La coordination des intermittents et précaires d’Ile de France a depuis 5 ans développé une lutte et des formes de savoir collectif dont d’autres mouvements peuvent sans doute tirer des enseignements.
Comme tant de mobilisations, la leur a commencé par le refus d’une réforme, celle de l’Unedic qui, en juin 2003, réduisait les droits aux prestations chômage de ceux qui sont employés de manière discontinue dans le secteur de la "culture" (spectacle vivant, audiovisuel,...).
C’est parce que nos luttes sont proches que ce combat nous interpelle. Comme à l’université, ces emplois contribuent à des productions diverses. Les perspectives de vie pour ces travailleurs le sont tout autant (un dégradé de situations qui va de ceux qui s’en tirent bien à ceux qui cherchent simplement des contrats ; de ceux qui « s’accomplissent » dans leur travail, à ceux qui essaient de gagner leur croûte).
Comme souvent à l’université, pour la plupart de ces travailleurs le temps de travail excède le temps d’emploi comptabilisé (l’allocation chômage est alors à la fois une reconnaissance de leur disponibilité et de ce temps de travail hors emploi) ; ils n’ont pas de locaux de travail assignés, et/ou travaillent dans divers lieux disséminés sur un territoire plus ou moins vaste, ce qui constitue une contrainte dont est tributaire l’organisation d’un collectif de lutte.
Nous avons à contrer le même type d’attaque : celle de l’évaluation comme préalable à disposer des moyens de faire son travail et des moyens de survivre, de s’éduquer ou de se soigner. En effet n’est-ce pas au nom d’une logique d’évaluation comptable que le régime d’assurance-chômage dont dépendent les intermittents a été et continue à être « réformé ». Cela ne vous rappelle rien ? Les hôpitaux, le RMI, les travailleurs de centres d’appel... l’Université ? Evalués !
On cherche à imposer partout la violente abstraction d’une rationalité de gestion qui instaure la concurrence comme principe organisateur de tous les aspects de la vie. Il faudrait se soumettre à des audits pour avoir la « certification », il faudrait savoir convaincre sur la base de "projets" en concurrence avec d’autres pour obtenir un financement, il faudrait signer des contrats et prouver sa mobilisation sans faille en acceptant des emplois précaires, sous payés, inutiles et/ou nuisibles, sous peine de se faire supprimer les moyens de subsistance...
Comme l’ont fait les intermittents et précaires en lutte, le mouvement en cours à l’université s’appuie sur les formes de coopérations déjà existantes dans le travail (les labos à cheval sur plusieurs universités, par exemple) et cherche à intervenir au-delà des lieux auxquels ses salariés comme ses "usagers" sont assignés ; les interventions dans l’espace publique (manifestations, cours publics) restent encore peu offensives.
C’est sans doute en conjuguant deux formes d’action, l’institution de collectivités de lutte dans les établissements et l’irruption dans l’espace public, que le conflit en cours pourrait prendre la consistance nécessaire.
Il y a tant de lieux de pouvoir à occuper, tant de fluxs indispensables à la société de concurrence à perturber. Les actions de lutte disposent potentiellement des conditions objectives pour devenir imprévisibles, et, par là, moins facilement gérables par le pouvoir. Encore faut-il s’en saisir subjectivement, et pour cela fabriquer un point de vue adapté.
Quant l’assurance-chômage finance le travail de nombreux chercheurs non rétribués, lorsque les logiques d’évaluation nous mettent en concurrence et font de chaque service et de chacun une entreprise, cette proposition de rencontre vise à mettre en évidence des points de singularité depuis nos situations respectives et à fabriquer du commun.
La lutte ne peut faire l’économie d’une analyse critique de ce à quoi elle s’oppose. Nous avons à mettre en évidence les enjeux concrets sous-tendus par telle ou telle réforme, (Unedic ou LRU, enseignants chercheurs et RSA,) pour en saisir la portée générale afin d’être en mesure d’agir efficacement et en profondeur.
Souvent condamnés à travailler pour rien, c’est pour quelque chose que nous luttons.
cip-idf.org - 16.03.09
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