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17/03/2009

OPA sur l'analyse médicale : vers une nouvelle bulle financière ?

17 mars 2009 11:41, Les mots ont un sens, par Napakatbra

L'article 20 autorisant la privatisation totale des laboratoires d'analyse médicale a été supprimé de la loi Bachelot. Est-ce à dire que le rachat des labos par les spéculateurs est interdit ? Que nenni, les financiers viennent d'inventer une nouvelle spécialité... la biologie financière.
Privatisation des laboratoires d'analyse médicale

En novembre dernier, nous pointions du doigt une dérive de la législation française destinée à autoriser les privatisations des laboratoires d'analyse médicale. Suite à la mobilisation massive des syndicats et des laborantins, les députés ont rapidement enterré l'article 20 de la loi Bachelot dite "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST). Fin de l'histoire ? Pas vraiment... car la créativité des spéculateurs financiers n'a pas de limite, ou si peu...

OPA sur l'analyse médicale

Le 27 octobre 2008, Duke Street, un fonds d'investissement britannique doté de 2 milliards d'euros, a racheté 75% du capital de Biomnis (ex-Laboratoire Marcel Mérieux), leader dans le secteur de la biologie spécialisée qui réalise une grande partie des analyses pointues des petits laboratoires de France et de Navarre. Bercy aurait alors avalisé l'opération, selon Les Echos.

Pasteur-Cerba, principal concurrent de Biomnis, est la propriété d'Industri Kapital depuis 2006 après avoir été cédé par Astorg Partners, deux sociétés européennes de capital-risque. Unilabs, réseau suisse de laboratoires d'analyse médicale présent en France, est contrôlé par le Fonds Commun de Placement à Risque (FCPR) APAX Partners depuis 2006. Etc.

La santé en portefeuille

Les professionnels de l'investissement ne s'y trompent pas. Dans les pages de présentation de son portefeuille, Astorg présentait Pasteur Cerba comme "une société leader sur un marché protégé par des barrières à l'entrée importantes, limitant la pression sur les marges (... avec) un fort potentiel de croissance externe, dans un marché très fragmenté (... et ) un allègement probable des contraintes réglementaires sur la nature de l'actionnariat". En clair, on met les prix qu'on veut, vu la faiblesse de la concurrence, on rachète autant de petits laboratoires indépendants qu'on veut, et une fois que la législation aura changé, on sera les rois du pétrole.

Cuisine de biologie financière
Laboratoires d'analyse médicale

Officiellement, les laboratoires d'analyse médicale dépendent toujours de la loi du 1er juillet 1975 (*), qui n'autorise pas qu'un non-biologiste détienne plus du quart du capital d'un laboratoire. Mais dans la pratique, de subtils montages capitalistiques restent possibles. Même contrôlé par des capitaux privés, un laboratoire étranger inscrit à l'ordre des pharmaciens peut racheter un laboratoire français. Ajoutez à celà la dissociabilité des actions donnant droit de vote et usufruit, saupoudrez d'une pincée de titres convertibles dans le cas d'une éventuelle modification de la loi, et vous obtenez une succulente soupe de biologie financière qui vous sera servie brûlante par le ministère (trois étoiles) de l'économie. Service compris.

La santé aux enchères, pour pas cher...

Ces ouvertures de capital visent, selon la terminologie adéquate, à moderniser la profession, améliorer la qualité des analyses et en faire baisser les coûts. En bref, tout ce qu'apporte généralement une privatisation... On en voit d'ailleurs déjà poindre les effets depuis le rachat de Biomnis : augmentation de 20% pour le dosage des anticorps "anti-heparine-PF4", de 50% pour une analyse "PCR herpes", de 100% pour le "PCR Cytomegalovirus", 150% pour le dosage des anticorps "anti-gliadine", et de plus de 200% pour le dosage des "chaines légères kappa ou lambda" et des anticorps "anti-endomysium"... des petites bestioles aux noms barbares derrière lesquelles se cachent des maladies plus connues sous le nom d'herpès, cancer du sang, de la moelle, intolérance au gluten...

L'intersyndicale des biologistes dénonce des "montages juridiques permettant de détourner la législation française". Elle insiste aussi sur le fait que pour certains groupes impliqués dans ces types de rachat, "les actionnaires ne sont même pas identifiables". Pour fonctionner correctement, les biologistes affirment que les laboratoires d'analyse médicale doivent conserver une taille humaine et une totale indépendance. Sans quoi la logique spéculative risque de prendre le pas sur l'intérêt sanitaire... A votre PEA, prêts, investissez !

Un site a été créé à l'occasion de l'examen de la loi HPST à l'Assemblée Nationale par l'Intersyndicale des Biologistes : http://www.lasanteauxencheres.fr. Si le projet a été retoqué, le problème n'est pas pour autant réglé.

(*) : Le capital des laboratoires d'analyse médicale est essentiellement régi par la loi du 1 juillet 1975, la loi de décembre 1990 instituant les sociétés d'exercice libéral (SEL), la loi MURCEF (article 5-1) de 2001 élargissant l'actionnariat majoritaire des SEL aux sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), la loi Dutreil 2 (article 45) de 2005 et la loi de modernisation de l'économie (article 60) de 2008 autorisant les SPFPL à acquérir la majorité du capital.

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