Martine Bulard
« Pour la première fois de l’histoire, plus d’un milliard de personnes se coucheront tous les soirs le ventre vide. » De façon inattendue, ce constat accablant est établi par M. Robert B. Zoellick, président de la Banque mondiale. Lequel précise que l’Objectif du millénaire pour le développement — éradiquer la faim d’ici à 2015 — « ne sera pas atteint (1) ». Après un net recul au cours de la dernière décennie, la pauvreté et la malnutrition sont reparties à la hausse depuis 2008. Pour la seule année 2010, les experts de la Banque mondiale prévoient que soixante-quatre millions de personnes supplémentaires (l’équivalent de la population française) auront été plongées dans la marmite de l’extrême pauvreté.
Ainsi revoit-on des images que l’on croyait à jamais renvoyées au grenier des (mauvais) souvenirs, comme les émeutes de la faim au Mozambique, les 1er et 2 septembre dernier. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) en est réduite à un bilan en forme d’euphémisme : « La sécurité alimentaire reste un problème pressant dans beaucoup de pays en développement (2). »
Des facteurs naturels accentuent ces déséquilibres. La mousson violente en Inde et les inondations au Pakistan ont dévasté les récoltes de riz et de thé, dont les cours ont grimpé de plus d’un tiers en quelques mois. Des incendies ont anéanti des champs de blé en Russie, réduisant les moissons et empêchant l’ensemencement — ce qui aura des conséquences lors de la prochaine saison.
Mais l’actuelle flambée doit peu à la nature et beaucoup à la spéculation. Les matières premières sont devenues le nouveau terrain de jeu des organismes de placement, qui disposent d’énormes liquidités offertes gratuitement (ou presque) par les banques centrales. Après avoir tablé sur l’immobilier, les apprentis sorciers de la finance se tournent vers les produits de base (les métaux non ferreux) et les matières agricoles.
Ainsi, à la mi-septembre, un des célèbres hedge funds (fonds spéculatifs) de Londres, Armajaro, a acheté l’équivalent du quart du stock européen de cacao. Quelques jours plus tard, le cours de la tonne pulvérisait tous ses records. Ce phénomène touche également le blé, le riz, le soja…
Des dirigeants européens s’en sont émus. Certains sont allés jusqu’à évoquer le besoin d’une régulation. On avait déjà cette petite musique lors de la crise des subprime, et rien n’a changé. Les conséquences sont d’autant plus graves pour les pays en développement que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale les ont poussés à se tourner vers les marchés extérieurs et à abandonner les cultures locales. Du bout de la plume, la Cnuced reconnaît désormais qu’« une stratégie de croissance durable exige une plus grande attention à la demande intérieure » et lance un appel à « revoir le paradigme du développement tiré par l’exportation ». Mieux vaut tard que jamais. Dommage qu’on en reste aux incantations, qui peuvent nourrir les illusions mais certainement pas la planète.
Ainsi revoit-on des images que l’on croyait à jamais renvoyées au grenier des (mauvais) souvenirs, comme les émeutes de la faim au Mozambique, les 1er et 2 septembre dernier. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) en est réduite à un bilan en forme d’euphémisme : « La sécurité alimentaire reste un problème pressant dans beaucoup de pays en développement (2). »
Des facteurs naturels accentuent ces déséquilibres. La mousson violente en Inde et les inondations au Pakistan ont dévasté les récoltes de riz et de thé, dont les cours ont grimpé de plus d’un tiers en quelques mois. Des incendies ont anéanti des champs de blé en Russie, réduisant les moissons et empêchant l’ensemencement — ce qui aura des conséquences lors de la prochaine saison.
Mais l’actuelle flambée doit peu à la nature et beaucoup à la spéculation. Les matières premières sont devenues le nouveau terrain de jeu des organismes de placement, qui disposent d’énormes liquidités offertes gratuitement (ou presque) par les banques centrales. Après avoir tablé sur l’immobilier, les apprentis sorciers de la finance se tournent vers les produits de base (les métaux non ferreux) et les matières agricoles.
Ainsi, à la mi-septembre, un des célèbres hedge funds (fonds spéculatifs) de Londres, Armajaro, a acheté l’équivalent du quart du stock européen de cacao. Quelques jours plus tard, le cours de la tonne pulvérisait tous ses records. Ce phénomène touche également le blé, le riz, le soja…
Des dirigeants européens s’en sont émus. Certains sont allés jusqu’à évoquer le besoin d’une régulation. On avait déjà cette petite musique lors de la crise des subprime, et rien n’a changé. Les conséquences sont d’autant plus graves pour les pays en développement que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale les ont poussés à se tourner vers les marchés extérieurs et à abandonner les cultures locales. Du bout de la plume, la Cnuced reconnaît désormais qu’« une stratégie de croissance durable exige une plus grande attention à la demande intérieure » et lance un appel à « revoir le paradigme du développement tiré par l’exportation ». Mieux vaut tard que jamais. Dommage qu’on en reste aux incantations, qui peuvent nourrir les illusions mais certainement pas la planète.
(1) Robert B. Zoellick, « C’est la croissance qui éradiquera la pauvreté », LeMonde.fr, 16 septembre 2010.
(2) Cette citation comme la suivante sont extraites de « Trade and development report 2010 », Genève, 14 septembre 2010.
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