À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

10/06/2010

Bilan de ma "visite" à Bilderberg...

Flore Vasseur

Depuis 1954, le Groupe Bilderberg se réunit une fois par an dans le plus grand secret. Les participants représentent la crème de la crème transatlantique des 4 pouvoirs : militaire, politique, économique, médiatique. La liste des participants des éditions précédentes a largement fuité sur Internet : des ministres, des patrons d’entreprises, de presse, les chefs des armées. On sait qui vient, qui protège la réunion des quelques activistes (les CRS locaux, mais aussi des agents, des avions de l’Otan). On ne sait pas ce qui s’y décide, ni surtout pourquoi les médias de masse n’en parlent jamais. Peu d’articles, aucun communiqué quand en France, n’importe quelle descente de sous-ministre dans une caisse d’allocation familiale est couverte par la presse nationale. Tout ce que j’ai trouvé sur Internet sur le sujet est écrit soit par des partisans des thèses conspirationnistes, soit par une poignées de journalistes freelance. La seule question que je me pose : pourquoi personne n’en parle jamais ? Pourquoi c’est secret ? Ayant écrit - fantasmé - sur le Bilderberg, j’ai eu envie d’aller voir de plus près.

La semaine dernière j’étais à Sitges, à une trentaine de kilomètres de Barcelone. En lieu et place d’une escapade en douce au soleil, j’ai tenté de me rendre à la réunion annuelle du Bilderberg, qui se tenait là du 3 au 6 juin.

Le Bilderberg serait le Grand Raout annuel des élites occidentales, un de ces rassemblements dans lequel on parle Golf, gastronomie et avenir du monde. Depuis sa création en 1954 par le prince Bernard des Pays-Bas et David Rockfeller, chaque année, en mai ou juin, le Bilderberg se réunit dans un endroit tenu secret, à huis clos, pendant trois jours.

Chefs des armées, capitaines d’industrie, membres de gouvernement, magna de la presse enchainent débats et conférences. La création de l’Europe, la hausse des prix du pétrole de 1973, la démission de Margaret Thatcher, la carrière de Bill Clinton se seraient décidé au cours de l’une de ces réunions. « Se serait » car en 55 ans, très peu de journalistes ont enquêté sur le Bilderberg. Et surtout, aucun participant n’a jamais raconté son expérience.

A minima, le Bilderberg aurait servi au renforcement de l’axe transatlantique pour contrer la poussée soviétique pendant la guerre froide et à l’établissement d’un gouvernement supra national depuis. Il influencerait directement la gouvernance mondiale, en devançant de quelques semaines les G8, G20 et en infiltrant les grandes organisations internationales. Bref il court-circuiterait les démocraties. La culture du secret qui l’entoure ouvre la voie à tous les fantasmes possibles. Les partisans de la théorie du complot s’en donnent d’ailleurs à cœur joie.

Alors, quelle est son influence véritable sur les affaires de notre monde ? Et surtout, pourquoi était-ce si secret ?

Etait car pour la première fois, l’édition 2010 a été couverte par les médias nationaux espagnols, à la télévision notamment. Au moins, trois équipes de télévision et radio publiques et privées espagnoles étaient sur place pour couvrir l’événement, attestant de la mobilisation des médias espagnols.

