Scanners corporels: deux femmes voilées refoulées

Les premières victimes des dommages collatéraux entraînés par les scanners corporels sont deux femmes musulmanes, voilées, qui se sont vu refuser l’entrée dans l’avion qui devait les amener de Manchester à Islamabad, parce qu’elles ont refusé d’être scannées.

Alors qu’en France le débat sur le port du voile est porté par l’UMP, l’association de défense des droits de l’homme britannique qui se porte à leur secours, et qui milite pour le droit de tout individu à refuser d’être scanné, est proche de la droite conservatrice britannique.

Le Daily Mail rapporte que les deux femmes, qui voyageaient ensemble au départ de Manchester pour se rendre à Islamabad, avaient été sélectionnées “au hasard“, les autorités réfutant toute forme de profilage racial, ethnique ou religieux.

La première a refusé d’être déshabillée par le scanner en raison de ses croyances religieuses, la seconde arguant de “raisons médicales” (une “infection“, d’après le Times).

Les contrôleurs les ont prévenues qu’elles ne pourraient pas, dès lors, embarquer dans l’avion, mais elles ont préféré repartir avec leurs bagages, sans se plaindre, et perdre les 400£ (441€) qu’elles avaient toutes deux dépensés dans leurs billets d’avion.

15 000 personnes environ sont passées au filtre du scanner installé au terminal 2 de l’aéroport de Manchester le 5 février dernier. Ces deux femmes seraient les premières à refuser d’être scannées.

Jusqu’où les scanners nous déshabillent-ils ?

Le journaliste du Guardian invité à découvrir le scanner testé à Manchester avait été étonné de découvrir que, sur les images fantomatiques des personnes scannées, “leurs courbes et parties génitales sont étrangement visibles“.

L’un des fabricants de ce type de scanners avaient pour sa part déclaré au Bild qu’ils permettaient de voir les piercings intimes, la forme des seins et des pénis, mais que les appareils de dernière génération pouvaient déformer l’image de nos parties intimes.

Deux autres scanners Rapidscan d’une valeur de 80 000£ chacun (près de 90 000€) devraient y être déployés le mois prochain, en sus de celui testé à l’aéroport d’Heathrow. Le Times rapporte de son côté que la totalité des aéroports britanniques devraient en être équipée d’ici la fin de l’année.

Lorsqu’ils sont venus chercher les musulmanes…

Alex Deane, porte-parole de Big Brother Watch, une ONG britannique de défense des droits de l’homme et des libertés proche des conservateurs, a déclaré qu’il serait prêt à soutenir les deux femmes si elles voulaient intenter un recours en justice :

“Les personnes qui, en raison de leur foi ou de leurs problèmes de santé, refusent d’être scannées ne devraient pas y être obligées. Nous ne devrions pas à devoir sacrifier notre santé, notre foi, notre dignité ni notre droit à l’intimité pour avoir le droit de voler.”

Alex Deane fut précédemment le chef de cabinet de David Cameron, le chef de l’opposition conservatrice britannique, et avait également travaillé pour le parti libéral australien.

Dans un billet intitulé “Lorsqu’ils sont venus chercher les musulmans” faisant clairement référence au pasteur Martin Niemöller, déporté au camp de Dachau et auteur d’un célèbre poème éponyme anti-nazi (”Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes, Je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste…“), Alex Deane défend sa prise de position, qui ne lui vaut pas que des amis :

“Je ne soutiens pas ces femmes parce qu’elles sont musulmanes. Je me fiche de leur religion. Je défendrais quiconque dans cette situation.

Si la première personne à refuser d’être scannée se présentait comme un Jedi, ou d’une religion bricolée comme la Scientologie, je serais de toute façon de son côté.

Parce que je reste persuadé que personne ne devrait être obligé de passer dans ces scanners.”

A ceux qui lui rétorquent que cela en vaut quand même la peine, que cela pouvait sauver ne serait-ce qu’une seule vie, Deane répond qu’il passe beaucoup de temps à expliquer aux gens que l’on n’interdit pas pour autant la circulation automobile, qu’on ne décrète pas pour autant de couvre-feu dans nos villes, alors que cela pourrait sauver bien plus qu’une seule vie.

Pour lui, tout comme pour Bruce Schneier (voir “Scanners, terrorisme et démagogie“), interdire aux gens qui refusent d’être scannés de prendre l’avion revient à considérer que les terroristes ont gagné.

Le pape et le parti pirate sur la même longueur d’ondes

Afzal Khan, qui fut le premier maire de Manchester d’origine asiatique, estime pour sa part que la grande majorité des musulmans accepte d’être scanné et de mettre leur vie privée de côté afin de pouvoir voyager en toute sécurité.

Le Fiqh Council of North America, qui essaie d’appliquer la loi islamique aux USA et qui avait lancé, en 2008, une fatwa contre le terrorisme, estime de son côté que les scanners sont contraires aux principes de l’Islam, et propose que les scanners ne montrent pas le corps des personnes scannées, mais uniquement la présence d’objets suspects.

Sans évoquer explicitement les scanners corporels, le pape Benoît XVI avait quant à lui déclaré le mois dernier devant 1200 employés d’aéroports et représentants de l’industrie aéronautique que “même en temps de crise, l’être humain passe avant tout, à commencer par sa dignité“.

L’une des toutes premières actions publiques de protestation contre cette invasion de scanners corporels a été organisée, par le parti pirate allemand, dans les aéroports de Berlin, Francfort et Düsseldorf.

Il s’agissait d’un fleshmob avec, entre autres slogan : “soyez un bon citoyen : baissez votre pantalon“…

D’après le Daily Mail, les USA dénombreraient 40 scanners dans 19 aéroports, avec comme objectif d’en déployer 450 d’ici la fin de l’année.

Illustrations : les photos de scanners nous présentant systématiquement des personnes d’un certain âge et plutôt enrobées, j’ai préféré opter pour des détournements libertariens d’un photomontage réalisé par le Bild à partir d’un stock de photos d’une femme nue.

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2010/03/04/scanners-corporels-deux-femmes-voilees-refoulees/