Auparavant, la main-d'oeuvre affectée sur les chaînes de production travaillait soit en "3×8" du lundi au vendredi, soit dans des "équipes de suppléance" le week-end et un lundi sur deux. Désireuse de restaurer sa compétitivité, la direction de Goodyear-Dunlop a proposé, en 2007, aux salariés de ses deux établissements amiénois de passer aux "4×8", car cette organisation permet de "faire tourner les machines en continu".
Après des mois de conflit, les nouvelles cadences ont été instaurées, en début d'année, dans le site Dunlop - mais pas dans l'usine Goodyear implantée de l'autre côté de la rue. Résultat : ceux qui ne travaillaient que durant la semaine passent désormais certains week-ends à l'usine. Quant aux salariés qui étaient employés les samedi, dimanche et, parfois, lundi, ils sont également soumis aux nouveaux rythmes : deux journées de travail qui commencent à 5 heures, puis deux à partir de 13 heures et deux à compter de 21 heures suivies de deux jours de repos (une journée de RTT venant parfois s'intercaler dans ce cycle).
Problèmes techniques
Un tel emploi du temps engendre davantage de fatigue, aux yeux de Fabien, 27 ans : "Je ne récupère pas", confie-t-il. A l'époque où il était aux "3×8", le travail commençait soit le matin, soit l'après-midi, soit la nuit pendant cinq jours consécutifs. Aujourd'hui, l'alternance intervient tous les deux jours. Du coup, Fabien se couche à des heures qui varient plus souvent qu'auparavant. Le sommeil est plus haché, moins réparateur.
La vie de famille en prend aussi un coup. "Avant, c'est moi qui gardais ma fille le week-end si ma femme se trouvait au boulot, explique Stéphane. Mais lorsqu'on travaille tous les deux le dimanche, il faut que je la conduise chez mes beaux-parents." Vincent, qui s'exprime sous un faux prénom, soutient que son couple a volé en éclats à cause des "4×8".
Les représentants de SUD-chimie sont très critiques sur cette organisation, qui ruine l'existence des salariés et s'accompagne de pépins techniques dans les ateliers. "C'est pire qu'avant sur le plan de l'efficience", dit l'un d'eux.
Le directeur du site, Pierre Novikoff, reconnaît que les "4×8" sont délicats à concilier avec les rythmes familiaux. Mais à la longue, et moyennant une "hygiène de vie" adaptée, il pense que le personnel peut trouver son équilibre. Quel que soit le système retenu, le travail posté entraîne toujours de fortes servitudes, fait valoir M. Novikoff.
Il rappelle que le groupe a augmenté la rémunération des salariés et promis d'investir dans l'usine pour assurer sa pérennité. Des compensations jugées insuffisantes par le tribunal d'Amiens, qui a annulé, en septembre, l'accord sur les "4×8". La direction et les représentants du personnel ont rouvert des discussions pour s'entendre sur un nouveau texte.
Délégué syndical de l'UNSA, le syndicat majoritaire sur le site Dunlop d'Amiens, Claude Dimoff considère qu'il n'y a pas d'alternative : si les "4×8" ne sont pas maintenus, l'usine est condamnée, à terme. Sur les 75 personnes qui ont quitté le site au premier semestre - la plupart parce qu'elles refusaient la nouvelle organisation -, 19 sont "sans solution" aujourd'hui, souligne M. Dimoff, et celles qui ont retrouvé du travail sont souvent moins bien payées qu'avant.
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