Ainsi donc, un « nouveau toilettage » du Code du Travail, serait prochainement mis en chantier. Sacrée nouvelle ! Quelques jours après un « sommet social » atone où fut listé ce qui « restait à discuter », ceux qui aujourd’hui s’émeuvent de cette information qui ferait de Darcos un maladroit lui font injure. Il n’y a guerre que François Chérèque pour dire que Darcos fait des « bourdes » en lançant l’information de la mise en chantier de réformes nouvelles sur le Code du Travail.
Xavier Darcos ne peut agir seul, quand il « lance » un chantier pour briser des pactes sociaux qui s’incarnent dans le Code du travail. C’est aussi faire injure à la détermination du Président de la République, qui a décidé de faire ce qu’il a dit. Ce qui, en définitive est très pédagogique politiquement pour l’échéance de 2012.
La politique moderne est ainsi faite qu’elle ne se satisfait plus du faire mais fait de la transgression de la parole donnée un outil de gestion, et de la Bourse le sujet principal. Ne pas faire de vagues trop tôt, respecter le timing. C’est au moment où l’autre est le plus faible qu’ils lancent la curée.
Il y a deux ans, une sévère saignée avait déjà été faite, dont les concepteurs disaient sans plaisanter qu’il faudrait des années aux néophytes pour comprendre le charcutage qui avait été opéré. Il n’est qu’à consulter aujourd’hui Legifrance, (le « service public de la diffusion du droit ») pour convenir qu’ils avaient raison : à fin février 2010, des « versions à venir » du Code du travail" patientent au starting block :« Code du travail Version en vigueur au 28 février 2010,Version à venir au 23 avril 2010,Version à venir au 24 avril 2010,Version à venir au 1 juillet 2010,Version à venir au 17 décembre 2010, Version à venir au 1 janvier 2011, Version à venir au 1 janvier 2012 »
Comme on peut le voir, leur travail de « simplification » n’aura été qu’une mystification, destinée à éloigner le citoyen de toutes règles protectrices stables. Ils avaient bien compris que le salarié qui ne pourrait s’y retrouver dans ce labyrinthe n’aurait aucune velléité de réactions. Par contre, il est vrai que leur imagination pour aider le patronat à contourner ces règles n’a pas eu de bornes. Elle assure longue vie aux officines spécialisées et font de jolies carrières aux DRH.
Aujourd’hui, leur lessive n’étant pas terminée, ils remettent l’ouvrage sur la table aux sacrifices. Ils en arrivent à vouloir effacer de la mémoire collective ce livre ouvert des luttes qu’est le Code du travail où tous les corps de métiers sont venus greffer un chapitre dans la douleur. Pour mieux boursicoter ou mieux faire de yachting, ils veulent balayer 150 ans d’histoire et de mises en mots des souffrances ouvrières.
Maîtres du jeu en 2007, que veulent ils encore en février 2010 ? Simplement ils répètent que le Code du travail n’est pas un droit « sûr », qu’il est « trop sophistiqué ». Ils ne veulent plus de règles. Ce qui veulent, c’est le champs libre à l’arbitraire. Ils veulent défaire. Et pour ce faire, ils décodent.
Emmanuel Dockès, professeur à l’université Lyon 2, Institut d’études de Travail de Lyon (voir document PDF attaché), - aujourd’hui à l’université de Paris X - avait le 4 avril 2007, sous le titre « La décodification du code du travail » fait une analyse rigoureuse et féroce de la première attaque contre le Code du Travail. Il avait placé en exergue deux mots et leur signifiant :
« Recodification » : néologisme à l’usage montant qui vise l’opération par laquelle un code est remodelé, dans le but d’aider à l’accessibilité et à l’intelligibilité de la loi. Plus précisément, l’opération entend « améliorer le plan du code », assurer « la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés » et « harmoniser l’état du droit ».
« Décodification » : néologisme plus rare, qui se définit par opposition à la « recodification ». Une décodification consiste à œuvrer en faveur de l’inaccessibilité et de l’absurdité du droit, et ce notamment en massacrant le plan d’un code, en insufflant le chaos dans la rédaction des textes ainsi éparpillés et le tout pour assurer la cacophonie du droit."
S’ensuit une lecture dantesque de la finalité de l’œuvre entreprise par le Gouvernement d’alors, qui savait ce qu’il voulait : non pas recodifier le code du travail (qui est une opération « à droit constant » où « seule l’organisation des textes change », le contenu demeurant), mais le rendre si malléable que l’application des grands lignes ne se ferait plus de façon uniforme et égalitaire, entre les branches d’activités. Ainsi s’ouvrait la porte ouverte aux régressions sociales par bonds successifs, dès lors que la solidarité globale était fêlée.
