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28/03/2010

"La Grèce ne demande pas une aide économique"

Les ministres des Finances de la zone euro tentent de parvenir à un accord sur un éventuel plan de soutien financier de plusieurs milliards d’euros à la Grèce. Entretien exclusif avec Yannis Panagopoulos, président de la plus importante confédération syndicale grecque, la GSEE.

La GSEE regroupe un millions de salariés du secteur privé. Au lendemain de la grève générale qui, le 11 mars, a été suivie à environ 90%, Yannis Panagopoulos analyse la situation économique et sociale de son pays et l’avenir du mouvement dans un entretien exclusif à L’Humanité.

La manifestation du 11 mars était-elle un succès ?

En ce qui concerne la grève générale, je suis très satisfait de la participation dont le taux était le plus élevé de ces dernières années dans les secteurs privé et public. La Grèce a été paralysée. La manifestation était aussi très importante même si j’aurais espéré que plus de monde encore s’y joigne au regard de la dureté des mesures prises. Selon les médias, entre 50000 et 60000 personnes ont défilé. Mais il faut prendre en compte qu’hier, tous les moyens de transport étaient en grève et les déplacements rendus plus difficiles.

Quelles catégories sociales vont être touchées par ce plan d’austérité ?

Elles seront toutes touchées, notamment les fonctionnaires et les employés des organismes publics. Les travailleurs du secteur privé sont touchés indirectement par les taxes qui vont augmenter et aussi parce que les employeurs exploitent ce climat de crise pour libéraliser plus encore les législations du marché du travail, notamment des licenciements. Enfin, le résultat de cette crise sera une augmentation du chômage.

Le résultat de la crise, ou des mesures du plan d’austérité ?

De la crise et dans la mesure où le plan d’austérité réduit les dépenses des consommateurs, des PME vont probablement fermer ; ces fermetures auront pour résultat le chômage. Or, la Grèce compte environ 900000 PME dont 80% emploient 9 personnes au plus. Dans ces petites entreprises, il n’y a pas de syndicat fort. C’est pourquoi le travail au noir, sans sécurité sociale, prédomine.

Quelles alternatives proposez-vous du côté des syndicats ?

Nous avons proposé dès le départ au gouvernement socialiste, élu avec une forte majorité, d’exercer un mixte des politiques économiques et sociales. En même temps, avec l’assainissement financier, nous lui proposons d’entreprendre des initiatives de développement et d’élargissement du revenu national, de dégager des ressources en demandant à ceux qui ont trop gagné ces dernières années de payer par l’impôt et d’investir pour le développement économique et la création d’emplois. Malheureusement, les attaques du marché ont mis le gouvernement le dos au mur. Chaque recul que le gouvernement a concédé au marché a incité les marchés à réclamer de nouvelles mesures, et donc un nouveau recul. La connaissance de l’ampleur de la dette a aggravé les problèmes financiers du pays. Mais on peut craindre que d’autres mesures encore soient prises car le problème financier ne sera pas résolu en décembre 2010 ; il faudra plus de deux ans et demi pour stabiliser la situation. Nous, nous ne pouvons pas donner plus ! Il faut que le gouvernement s’adresse à ceux qui ont de l’argent. Ça a d’ailleurs été l’essence de la grève : qu’il n’y ait pas d’injustice sociale dans ces mesures.

Quelles suites donner à ce mouvement ?

Le 18 mars aura lieu notre congrès. Pendant ces travaux, nous allons discuter de l’avenir de nos luttes. Elles ne seront pas terminées le mois prochain car de nombreuses questions restent ouvertes, comme celles du système de sécurité sociale, de la fiscalisation ou encore de la réglementation du travail précaire – une demande que nous avons formulée au gouvernement.

