Quel bilan peut-on faire d’abord des politiques menées depuis un quart de siècle ? Le premier volet concerne l’emploi : le concept clé est celui d’« insertion », matérialisé dans des dispositifs à la fois toujours autres et toujours les mêmes quant à leurs résultats : le taux de chômage des jeunes (et des moins jeunes) sans qualification est toujours plus élevé. Le deuxième volet concerne la « politique de la ville » : là aussi les orientations et les dispositifs fluctuent, oscillant entre un pôle « social » et un pôle « urbanistique ». Mais, quant aux effets escomptés, rien ne change : les quartiers de relégation sont toujours aussi nombreux. Le troisième volet consiste à lutter contre « l’insécurité » et « la délinquance ». Emportées dans une spirale de « surenchère sécuritaire », les politiques policières et judiciaires se soldent également par un échec et rien ne permet de penser que le phénomène soit en voie de régression. Bref, qu’il s’agisse du chômage, de la ségrégation spatiale, de la délinquance endémique et de l’insécurité, tout reste à faire…
La redéfinition du problème à résoudre me semble donc être un préalable indispensable.
Le problème dit « des banlieues » est mal posé. Les controverses qu’a suscitées l’émeute de novembre 2005 en témoignent. Mis à part ceux qui n’y ont vu que « délinquance », ceux qui s’en sont fait les défenseurs y ont vu surtout une « révolte des ghettos » ou des « minorités visibles », les deux thèses étant souvent liées. La première trouve son fondement dans « la spatialisation » de la question sociale. Selon ce point de vue, un traitement spatial (« la politique de la ville ») serait une solution des problèmes qu’engendrent le chômage de masse et la précarisation. La seconde thèse (très en vogue aujourd’hui de Nicolas Sarkozy à telles ou telles fractions de « la gauche de gauche » ou de « la gauche de la gauche ») trouve son principe dans « la racialisation » de la question sociale. De ce point de vue, la lutte contre les discriminations (au demeurant bien fondée) serait la solution.
À mon sens, le véritable problème est celui que pose la division qui s’est creusée entre des classes populaires « établies » (« pavillonnaires ») et des classes populaires « précarisées » (« de cités »). Ce clivage est la conséquence de l’offensive néolibérale, de la dévaluation de la force de travail simple (concurrencée par celle des pays émergents), du chômage de masse, de la précarisation et, en définitive, de la résurgence de « la question sociale » qui s’en suit. Il ne saurait donc y avoir de solution au « problème des banlieues » sous toutes ses formes (ségrégation spatiale, discriminations racistes, délinquance endémique, etc.) sans résoudre ces problèmes d’emploi. Les poser, c’est remettre en cause quelques-uns des dogmes fondateurs de la pensée néolibérale : le libre-échange généralisé, la concurrence libre et non faussée, le retrait de l’État, etc. Une véritable hérésie par les temps qui courent !…
L'Humanité - 17.04.09
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