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31/03/2010

Monténégro : c’est le pouvoir qui tient les rênes du crime organisé

Mi. Bosković - Mondialisation.ca, Le 31 mars 2010

« Crime organisé : un défi pour le développement démocratique du Monténégro ». Voilà l’intitulé de la table ronde organisée début mars par plusieurs ONG monténégrines. Il s’agissait de proposer des solutions pour lutter contre la criminalité qui gangrène les pouvoirs publics et politiques locaux. Invités à débattre, aucun représentant officiel n’est venu. Preuve s’il en fallait que ce fléau est loin d’être réglé dans un État où règne la loi des clans...

Au Monténégro, il n’y a ni volonté politique des autorités ni suffisamment de conscience civique pour lutter contre le crime organisé. Voilà ce qui a été constaté lors de la table ronde organisée vendredi 5 mars par le Forum 2010. Le thème était : « Crime organisé : un défi pour le développement démocratique du Monténégro ».

La condition requise pour combattre ce fléau est de bâtir un système juridique efficace affirment les experts, mais sans volonté politique, cela ne donnera aucun résultat. « Il est inadmissible de sous-estimer le danger du crime organisé et de relativiser ce problème. Il est si grave qu’il peut déstabiliser même des systèmes bien plus puissants que ceux du Monténégro » a déclaré le coordinateur du Forum, Žarko Rakčević.

« Il faut confisquer les biens acquis illégalement »

Žarko Rakčević a proposé le retrait des biens acquis grâce aux méfaits du crime organisé, présentant cette mesure comme l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre ce fléau comme pour affaiblir les clans,. « Ainsi, un message clair sera lancé pour rappeler que le crime ne paie pas ».

L’avocate Azra Jasavić a estimé que l’obligation d’un pays qui désire faire régner l’état de droit sur son sol est de mener une politique de lutte active contre le crime organisé. Pour cela, il doit confisquer les biens acquis illégalement, et ce dans un large sens. Il ne s’agit pas de procéder selon la pratique actuelle, qui tend uniquement à prouver la culpabilité et à infliger des peines d’emprisonnement.

« Le transit et le commerce des stupéfiants dans la région a contribué au développement d’un traitement extrêmement libéral de l’afflux de capitaux. Pour l’État, l’origine de l’argent n’a pas d’importance car la politique officielle est de ne pas ‘regarder les dents’ de l’argent » a souligné Žarko Rakčević. Il a ajouté que l’impunité du blanchiment d’argent et sa légalisation dans les affaires courantes, ont en outre contribué à l’accroissement du crime organisé au Monténégro.

« L’expérience du 5 octobre 2000, et l’assassinat de feu le Premier ministre serbe Djindjić, sont une version balkanique d’accointance avec le crime organisé. C’est pourquoi ceux qui pensent tenir les ficelles et pouvoir contrôler les ‘groupes identifiés’, devraient savoir qu’un problème dangereux survient dès lors qu’on désire annuler le deal » peste Branislav Radulović, vice-président de l’Association des juristes.

Au Monténégro, le problème c’est que le pouvoir lui-même dirige le crime organisé

Le Général Blagoje Grahovac classe le Monténégro parmi les pays actuellement les plus menacés par le crime organisé et la corruption : « dans les petits pays, le crime organisé ne dure qu’une seconde, jusqu’à ce que le sommet du pouvoir dise qu’il faut le stopper ».

Les participants à la table ronde ont été nombreux à partager cette constatation. L’avocat Budislav Minić a souligné le fait qu’au Monténégro, l’inefficacité se justifie par le fait que la procédure est en cours et qu’elle prend du temps. On appliquera la même tactique pour lutter contre le crime organisé de sorte que le combat durera plus qu’une seconde…

Le président de l’Union des juristes, Stanko Marić, a expliqué que l’État faisait semblant de lutter contre le crime organisé en adoptant divers plans d’action tandis que Ljupka Kovacević, de l’ONG Anima, a mis l’accent sur le fait « que le citoyens lambda se retrouvait de fait dans une situation sans issue et que son existence était menacée ». Le professeur Milan Popović pense qu’un grand nombre d’indices sérieux amènent à penser qu’au Monténégro le crime organisé ne se contente pas de quelques liens avec le pouvoir, mais que « le crime organisé est au pouvoir » et que le Premier ministre est doublement chef. Il dirige le gouvernement et le crime organisé. Pour sortir de la crise, il juge qu’il faudrait un gouvernement transitoire avant d’organiser des élections anticipées.

« Des indices laissent à croire que le sommet de l’État est impliqué dans le crime organisé qui, lui, a avalé la juridiction monténégrine. Aujourd’hui, le plus grand danger, c’est la puissance économique, financière et politique en lien avec le crime organisé » a constaté Milka Tadić-Mijović, directrice de l’hebdomadaire Monitor.

Les organisateurs avaient invité à cette table ronde les représentants du ministère de la Justice, le procureur général du Monténégro et les cadres de la Direction contre le blanchiment d’argent. Aucun d’entre eux n’a répondu à l’invitation. Hormis les représentants des organisations non gouvernementales, certains représentants du corps diplomatique ont assisté à la réunion parmi lesquels l’ambassadeur d’Allemagne, Peter Plate.

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