Les médias n’ont pas pu montrer grand chose : l’hôtel DOLCE, le Palace qui accueillait l’événement, était un véritable bunker blanc. Perché sur une colline dominant la mer, protégé par un golf, des bois, des policiers et des agents en civil, la bâtisse était imprenable, même au téléobjectif. Impossible d’approcher à moins d’un kilomètre et demi, le premier cordon de sécurité, devant lequel il n’y avait d’ailleurs qu’une poignée de manifestants.
Parmi eux, des activistes piercés soutenant des banderoles et des cartons écrits à la main, un Allemand en short qui ne connaissait que deux mots d’anglais et répétait « fucking bastards of bilderberg », des Suisses qui ne croyaient pas à la version officielle du 11 septembre et sortaient des photos du Pentagone assiégé, une femme qui hurlait « Assassin » sans discontinuer. « Si eux représentent le pouvoir, et s’ils se réunissent dans le plus grand secret, c’est qu’il n’y pas plus de démocratie, c’est qu’ils sont des seigneurs et que nous sommes des esclaves. Je ne veux pas être un esclave » me lança un sociologue, « hippy activiste » comme il se définissait lui même. Tous s’étaient donnés rendez-vous sur Facebook. Leur objectif : révéler qui participerait à la réunion, grâce à un safari photo organisé de l’aéroport jusqu’au check point. Ils espéraient reconnaître les passagers. Mais tout ce qu’ils voyaient se résumait à un ballet de fourgons blindés, de camionnettes de fleuristes et de livreurs.

Une liste approximative des participants est apparue comme par enchantement sur Internet ; deux jours après l’ouverture des débats. Après que des membres de gouvernements européens, lassés par les rumeurs, aient dû démentir leur présence. Parmi les 130 invités confirmés, il y avait :
  • Jose Luis Zapatero, le Roi et la Reine d’Espagne, les présidents de la Banque Mondiale et du PNUD,
  • les patrons de Coca Cola, Shell, Siemens, Google, Novartis, les directeurs du Washington Post, des journalistes de The Economist.
  • les vieux couteaux de la Maison blanche Perle, Kissinger, Holbrooke,
  • et les grands banquiers : les présidents de Goldman Sachs, Barclays, Santander, Banesto ainsi que Lawrence Summers, conseiller économique de Obama.

De quoi ont-ils débattu ? Personne ne sait vraiment : de l’effondrement de l’Euro, de l’intervention en Iran, de l’inefficacité des institutions actuelles pour endiguer la crise, de l’avenir de l’Espagne, à deux doigt de plonger, comme la Grèce.

Les politiques semblent avoir déserté l’événement. Le secret ne serait-il plus suffisamment bien gardé ? Ou alors le Bilderberg ne servirait-il à rien ? Selon Estaban Cabal, Secrétaire Général du parti écologiste espagnol, Groupo Verde, du mouvement vert espagnol, les décisions du Bilderberg ont un impact direct sur le contenu des réunions du G20 puis du G8 qui se tiendront à la fin du mois de Juin au Canada, à un jour d’intervalle. Estaban Cabal était le seul homme politique présent parmi les quelques manifestants, dénonçant la rencontre, inconstitutionnelle selon lui, entre hommes d’Etat et du pouvoir privé.

A Sitges, il régnait une ambiance d’échec : celui des journalistes à trouver la vraie info. Celui des militants anti-bilderberg à se mobiliser. Celui du Bilderberg, qui ne semble être plus qu’une sauterie pour happy few dont la distance au monde, seule, justifierait l’existence.
On dit le Bilderberg, bras armé du leadership américain, sur le déclin. Ses membres, des « élites » occidentales uniquement, sont aujourd’hui dépassés par l’ampleur de la crise. Organisent-elles le chaos (c’est l’énième argument des anti-conspirateurs) ? J’ai eu le sentiment d’une organisation agissant SANS les populations plutôt que contre. La culture du secret entretient le fantasme mais le pouvoir, la relève sont ailleurs aujourd’hui, quelque part entre la Chine et les salles de Marchés. Le Bilderberg existe. Face à lui, il est bon de questionner la place et le rôle de la démocratie. Mais c’est un joujou pour puissants. Pour puissants has been. Et, intuitivement, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle.

J’étais venue voir les maitres du monde. J’ai eu la confirmation d’un monde de matrices, entre renoncement populaire et enfermement des élites.
Crédit photo : photo prise par l’auteur à Sitges

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bilan-de-ma-visite-a-bilderberg-76142

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