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10/06/2010

Contre la rection institutionnelle du droit au savoir ! - Gnoséologie et épistémologie

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

Une vive discussion que j’ai récemment eue avec une connaissance m’a amené à préciser ce qui suit dans la brève intervention que voici : il n’y a pas de dépassement intellectuel dans le seul fait d’avoir compilé une somme d’informations quelque impressionnantes soient-elles dans un domaine de connaissance. Cela est de l’expertise ou de l’érudition. L’érudition (ou l’expertise qui est une érudition ciblée dans un domaine donné), peut aider à étoffer la connaissance vulgaire que le grand public a de son champ d’expertise, elle peut contribuer à des démarches ultérieures d’analyse et de pensée qui sont, elles, éminemment intellectuelles en tant qu’elles soulignent le niveau de compréhension de tel étant du réel ou de telle situation de la réalité.

Pour bien établir ce que je veux démontrer, il me faut brièvement m’attarder sur les termes : d’érudit, d’analyste et de penseur.

1) L’Érudit

L’érudit est celui qui a amassé par La scolarité, l’expérience, la lecture ou la recherche voire le tourisme, une somme d’informations générales sur un ou divers sujets. Son principal actif dans le compte de la connaissance est de pouvoir vivement informer à son tour ceux qui n’ont pas eu la chance et le privilège de ses recherches, ses lectures, ses voyages... Un spécialiste ou expert se situe déjà généralement au-delà de l’érudit puisqu’il est censé analyser les problèmes relevant de son champ précis de spécialisation où il est expert. L’on comprend donc qu’il soit critiquable que certains soi disant professeurs sans analyse et sans pensée, n’apportant que la somme érudite de leurs « connaissances » et la transmission des méthodes qu’on leur a eux-mêmes transmises, dénigrent ceux qui osent penser en brandissant leur parchemin, leur parcours scolaire leur titre universitaire comme des épouvantails pour désarçonner l’esprit et freiner toute souveraineté intellectuelle par de bêtes appels à l’autorité, de plats dénigrements du travail intellectuel authentique de ceux qui osent aller au-delà des sentiers battus.

Le monde peut facilement se passer de l’érudit et de plusieurs sortes d’experts qui n’apportent rien d’enrichissant à ce qui est déjà connu, classé comme informations accessibles dans les livres et documents ou à ce qui existe dans le monde et que n’importe qui peut connaître par un peu de voyage et de recherche et d’expérimentation à l’heure du foisonnement des banques de données. Le mérite de l’expert et de l’érudit, est strictement celui du relayeur répétiteur de la culture et donc n’est même pas heuristique car il ne transmet pas même une méthode propre.

2) L’Analyste

L’analyste d’un fait ou d’une situation est de loin supérieur à l’érudit en tant qu’il met en acte l’esprit avec stratégie pour comprendre l’essence de l’étant réel ou idéel qui interpelle son intelligence. Rien de stéréotypé ne bloque son émoi, son laïus. Son attitude duelle d’avancée et de retrait devant l’étant fait « chose » de son regard d’étude, son action de décomposition et de recomposition de l’étant analysé pour mieux le comprendre et se prononcer. Il interroge les « faits » concrets ou idéels pour élaborer une critique cognitive. Il est, lui, un type d’intellectuel qui permet de mieux appréhender le monde en proposant donc un recul observateur, une discursivité, un regard qui sert de départ à d’autres regards, en se faisant disponible pour l’heuristique, la découverte. Il ne joue jamais de ses titres et saint-frusquin scolaires pour mystifier la connaissance, lui qui sait qu’en apprentissage, la voie - à la différence de l’action et de sa morale - n’a de sens ici que par l’arrivée.

3) Le Penseur

Disons-le d’emblée, la pensée comporte trois étapes naturelles qui sont la méditation, la réflexion et la cognition. Le Penseur commence comme il se doit par la méditation sur l’étant posé en objet de sa pensée dont il prend conscience par l’intuition. De cette méditation qui est interrogation préliminaire de l’objet sensible ou non, il va jusqu’à l’analyse où il réfléchit sur le sens divers de cet objet par toutes sortes de mises à la question de ce qu’il perçoit et sent. Puis, sa démarche intellectuelle se trempe dans le donné concret ou abstrait selon la nature de l’étant perçu et analysé qui le porte à non seulement décomposer et recomposer l’étant à analyser mais à oser parallèlement construire un monde de son cru suggéré par sa saisie dudit étant. Il ose la synthèse par la proclamation d’idées élaborées et opère la prédication de l’étant interrogé. Il qualifie, et en adjoignant des prédicats à l’étant étudié dont il fait apparaître sous d’autres jours le substratum, il nous donne une vision singulière quoique rationnelle ou surrationnelle du monde. Vision toujours autre et personnelle de la vérité de l’étant considéré ! Ainsi, le penseur, non seulement se met à l’école sans murs des possibles qui facilite les découvertes, mais est un imaginatif qui, au risque d’être fantasque et choquant pour plusieurs, déploie la ressource suprême de l’imagination : l’abstraction créatrice. Il démontre contextuellement la vérité de la chose ou sujet objectivé selon son solipsisme fondateur de sens. Ce n’est plus seulement le strict étant objectivé dans sa froideur inviolable qui est son domaine, il transgresse, et ses sublimes transgressions abstraites sur le concret matériel ou immatériel refont le monde par de nouvelles idées ! C’est en quelque sorte le sublime schizoïde qui se fait démiurge sans demander permission, sans se soucier des glaviots gratuits et négateurs de ses détracteurs. C’est l’esprit libre et souverain par excellence ! Et, la grossièreté scolastique ou tyrannie essentialiste des autorités et spécialistes experts en la matière même où il pense, ne l’effraie guère !