Pas de lendemain direct donc. Pourtant, Bruxelles doit confirmer son accord au plan d’austérité grec le 16 mars…

Non, nous n’avons rien pour demain ou le 16. Mais ces derniers mois, nous avons réalisé deux grèves générales de 24 heures, et un arrêt de travail de 3 heures. Nous allons établir une stratégie à long terme car le problème n’est pas prêt de cesser ! Nous demandons aussi à la Confédération Européenne des Syndicats d’élaborer une stratégie. Nous avons établi des contacts avec l’Europe du Sud à laquelle la Grèce doit s’adresser. La Grèce en tant que telle ne demande pas une aide économique mais à emprunter aux mêmes conditions que les autres pays européens qui ont, eux aussi, un déficit financier élevé et une dette totale publique plus grande que la dette grecque. La Grèce, à cause de la politique menée par le gouvernement précédent [de Karamalis, NDLR] n’était pas protégée. Et le gouvernement présent n’a pas la responsabilité de la situation existante mais doit résoudre la situation dans laquelle nous sommes. Ne pas résoudre le problème serait un manque de responsabilité.

Qu’attendez-vous de vos partenaires européens ?

La CES a déjà adopté une excellente résolution qui n’exprime pas la solidarité formelle aux luttes mais qui explique que la Grèce est un laboratoire pour toute l’Europe et pour l’économie internationale. En même temps, elle dénonce les politiques monétaristes que l’UE impose à ses membres et qui renforcent la crise. La CES ne peut pas décider d’une grève européenne. Avec les pays de l’Europe du Sud qui subissent aussi l’austérité et la maîtrise des finances, nous avons demandé de lancer un jour d’action pour tous les travailleurs de l’UE. Il est sûr que si le marché exerce des pressions, ces pays du Sud devront aussi prendre des mesures plus dures.

La crise grecque peut-elle se diffuser à l’Europe dans son ensemble ?

Elle s’est déjà diffusée dans toute l’Europe. Il est clair que l’UE et l’Union monétaire n’étaient pas dotées d’une architecture institutionnelle pour envisager ce type de crise. L’UE est aux mains de la BCE et des banquiers. Leur seule préoccupation est la maîtrise de l’inflation et la stabilité. Le développement économique et social des pays ne préoccupe pas du tout la BCE, ni les dirigeants de la Commission européenne. Les dirigeants de la Commission sont responsables de ce qui s’est passé en Grèce. Monsieur Barroso connaissait tout ce qui se passait depuis le gouvernement précédent et il les a couverts. Il n’a jamais demandé de prendre les mesures nécessaires.

Ne faudrait-il pas développer, du coup, un mouvement syndical européen ?

C’est vrai : il faudrait qu’un mouvement européen émerge. Mais malheureusement, chaque pays de l’UE a ses propres modes d’action et sa propre compréhension de ce qui se passe actuellement. On voit des explications très différentes de cette crise. Elles influencent les travailleurs et l’opinion publique en la mettant face aux travailleurs de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal… Par exemple, certains disent que les Grecs ne font rien ! Mais les Grecs travaillent deux heures de plus par mois que la moyenne européenne. Ils parlent de la sécurité sociale en Grèce mais les Grecs vont en retraite un an plus tard que la moyenne européenne. Connaissance cette vérité, les travailleurs doivent demander plus d’Europe, et plus de solidarité. A l’échelle de l’UE, on met en place une conception de la répartition de la richesse qui va augmenter les inégalités sociales. Ils veulent réduire les déficits de l’UE avec une réduction des coûts salariaux. Sur ce point, il faut lutter dans la période suivante.

Mais vous expliquez que les travailleurs grecs travaillent deux heures de plus par mois, qu’ils seront plus tard en retraite. …

Ils n’ont pas encore éclairci ce point : cette mesure concernera-t-elle l’âge de la retraite en général. En Grèce, nous avons un problème qui est celui de la fraude sur les cotisations sociales. Les travailleurs travaillent de longues années sans cotiser. Si nous arrivons à ce qu’ils soient assurés deux à trois ans en plus, nous pourrons faire respirer notre système de sécurité sociale. Et si nous obtenons la lutte contre le non-paiement des contributions qui s’élève à 9 milliards par an, nous n’aurons aucun problème malgré ce que disent les conservateurs.

Le recul des retraites, introduit dans le plan d’austérité, aura été voté entre-temps…

Il y a seulement une référence à l’augmentation de l’âge des retraites, mais pas de décision concrète. Nous ne savons pas quelle catégorie sera touchée.

Entretien réalisé par Fabien Perrier

http://www.humanite.fr/La-Grece-ne-demande-pas-une-aide-economique

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