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10/06/2010

Le populisme culturel contre l’Esthétique et contre l’Homme…

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

« Populiser » la culture sous prétexte de la populariser, c’est refuser de la Démocratiser, c’est la « démographiser » c’est-à-dire massifier la platitude pour mieux traiter le peuple en moins que rien, en le réduisant en cohue compulsive de consommation. C’est réduire la création à un amas d’ « œuvres » sans souci de leur véritable valeur esthétique, immédiatement absorbables par le déferlement des pulsions, le défoulement populacier qu’elles provoquent chez la foule rendue et maintenue foule c’est-à-dire vulgaire et inculte selon le cynisme mesquin des maîtres de l’institution sociale.

Si l’on me demande qu’est-ce que le populisme culturel ? Je répondrai que c’est, d’une part, la mise à contribution idéologique des activités de cognition et de fiction par l’establishment social pour se soumettre la société. D’autre part, c’est le sacrifice, si nécessaire au marché, de la valeur esthétique et transcendantale, devenue secondaire des œuvres de création et de fiction, au profit de leur marchandisation immédiate que déterminent les goûts de foule. C’est l’ajustement, pour ne pas dire la prostitution du génie artistique aux misérabilismes des talents mercantiles du pseudo-artiste sous pression et à la solde du producteur uniquement marchand qui cesse d’être esthète ou mécène. La trop fréquente pseudo-esthétique, esthétique au rabais de l’œuvre d’ « art populaire » hautement technologisé comme pour compenser la substance manquante de l’intelligence et la créativité lacunaire en notre temps de populisme idéologique, amenuise de l’art, la mission d’élévation autant des sentiments que de l’entendement. L’œuvre, dans sa triple vocation extatico-esthétique, communicationnelle et commerciale, se voit comme désarticulée, subvertie en son essence pour le règne exclusif du pécuniaire, désesthétisée dans l’insignifiance agressante d’une culture du branché, culture de mode via les injonctions médiatiques manipulatrices des passions de masse, génératrices des compulsions émotionnelles par stimulation des réflexes conditionnés selon un snobisme socio-médiatique. Cela caractérise aussi l’obsession du best-seller qui hante indécemment la production artistique d’aujourd’hui et la profusion de prix déversés à certains saltimbanques pseudo artistiques à qui la presse donne une immense part de l’espace culturel. « Les arts d’assouvissement ou anti-arts » dont parlait Malraux, ont désormais le quasi monopole de la visibilité médiatique et de l’enrichissement matériel de ses représentants ! Ah ! Je pignoche avec répugnance devant ces plats d’une éthique sociale masquée de culture, comparable à cet autre vaste festin de criminalité où les peccadilles sont criées sur les toits alors qu’on honore et libère les chacals de la maltraitance économico-politique planétaire. La culture, dans ces conditions, prise en otage par les hits et le clinquant (bling bling) artistique, se télévise, se multimédiatise à l’excès, éclipsant toute autre création, singeant la beauté pour assouvir les cohues, tout en gonflant les comptes bancaires des boîtes de production du loisir.

Et pourtant, même en les rendant cossus, si les culturalistes officiels des médias s’y mettaient, la culture aurait pu aider la société à être meilleure et à accomplir le destin humano-citoyen des individus et celui socio-planétaire des nations ! Le destin, au stade social, est détermination humaine collective du mode de société projeté et désiré pour le bonheur de tous comme accomplissement de la vie commune, partout où ce bonheur temporel des humains dépend de l’action humaine et des structures sociales déterminant les conditions d’existence.

Culture et Élitisation de la weltanschauung populaire.

Tout ce qui ramène au ventre et au bas ventre sous prétexte de culture, est prétexte grivois de l’idéologie pour exciter et faire assouvir les pulsions du peuple, lui créant des idoles et sex symbols afin de le détourner du vrai questionnement réflexif sur sa condition dans l’État et la société.

Le paradoxe culturel de la société d’aujourd’hui est que tout populiste qu’elle soit, elle ne cesse d’être élitiste c’est-à-dire ostraciste dans la gestion de l’accès à la vraie culture. Quand les grandes œuvres culturelles de l’humanité se tiennent dans les salles et halls dont le peuple sait qu’ils ne sont pas les leurs et que de vastes stades, enclaves et parcs populaires programment les faiseurs de hits, d’ailleurs à des coûts non moins élevés, je dis que l’entretien de l’ignorance est fignolé de hautes mains. Car la presse, par son influence sur les peuples devrait se transformer en palestre de l’édification globale des citoyens.

La culture est, par essence, de vocation élitaire quoique non élitiste. Cela signifie que la culture en tant qu’ensemble des œuvres cognitives et fictives d’une société, doit élever le peuple en le rendant plus intelligent et plus raffiné, plus humain et plus citoyen selon une communication publique humanisante, rebelle à tout esclavagisme de classe, tout privilège de caste assujettissant le grand nombre. Quand démocratisation se confond à la démographisation, la culture comme le grand nombre sont sacrifiés au gain, réduits à la médiocrité de la statistique obsédante. Et c’est une pernicieuse manœuvre des maîtres rétrogrades de la société que de régurgiter au peuple les pires stupidités sous prétexte de création qu’ils promeuvent pour rendre les masses plus médiocres et les maintenir asservies. L’art, les œuvres intellectuelles, les œuvres de fiction sont, quand ils gardent leur promesse originaire, générateurs de paradigmes collectifs au peuple. D’où, lorsqu’on gave un peuple de conneries à longueur d’année à la télévision et dans d’autres médias, il est finalement abruti et reste dans le niveau primitif du réflexe par manque de balises pour la réflexivité.

