Les gérants des fonds spéculatifs ont touché des sommes record en 2009, les cinq premiers gagnant chacun plus d'un milliard de dollars. La crise ne serait-elle pour eux qu'un lointain souvenir ? Etat des lieux.
Combien ont-ils empoché?
Au total, les 25 dirigeants de fonds spéculatifs les mieux payés au monde ont perçu 25,33 milliards de dollars, un record selon le classement annuel du magazine AR Absolute. La rémunération individuelle des sept premiers dépasse le milliard de dollars et le dernier de la liste a perçu 350 millions de dollars.
Le leader de ce classement est l'Américain David Tepper, du fonds Appaloosa Management, qui a perçu 4 milliards de dollars en 2009, du jamais-vu dans le secteur. Le célèbre financier américain d'origine hongroise George Soros arrive en deuxième position avec 3,3 milliards de dollars. Il est suivi par James Simmons (Renaissance Technologies) avec 2,5 milliards de dollars. L'Américain John Paulson, du fonds éponyme, qui détenait déjà le record de rémunération avec 3,7 milliards de dollars en 2007, est quatrième avec 2,4 milliards de dollars. Le cinquième est Steve Cohen de Sac Capital avec 1,4 milliard de dollars. Ce classement prend en compte la valeur de leur part dans le fonds et les émoluments reçus. L'essentiel de la rémunération étant lié aux frais de gestion et aux commissions de performance.
N'ont-il pas été touchés par la crise ?
Si. La rémunération des 25 gérants les mieux payés avait chuté de 50% en 2008. Même si les pertes du secteur ont été moins fortes que la moyenne du marché cette année là, quasiment tous les hedge funds ont été fortement endommagés. A quelques exceptions près : "Paulson par exemple, qui avait parié sur l'effondrement des valeurs des banques britanniques ayant investi dans les subprimes, est l'un des rares gérants à avoir touché un profit en 2008", rappelle Sandra Rigot, professeur d'économie à Paris X. Mais en moyenne, la valeur de leurs actifs a fondu de près de 32% en 2008 selon le Cepii, et un quart d'entre eux ont disparu.
Qu'en est-il en 2009 ? La tendance se serait renversée. Les hedge funds dans leur ensemble auraient enregistré des gains de 16,7% au cours des 10 premiers mois de 2009, selon l'institut Hedge Fund Research (HFR). Les investisseurs, qui avaient retiré 154 milliards de dollars en 2008 et 146 milliards au premier semestre 2009, ont commencé à revenir avec un apport net de 1 milliard de dollars au deuxième semestre 2009. Le rythme des liquidations a également ralenti. HFR estime que les créations de hedge funds ont surpassé les fermetures à partir du troisième trimestre 2009. Comme l'expliquait Michel Aglietta, conseiller au Cepii, "les hedge funds sont en effet capables de renaître très rapidement : ce sont des entités privées, qui peuvent se créer à peu de frais, et même sans se déclarer aux Etats-Unis."
Pour autant, "les gains records des 25 gérants les mieux payés font figure d'exception", relativise Sandra Rigod. Après tout, on compte plus de 6000 fonds spéculatifs dans le monde." La plupart des gérants ont eu du mal à afficher des gains, rapporte le New York Times. Les écarts se creusent entre les gagnants et les perdants de l'industrie.
Comment ont-il réussi à gagner autant ?
David Tepper, le champion de 2009, tripote toute la journée une statuette "porte bonheur" de testicules en cuivre, à en croire le Wall Street Journal. Mais ce n'est sans doute pas la seule clé de son succès. Il a aussi parié sur le redressement des banques et sur la dette du géant américain de l'assurance AIG, sauvé de la faillite par l'Etat en 2008. Selon Bloomberg, David Tepper a l'habitude de jeter un billet de 20 dollars par terre et de demander à ses collègues : "est-ce que vous le ramasseriez" ? Car pour lui, les meilleurs coups sont aussi évidents que de ramasser de l'argent trouvé par terre. En l'occurrence, quand la crise a éclaté, il était "évident" que le gouvernement n'allait ni nationaliser ni abandonner les grandes banques nationales. "Ceux qui gardent la tête froide quand les autres paniquent s'en sortent toujours bien", avance-t-il dans le New York Times. Ainsi, début 2009, il fait le plein d'actions bancaires bradées. Les parts de Bank of America ont grimpé de 330% entre février et septembre, celles de Citigroup de 223%. Et Appaloosa a gagné plus d'un milliard de dollars. Ces "golden boys" de la finance ont "simplement" profité des opportunités d'investissement générées par la dévalorisation de nombreux actifs, résume Sophie van Straelen, de Asterias, une société d'analyse sur les hedge funds.
Et ça va durer ?
Pour 2010, les salaires pourraient se tasser. "Les opportunités vont être rares car les marchés se sont redressés", assure Sophie van Straelen. En outre, face à la grogne populaire et au rôle supposé des fonds spéculatifs dans la crise grecque, les autorités politiques en Europe et aux Etats-Unis envisagent de réguler le secteur, notamment en obligerant ces fonds à être plus transparents. "La mise en place d'équipes ayant en charge la communication financière pèsera sur le rendement des fonds", explique Sandra Rigod. Il est aussi question d'imposer une taxe sur les gains, comme l'a suggéré jeudi la ministre française de l'économie Christine Lagarde. Aux Etats-Unis, la pression augmente pour traiter les gains des gérants comme des revenus et non plus comme des gains de capitaux, afin de les soumettre à une fiscalité plus lourde.
http://www.lexpansion.com/economie/actualite-entreprise/ces-hedge-funds-qui-ont-touche-le-jackpot-grace-a-la-crise_229815.html
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