Le commentateur y parle « d’effroi » formel et s’interroge sur la présence de « prestigieuses signatures, aux talents reconnus » qui avaient accepté d’être piégées par le pouvoir, lequel, le masque tombé, s’était empressé de n’en faire qu’à sa tête.
C’est ce qui va se passer à nouveau en 2010, comme dans un jour sans fin : Darcos, comme son prédécesseur de 2007 (Larcher, récompensé par une présidence du Sénat) nomme une "commission » qui lui rendra des textes. Bis repetita placent. De la même façon, ceux pour qui une Loi s’élabore - les citoyens - seront ignorés, bafoués, ridiculisés par des écritures nouvelles qui feront d’eux des adhérents contrits des marchés à bestiaux du travail. Ou, moderne attitude, les « cars de l’emploi » de sociétés d’intérim cotées en Bourse iront démarcher devant les supers marchés leurs allégeances pour des CDD d’un mois au fond d’une autre région. Un alignement par le vide au désir gourmand du patronat, mise au chaos pour un Code du travail abîmé, devenu un Code du chômage, par un autodafé.
Nous n’avons pas fini de mesurer le mal que la présente présidence de la République aura crée quand il en aura fini de faire le ménage pour le MEDEF dont il garde les enfants parce qu’ils sont en famille.
Justement, le MEDEF en est resté en 2010 à ce qu’il disait en 2004, à ses « 44 propositions » pour "moderniser" le code du travail, dont il donnait la teneur le 4 mars 2004 (pièce attachée en PDF).
Le Code du Travail constituait pour le MEDEF « un obstacle à leur compétitivité et à la création d’emplois ». Le MEDEF donnait à lire un document impulsé par Michel Davy de Virville que Fillon avait préposé à l’essai d’une première casse du Code du travail. (C’est ce même Virville qui allait démissionner en 2008 de la présidence de l’Unedic parce qu’il avait négocié le parachute doré de 1,5 million d’euros à Denis Gautier-Sauvagnac.)
Relisons la première phrase du document. Elle résume à elle seule ce que représente le Code du Travail pour ce patronat de guerre : « Le droit du travail constitue un déterminant majeur de la localisation des investissements ». Les mots ont un sens. Le droit du travail n’est pour eux qu’une variable « d’investissements ». Les citoyens au travail, l’Homme, là dedans ? Rien. Rien d’autre que pourvoyeurs de « formalisme excessif » dont il faut gommer l’histoire . Pour le MEDEF, c’est « l’entreprise » qui prime, pour laquelle il demande à Nicolas Sarkozy de rompre « l’excessive complexité » du Code du Travail. Xavier Darcos ne dit pas autre chose, qui n’est, dans cette leçon de choses, que le petit télégraphiste zélé qui ne connait de l’entreprise que ce qu’il en a lu. Darcos n’invente rien. L’histoire qu’il raconte a été écrite ailleurs ; on lui demande seulement de passer aux articles suivants.
En écho réactualisé, vous avez entendu comme moi Laurence Parisot lors de son point presse du 16 février 2010. Une phrase résume comment elle maltraite l’intelligence des salariés : « il n’y a pas de problèmes dans les très petites entreprises » : « Je terminerai sur la question sociale avec un sujet qui n’a rien à voir avec l’emploi. Nous avons une fois de plus exprimé notre réticence, c’est un euphémisme, à tout projet de loi qui créerait des institutions représentatives du personnel dans les très petites entreprises, les entreprises de moins de 11 salariés. Nous disons simplement deux choses sur cette question. Premièrement, il n’y a pas de problème de dialogue entre les salariés et les employeurs dans les petites entreprises, ne créons pas aujourd’hui un problème là où il n’y en a pas. Deuxièmement, il n’y a pas de problème de dialogue parce que le dialogue est quotidien. » Sans rire. Vous regarderez bien : elle le dit sans rire. Bien sûr, sous cet éclairage là, pourquoi un Code du travail !
Au-delà de la dérision se dessinent les combats à venir, lourds. Celui de la défense du Code du travail sera de ceux-là, qui, s’il n’était pas fédérateur, sonnerait le glas de l’idée d’une République achevée.
Le Code du Travail, qui est né des yeux effarés d’enfants au fond des mines, c’est aussi la République. L’ouvrir, c’est nous regarder dedans.
Nous entendre l’ouvrir, c’est nous aimer encore.
"Dans la vie, pratiquement tout est précaire, mais aussi le bonheur dans le travail est précaire".... à O’59
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/code-du-travail-2010-code-du-70784
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