Profondeur et Hauteur, la Culture, prise dans son sens de mise en route du génie humain authentique, est adhésion entière au dépassement. Elle s’enracine et s’ancre dans le roc de la vocation spirituelle de la nature humaine. Ainsi, cet en-deçà ne trahit ni n’altère les au-delà qu’elle chérit dans sa propulsion de la véritable sensibilité créatrice. Conspuant les faux envols de mouche où les ombres de la civilisation barbare d’aujourd’hui volent en rase-mottes sur les puanteurs du charnel psychologique et les horreurs du fascisme économique des ploutocrates avec leurs clivages sociaux, la culture bien assumée, en tant qu’expression des grandeurs de la nature humaine, rend à l’homme, l’Éclat authentique de l’Entendement …

Pour la création-fiction, ce paramètre important de la culture, disons que l’art vrai est transcendance qui nous ravit aux confins de nous-mêmes, au-delà de nos finitudes immédiates sans déferlement du défoulement médiocre qu’apporte la presse people qui, aujourd’hui, transforme certains médias en agents déshumanisants pour le malheur des majorités consommatrices. Car si la presse, surtout la télévision, voulait élever le peuple, ce qu’elle peut, elle se mettrait à orienter les consciences par une ambiance culturelle dans un sens mélioratif des mentalités et comportements pour éduquer le peuple plutôt que le porter aux bas assouvissements qu’on y voit. C’est par une presse d’élévation de la faculté populaire d’apprécier le beau et le bon, tout en rejetant le mauvais dans les mythes fondateurs et universaux culturels plutôt que de les bourrer de tintamarres assouvissants, que les peuples s’amélioreront. Les majorités consommatrices du soi disant « art » populaire, non éduquées, se retrouvent grugées et égrugées dans l’ostracisme du beau non immédiatement vendable, interdites d’ascension esthétique, privées cruellement, sans le savoir, de la splendeur cachée en nous que révèle la véritable création artistique. Car l’art, après la foi, est un des chenaux de manifestation de la beauté subjective par delà la réification enlaidissante des hommes. Hommes perdus, occis dans leur humanité effacée à travers les servitudes et laideurs de la contingence sociale abjectement essentialisée dans la nécessité politico-économique liberticide au service des tyrans héroïsés que sont nos élites et gouvernements, criminels d’État autorisés.

L’abysse de la vacuité mercantile se pare de fausse fiction et de création factice pour assouvir les foules ! Et de là, toute intellection de la vérité de la culture populaire contemporaine aboutit à une sémiologie de l’absence où dansent les ombres gesticulantes qu’on nous laisse croire humaines, signe lugubre de l’ultime déchéance d’une civilisation !

Gusdorf disait admirablement que « le but ultime de la culture est l’amélioration de l’homme par l’homme », nous acquiesçons bien cette perception, nous qui saisissons la culture comme tremplin de l’humanité au-dessus de l’animalité !

La culture n’a de sens que si elle propulse la personne humaine et toute la société dans l’élévation rationnelle et émotionnelle ; intellectuelle et sensible qui, tout en s’enracinant dans l’homme physique avec ses sens, sa corporéité, domine la grisaille des contingences par sa nécessité d’humanisation qui transcende l’animal en nous. La culture rend le soi attrayant parce qu’il lui enlève les laideurs de l’égoïsme et du narcissisme qui le font agressif. Car la subjectalité (assumation de l’homme en Sujet maître de soi) bien assumée, fait rayonner le génie du Sujet humain. Et si cela paraît paradoxal, je dis que tout ce qu’un homme fait, il le fait d’abord pour lui en Sujet Souverain. L’amour, loi paroxystique du partage qui noie l’égoïsme sous ses flots de débordement vers l’autre, est un sentiment subjectif, relevant sensiblement du sujet humain, que je désigne aussi comme subjectal, impliquant existentiellement l’être humain comme Sujet maître de soi qui s’exprime et s’extériorise, que l’amoureux manifeste par estime passionnée de soi-même qui se transporte vers cet autrui qu’il trouve apte à vivre avec lui, l’intensité de son feu. D’où, qui ne s’aime pas, ne peut ni ne sait aimer quiconque d’autre. C’est donc la nature du Sujet avec ses subjectivités qu’il faut humaniser, spiritualiser, purifier pour le rendre subjectal et libre…Et la vraie culture, lorsque la société est cultivée loin des déculturations grossières du populisme, lui donne la subjectalité intelligente, armée pour ravager la condition objectale qu’une société réifiante impose à tout le reste de ses membres au profit de quelques-uns.

À quand le temps de la Société-Sujet, du Peuple-Sujet par la culture véritable contre les sujétions systémiques !

La culture est l’humanisation qui se déploie et empreint tout en la fécondant, la nature humaine, étant lieu d’expression de l’esprit. D’où la culture est perfectible et doit se purifier des monstruosités dont l’esprit humain, à la fois hypostase métaphysique et porteur de l’entendement, est souvent coupable ! Là, il faut souligner que seule la culture corrige et améliore la culture, expurge l’homme et le social des délires et agressivités du faux dépassement.

Culture, forme par excellence du paradoxe de l’empirico-transcendantal qui, tout en procédant des vilenies et misères de notre réalité comme présence au monde, parce que dimension immanente à l’univers humain, comporte, en même temps, cette formidable transcendance purifiante qui nous mène à la grandeur ! Grandeur et gloire par la conscience supérieure et le vrai dépassement qu’elle fait sourdre sur la ruine de nos envers !

http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4562

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