’est parvenu à compenser l’effondrement de son commerce extérieur qu’au prix d’une politique de crédit à tout va qui se révèle déjà fortement inflationniste, car les banques, contrairement à celles des pays occidentaux, ne gardent pas pour elles les fonds mis à leur disposition par la banque centrale Chinoise. Les déséquilibres sociaux que le développement économique Chinois n’a pas gommé, et qu’il a même accentué, ne sont plus masqués la croissance, et cela représente un grand danger pour le régime qui ne le sous-estime pas.
La tournée internationale qu’effectue en ce moment Timothy Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor, n’est donc qu’un prélude à cette rencontre primordiale. Il lui faut s’assurer que les investisseurs saoudiens et des Emirats, d’excellents clients, vont bien continuer à acheter des T-bonds américains, en leur promettant en échange un retour rapide de la croissance et des affaires, afin qu’ils reprennent leurs investissements massifs dans l’économie américaine. Car le problème est toujours le même dans cette économie mondiale déséquilibrée, que faire des excédents, dans ce cas pétroliers ? Pour mettre toutes les chances de son côté, Tim Geithner a bien insisté, à propos de l’intervention de l’Etat dans l’économie, sur le fait que « les actions exceptionnelles que nous avons entrepris pour régler la crise sont temporaires et seront reconsidérées dès lors que la crise s’estompera définitivement ». Quelques apartés discrets sur le soutien sur le marché des futures (à terme) du cours du baril de brent n’ont certainement pas été non plus superflus.
Auparavant, il avait tenu un tout autre discours lors de son étape de Londres. « Il reste des défis et des risques importants à surmonter », avait-il déclaré après avoir rencontré Gordon Brown, le premier ministre. Avant de mettre au point entre « cousins » (comme on dit dans le renseignement) les préparatifs du prochain G20 des 24 et 25 septembre prochains, à Pittsburgh, qui sera donc précédé d’un G20 des ministres des finances et des banquiers centraux, les 4 et 5 septembre, à Londres. Les représentants des deux grandes places financières mondiales ont tant d’intérêts communs à défendre qu’il vaut mieux parler dans cette enceinte devenue capitale d’une seule voix, d’autant que les problèmes se bousculent. Il va falloir à la fois gérer une conjoncture toujours aussi détestable, si ce n’est plus, et des débats sur la future régulation économique partis dans tous le sens, qui donnent lieu à une forte contre-offensive de “l’industrie financière”. Tim Geithner a par ailleurs joué un numéro d’équilibriste, considérant toujours que les Européens ne participaient pas assez à la relance économique mondiale, mais estimant prématuré (sans en rejeter catégoriquement l’éventualité) un second plan de relance américain, alors que les effets du premier se font attendre et que les appels à la patience se multiplient aux Etats-Unis. Peut-être n’avait-il pas, à ce moment là, accaparé par le compte rendu des discussions que mènent son administration avec les dirigeants de CIT, en très fâcheuse posture, pris connaissance de l’analyse de Paul MacCulley, directeur de PIMCO, publiée dans sa lettre d’information. Ce dernier, faisant référence à la fameuse « trappe à liquidité » de Keynes, dans laquelle les Etats-Unis pourraient, dit-il, se trouver, se demande par quels moyens la Fed envisage d’en tirer le pays. Critiquant ainsi implicitement les mesures jusqu’à maintenant prises par l’administration américaine, pour être de même nature que celles que les Japonais, dans la même situation, avaient alors pris sans résultat. Pour ensuite se traîner pendant plus d’une décennie avec une croissance anémique. Le fameux hélicoptère de Ben Bernanke n’a pas jusqu’à maintenant, il est vrai, produit les miracles attendus.
Mais, que l’on se tourne vers les Etats-Unis ou vers la Chine, il n’y a pas de politique de rechange de disponible, de nouvelle recette qui pourrait être utilisée et qui produirait à court terme les effets salvateurs espérés. Ni pour relancer la croissance grâce à la consommation, vu la crise sociale qui continue de se développer, dans le premier cas, ni pour développer par autre coup de baguette, dans le second, le marché intérieur. Dans les deux cas, paradoxe de cette comparaison entre pays si dissemblables, le même problème sans solution se pose : quel socle économique trouver et donner à la consommation, facteur primordial de la croissance ? Aux Etats-Unis, les chiffres de juin de la consommation, qui viennent d’être publiés, sont sans ambiguïté, la consommation ne repart pas. Comment pourrait-il en être autrement dans la situation de chômage et de baisse des salaires actuels, alors que ceux qui peuvent épargner le font dans l’attente de ce qui pourrait suivre de pire ?
Dans les deux pays, l’imagination n’est pas au pouvoir, ni l’audace, c’est pourquoi il n’est pas envisagé d’autre issue que résultant d’une entente entre comparses, afin de poursuivre ce qui a été interrompu par la crise. C’est un peu court et aussi vain que l’espoir que les Européens mettent dans la relance américaine. Tout s’enchaîne, mais pas dans le bon sens.
Blog de Paul Jorion - 14.07.09
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