Dans un monde où les autorités-cerbères et structures institutionnelles avec leurs privilèges jouent de la stérilité tautologique du scolarisé, usent des serfs et servants prostitués intellectuels de l’ordre social dominant ; dans un monde où il y a tant d’essentialisations, de mystifications des privilèges et pouvoirs des consacrés de l’institution sociale, l’on comprend aisément les fourches caudines des dénigrements fomentés par les privilégiés les uns authentiques analystes malheureusement jaloux ou soudoyés voire vendus ; les autres, de stériles et médiocres répéteurs, tous ligués contre le penseur non systémique non institutionnel qui est toujours d’une manière ou d’une autre sur la sellette de la suspicion. Là, hélas ! C’est la bête haineuse ou envieuse du privilégié qui prend le relais du despotisme institutionnel et projette ses bas griefs contre les efforts et conquêtes de liberté et souveraineté intellectuelle. Et, comme la manipulation est facile à ceux qui ont les institutions et la presse à leur disposition, la cause des privilégiés les plus balourds peut effectivement pendant un certain temps altérer le sens des choses et ternir l’éclat de l’intellect agissant du penseur !

Découvrir, inventer, créer ou l’autodidactie comme liberté épistémique...

Pour compléter ce débat, il me faut évoquer les trois grands moments qui constituent le stade suprême du savoir : découvrir, inventer, créer. Tous trois sont des moments de liberté et de souveraineté autodidactique de l’esprit entrain de connaître.

1- La découverte

Découvrir c’est établir la factualité d’un réel caché. C’est faire accéder au statut de fait pour l’humanité ce qui était avant la découverte, celé et inconnu. C’est donc une démarche pleinement autonome du découvreur qui ajoute sa pierre aux fonds commun de la connaissance.

2-L’Invention.

Inventer relève de la manipulation scientifique et technique ou technologique de ce qui existe jusqu’à en faire un matériau pour construire, une nouvelle forme un nouvel étant que l’usage ignorait. Là encore, c’est l’esprit en souverain sans qui, sur sa route, rencontre le nouveau et le met au point par son acte des usages améliorant tout ce qui était en vogue avant lui dans son champ.

3 La Création.

Qu’on se le tienne pour dit, la création ex nihilo n’existe pas. Pas même de Dieu qui a tiré l’univers de Lui-même et non du vide ! On ne crée pas dans la vacuité de tout, dans un vacuum qui laisserait surgir quelque chose car le propre du vacuum est d’être phagocytant et écrouant par l’effacement. Créer, c’est partir du rien synthétique ou du très peu analytique généralement dans le domaine de l’abstrait (des idées ou de l’art) en conquérant d’essences et de formes, pour bousculer le néant par une présence. La création est essentiellement dans la force subjective du créateur imposant son solipsisme, son ipséité que j’aime appeler sa subjectalité en tant que l’ipséité est l’identité du sujet donc son statut et non simplement son expression que constitue la subjectivité...

Si j’insiste de la sorte, c’est parce qu’aujourd’hui n’importe quel « perroquet savant » s’octroie le titre d’intellectuel voire de penseur à l’image du monde médiatique hystérique du show business, monde parallèle et schizo-axiologique dirigé par ses propres règles adaptées au star système du jet set où n’importe quelle Madonna de fortune est idolâtrée ! J’écris ce texte parce qu’Il ne faut pas que le travail de l’esprit bascule - à l’image des « populaceries » politico-hollywoodiennes voire californiennes où tout saltimbanque est potentiellement éligible, dans un « shwarzenegerisme intellectuel » - et que le discernement gnoséologique perdu, transforme l’effort de l’esprit au gré des propagandes de ceux que Bourdieu appelle « les racistes de l’intelligence 1 » en un marché de ridicules, une foire copromane de contresens, un peu comme cette porcherie dont Jésus nous mettait en garde, où, pour les pourceaux anthropomorphes, la boue prime les perles !

1Bourdieu in le Monde Diplomatique www.monde-diplomatique.fr/20... - 17k -

http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article3704

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