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02/03/2010

La pénibilité invisible du travail féminin

Elsa Fayner

Face à la vague de suicides chez France Télécom, et en perspective de la réforme des retraites, le débat sur la pénibilité au travail s’impose aujourd’hui.

Mais de quelles pénibilités s’agit-il ? Et les femmes sont-elles touchées par des conditions de travail spécifiques ? Gestes répétitifs, contraintes psychologiques... dans les secteurs où elles se concentrent, les contraintes restent trop souvent ignorées.

« À domicile, je fais beaucoup de manutention. Il faut lever les patients, sans aide ni matériel adapté. Une maison ne permet pas un tel équipement. Or, je suis seule et, parfois, les malades sont lourds. D’ailleurs, quand mon patient de 90 kg tombe, j’appelle les pompiers ». Christiane(1), 40 ans, est infirmière libérale depuis trois ans. Avant, elle travaillait en clinique, elle imaginait que le travail à domicile serait moins pénible. Aujourd’hui, elle accumule pourtant les cervicalgies, les douleurs lombaires et dans les épaules. « J’ai des agacements dans les jambes quand j’essaie de m’endormir. Dès que je me couche, j’ai mal partout », poursuit l’infirmière. « Je me lève tôt, je finis tard. J’ai trop de charges et pas assez d’épaules. Je dépasse mes limites physiques et psychologiques ». Les métiers exercés essentiellement par des femmes sont réputés moins fatigants physiquement. Le cas de Christiane est-il unique alors ?

En 2005, 6,9% des personnes interrogées pour l’enquête "Conditions de travail" de la Dares(2) ont déclaré un accident du travail : 4,7% des femmes, pour 8,8% des hommes. Les salariées subissent également moins souvent que les hommes certaines nuisances : bruit nocif, nuisances thermiques, travail sur outils vibrants... Est-ce à dire que les femmes sont moins exposées aux risques dans leur travail?

Pas vraiment. Les troubles musculo-squelettiques, qui constituent aujourd’hui la principale cause de maladies professionnelles, concernent principalement la gent féminine, avec 58% des cas de troubles musculo-squelettiques reconnus en maladies professionnelles en 2003.

Toutefois, les troubles les plus rapportés par les femmes sont d’un autre ordre : les pathologies psychiatriques représentent près d’un tiers des problèmes de santé au travail notifiés chez les femmes, selon le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles.

Des gestes précis et répétitifs

« Les hommes sont davantage sollicités pour des efforts brefs et intenses et les femmes pour des tâches qui nécessitent précision, rapidité, et concentration », explique Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, épidémiologiste. Même quand ils exercent le même métier, dans la même usine. Ainsi, pour le découpage de viande, les hommes découpent les carcasses à la tronçonneuse et portent plus souvent des charges, tandis que les femmes découpent plutôt les filets de poulet au couteau : près de la moitié d’entre elles effectuent des gestes répétitifs en moins d’une minute, contre un quart des hommes, relève Nicole Guignon, de la Dares, dans son article « Risques professionnels : les femmes sont-elles à l’abri ? ».

Une pénibilité physique invisible

Mais les femmes ont une autre spécialité et, là, les secteurs concernés leur sont totalement dédiés. En 2005, 86% des emplois féminins se trouvaient ainsi dans le tertiaire, majoritairement dans la santé, l’éducation et l’action sociale, mais également dans les services aux particuliers ou aux entreprises et, dans une moindre mesure, dans le commerce et les administrations.

Dans ces métiers, les tâches peuvent être physiquement pénibles car il faut porter des malades, travailler penché pour faire le ménage, transporter des caisses et des palettes dans le commerce... Pourtant, elles ne sont pas forcément considérées comme telles, car elles n’entrent pas dans la définition habituelle de la pénibilité, qui vient du monde industriel. Longtemps les tâches des infirmières n’ont par exemple pas été perçues comme risquées. Et il a fallu attendre les grèves de 1989 pour que les infirmières elles-mêmes déclarent majoritairement porter des « charges lourdes », dans les enquêtes sur les conditions de travail, comme l’a relevé le sociologue Michel Gollac. De même, les expositions à certains produits chimiques nocifs dans la coiffure, le nettoyage, la manucure, ou dans certains établissements de santé, et qui concernent majoritairement des femmes, ont jusqu’à présent été peu étudiées.

Des contraintes psychosociales fortes

En outre, dans ces métiers dits « féminins », les contraintes psychosociales sont particulièrement prégnantes. Ce sont des activités qui limitent l’autonomie dans le travail, qui nécessitent d’être en contact avec le public, souvent toute la journée, et qui contraignent à des horaires difficilement compatibles avec les obligations familiales. Enfin, ces métiers sont souvent solitaires, loin de tout collectif, et considérés comme « naturels » pour les femmes : il s’agit des métiers qui ne nécessitent, apparemment, qu’attention, gestion des émotions et empathie. D’où le manque de prise en compte du stress, de la souffrance psychologique, des difficultés qu’il peut y avoir à accompagner des personnes dépendantes à domicile par exemple. Et la quasi-absence de prévention des risques en la matière.

(1) Son prénom a été modifié à sa demande.

(2) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la Dares assure, en liaison avec l'INSEE, la production de statistiques sur le marché du travai

http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/civilisation-articles-section/34-civilisation-categorie/249-penibilite-invisible-du-travail-feminin

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